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David contre Goliath

Publié le 07 octobre 2010 par Zappeuse

Dans la légende de la mythologie judéo-chrétienne, David est un brave berger qui doit affronter un géant. Comme il est malin, et accessoirement aidé par Dieu lui-même, David le gringalet parvient à venir à bout du lourdaud plein de muscles qu’est Goliath. C’est joli, une légende, mais dans la vraie vie, malin ou pas, le petit se fait toujours avoir par le gros costaud, et ne peut remporter la partie que si plein plein plein d’autres petits le rejoignent pour faire front : pourquoi croyez-vous sinon que je me tape manif sur manif pour défendre nos retraites ?

La retraite, parlons-en : c’est l’histoire d’un David qui aimerait bien la prendre, mais qui ne peut pas parce-qu’un Goliath l’empêche de vendre son entreprise, condition sine qua non pour que David puisse buller tranquille, loin des tracasseries administratives.
L’histoire se passe en Charente-Maritime, très exactement à Marennes, juste en face de l’île d’Oléron. Il y a deux semaines, nous avons eu l’occasion de fort bien dîner dans le coin et, en nous rendant au resto, nous avons vu des banderoles et des panneaux manifestant une certaine hostilité envers l’entreprise Saint-Gobain, qui est ici le Goliath de notre histoire. Notre David, de son vrai nom Jacky Coquillaud, décide, en 2006, de vendre son entreprise de peinture une fois l’âge de la retraite venue, espérant filer vite fait vers l’Hymalaya dont il rêve. Sa boite tournait bien (une trentaine d’employés), il peut espérer la céder à un bon prix (il a même un acheteur, il n’y a plus qu’à signer en bas à droite), il n’a pas bossé toute sa vie pour rien, il est heureux.
Sauf que la réglementation, depuis 1994, oblige toute entreprise industrielle à faire analyser le sous-sol de son site avant toute cession, et surtout à dépolluer si nécessaire. Et là, on découvre des résidus toxiques en grande quantité, sans rapport avec l’activité de Jacky Coquillaud. Il s’agit notamment d’arsenic, de mercure et de plomb. Autrefois, bien avant que l’entreprise de peinture existe, le site a été occupé par une usine du groupe Saint-Gobain qui, il y a très longtemps, y a produit des engrais chimiques. Après expertises, contre-expertises et expertises d’expertises, il apparait clairement que Saint-Gobain est responsable de la pollution du site (même si les pollueurs de l’époque sont morts et enterrés depuis longtemps), ce que la firme ne nie plus aujourd’hui. La vente de l’entreprise de peinture devrait donc théoriquement être enfin possible, sous réserve que Goliath dépollue le site pour que David aille crapahuter dans la montagne.
Sauf que ça ne se passe pas tout à fait comme ça, un deuxième Goliath, plus inattendu, (quoique …) entre dans le jeu : l’Etat, par le biais du préfet de Charente-Maritime, qui demande une contre-enquête à l’ADEME. Ça prend du temps, offert au Goliath-Saint-Gobain par le Goliath-Etat. Temps qui permet à Saint-Gobain de ne pas régler la facture de 5 millions d’euros qui permettrait de procéder à la dépollution attendue, du moins pour l’instant, et peut-être même durablement, l’Etat envisageant de régler une partie de la facture. L’Etat, c’est vous, c’est moi. Tous David face à un Goliath trop riche, d’où les banderoles anti-Saint-Gobain visibles depuis la route, et la colère du maire de Marennes qui ne comprend pas pourquoi les contribuables-David doivent raquer à la place des multinationales-Goliath. Et ceci sans parler des salariés de l’entreprise de peinture, dont j’ignore ce qu’ils deviennent aujourd’hui, sachant que l’accès au site est interdit pour des raisons de sécurité (donc pas moyen d’aller bosser et donc de gagner sa croûte) et que, cerise sur le gâteau, ils ont été exposé à des produits nocifs sans le savoir (puisque même leur patron l’ignorait) : des analyses d’urine ont été effectuées, mais je n’en connais pas les résultats.

—> Source : Claire BADER, Arsenic et vieilles querelles à Oléron, Capital.fr, 6 octobre 2010

—> Pour aller plus loin : quelques précisions supplémentaires dans un article d’Usine Nouvelle, paru en juillet 2010, qui a manifestement inspiré l’article cité ci-dessus.



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