Magazine France

179ème semaine de Sarkofrance : Sarkozy, président menteur ou président des riches

Publié le 09 octobre 2010 par Juan
179ème semaine de Sarkofrance : Sarkozy, président menteur ou président des richesIl n'aime pas l'étiquette. Pourtant, c'est la seule qui lui sied : président des riches, il l'est. Mais pour se maintenir au pouvoir, il est sans doute prêt à tout, même à se débarrasser des oripeaux les visibles de sa gouvernance en faveur de la Rente. La séquence politique qui démarre sera donc passionnante. Pour être réélu, Nicolas Sarkozy trahira-t-il son clan ?
Accélérer
Peu importe la mobilisation sociale, la réforme des retraites sera adoptée, comme le paquet fiscal de l'été 2007. Mais l'amertume sera grande. Si Sarkozy a parfaitement maîtrisé le calendrier de sa réforme, il est en passe de perdre, comme pour le paquet fiscal, tout avantage politique. Sa réforme est injuste.
Le « Président des Riches » veut aller vite. Depuis janvier, il a découpé sa séquence sur la réforme des retraites en trois parties bien distinctes : de mars à juin, on fait semblant de se concerter sans rien négocier ; mi-juin, on profite de la proximité de l'été et des vacances pour dévoiler une réforme volontairement durcie. En septembre, on fait voter la loi en quelques semaines, avec quelques concessions faciles lâchées dès le lendemain ou juste avant des manifestations prévisibles.
La proposition de maintenir temporairement (5 ans) l'âge de retraite à 60 ans pour les mères de famille de plus de trois enfants nées avant 1956 participe du plan. Elle diviserait les syndicats, croit savoir le Figaro. Jeudi 7 octobre, l'Elysée s'est précipité pour « lâcher du lest », du petit lest, au moment où la contestation syndicale semblait s'emballer. A la RATP, la SNCF,  la Poste, puis à la Fonction publique,  dans la chimie, les appels à la grève reconductible dès le 12 octobre se sont multipliés. Des lycéens ont même manifesté dans plusieurs villes du Sud de la France, sans attendre mardi prochain. Si la jeunesse s'emballe, la contestation sera plus difficile à maîtriser pour le pouvoir en place.
Lundi dernier, un quarteron de ministres et sous-ministres, dont trois femmes (Nadine Morano, Nathalie Kosciuko-Morizet et Norah Berra), expliquait dans les colonnes du Monde combien les femmes n'étaient pas maltraitées par la réforme de leur patron. Et jeudi matin à l'Elysée, « la question spécifique de la retraite des femmes » a été évidemment évoquée par le Monarque qui pu conclure, dans son communiqué officiel, que « les femmes auront dans 5 ans une durée d'assurance équivalente à celle des hommes et, passé cette date, l'écart sera désormais à leur avantage. » Sarkozy fait semblant d'ignorer les écarts de salaires et le temps partiel, qui concernent structurellement les femmes. Pour le premier de ces problèmes, il propose une amende symbolique et donc inutile aux entreprises récalcitrantes. Pour le second, il joue l'autruche.
Récapitulons les concessions sarkozyennes depuis l'annonce de la réforme des retraites en juin dernier : la prise en compte de la pénibilité des carrières pour partir, sans décote, à 60 ans, se résume toujours à l'invalidité physique, médicalement prouvée, de 10% (contre 20% dans le projet initial). Empoisonnés de l'amiante, coupez vous donc quelques doigts de la main à l'approche de votre 60ème anniversaire si votre cancer ne s'est pas encore déclaré ! Autre concession, les mères de familles de plus de 3 enfants, nées avant 1956, pourront partir sans décote à la retraite. Pour les autres, circulez, y a rien à voir ! Dans sa grande bonté, Nicolas « Capet » Sarkozy a aussi accepté que les parents d'enfants handicapés soient épargnés des mesures d'âge. Enfin, les « riches » devront concéder un relèvement de taxation de quelques points sur leur patrimoine, pour moins de 600 millions d'euros par an. On applaudit ! Pour un peu, Sarkozy nous ferait passer le Téléthon pour le Grand Soir....
Ces annonces ne changent pas grand chose, même si quelques trouillards de la CFDT y voient une avancée significative. Le projet sarkozyen est clair: épargner les hauts revenus, le capital et le patrimoine d'un relèvement des cotisations pour financer l'une des plus grandes solidarités nationales, la retraite par répartition. On aurait aimé que Sarkozy ait le cran de l'assumer. Il préfère masquer le débat. Le cumul d'une durée de cotisations élevées avec le recul à 62 et 67 ans pour la majorité des Français n'est jamais évoqué dans son argumentaire défensif.
Mentir
Ils l'ont donc trouvé, ce fichu fichier, en service depuis au moins 2004. Quatre associations de Roms et de gens du voyage ont porté plainte, mercredi 6 octobre, pour constitution de fichier non déclaré et conservation « de données à caractère personnel qui font apparaître les origines raciales et ethniques.» Brice Hortefeux, plusieurs fois surpris en flagrant délire anti-roms, a démenti en avoir connaissance. Puis il a fait que « le fichier généalogique, alors détenu par l'OCLDI, a été supprimé le 13 décembre 2007, conformément aux obligations de la loi. » Cette double réponse est évidemment contradictoire. Fin août dernier, Brice Hortefeux avait déjà surpris, et scandalisé, en publiant des statistiques de délinquance roumaine.
L'affaire ne pouvait pas tomber plus mal. Ce fichier, ethnique, a été baptisé MENS, comme Minorités Ethniques Non Sédentarisés. Il a été constitué par l'Office central de lutte contre la délinquance itinérante (OCLDI). Le Monde s'est procuré une présentation Powerpoint du fichier MENS, datant de 2004. Nous en avons trouvé une autre, destiné à des transporteurs, et datant de 2007. Alain Bauer, proche de Nicolas Sarkozy et président du groupe de contrôle des fichiers, a joué l'indignation facile : « Beaucoup de ces institutions mentent avec aplomb. Ce n’est pas le premier fichier non déclaré qu’on découvrirait. »  Le même, en 2008, présidait une commission chargée de recenser et d'évaluer les différents fichiers gouvernementaux.
Le ministre de l'intérieur avait trouvé une nouvelle distraction, le terrorisme. Justement, les ministres de l'intérieur de l'Union européenne se sont interrogés, jeudi, sur la réalité de la menace. Il y a 15 jours, à la veille de la seconde journée de manifestation contre la réforme des retraites - le 23 septembre - le gouvernement français tout entier s'était mobilisé pour faire flipper la France entière. Au Luxembourg où ils étaient réunis, les dits ministres de la sécurité publique ont reçu la visite d'une représentante de l'administration Obama, Jane Holl Lute, adjointe à la secrétaire d'Etat à la sécurité intérieure. Elle a détaillé les informations détenues par les Etats-Unis. Brice Hortefeux, évidemment, a commenté que « la menace est réelle.» Certains de ses collègues en doutent. « Certains ont décidé d'augmenter le niveau de la menace, d'autres ont estimé qu'ils ne disposaient pas de suffisamment d'informations » a ainsi indiqué sa collègue belge.
La chasse aux Roms, réactivée en juillet dernier par Nicolas Sarkozy lui-même, n'en finit pas de polluer l'agenda politique de la rentrée. Vendredi, Nicolas Sarkozy est parti s'agenouiller devant le pape. Les catholiques sont un électorat qui compte. Les dérapages Bling Bling de 2007, les polémiques Mitterrand et Polanski de 2008, et maintenant les expulsions ciblées et collectives de quelques 10 000 Roms (sur les 15 000 recensés en France) ont déçu et exaspéré nombre de catholiques. Au Vatican, Sarkozy terminait son opération « reconquête », entamée jeudi 30 septembre, avec la visite d'une cathédrale à Vezelay et la célébration de « l'héritage chrétien » de la France, puis la projection le lendemain soir du film « Des hommes et des Dieux » de Xavier Beauvois. A Rome, Sarkozy a joué les modestes : une audience « privée » de trente minutes avec le pape, une édition datant de 1802 du « Génie du christianisme » de Chateaubriand comme cadeau, et un « moment de recueillement » à la basilique Saint-Pierre.  Sur place, le président français s'est permis de justifier ses rafles de clandestins au nom de la morale :  « Lutter contre l'immigration illégale qui produit tant de détresse et de drames, qui prive les pays les plus pauvres de leurs forces vives, c'est un impératif moral.» Et de rappeler les « causes communes » de la République française et de l'Eglise...
Cacher
Le juge Renaud van Ruymbecke n'abandonne pas. Il a décidé d'enquêter sur le financement de la campagne électorale d'Edouard Balladur en 1995, dont Nicolas Sarkozy était le directeur de campagne, et le soupçon de rétrocommissions dans le cadre de la vente de sous-marins nucléaire français au Pakistan en 1994. On sait que le ministre du Budget Sarkozy avait à l'époque supervisé la création de la société offshore baptisée HEINE qui devait gérer le versement des commissions occultes à quelques intermédiaires pakistanais. On sait également que les responsables de cette société ont écrit à Sarkozy jusqu'en 2006 pour se plaindre de la fermeture brutale de leur établissement. On sait enfin que la campagne de Balladur a bénéficié d'un versement, sans justificatif, de 10 millions de francs (1,5 millions d'euros) en coupures de 500 FF en janvier 1995, quelques semaines après que deux intermédiaires imposés par Balladur eussent touchés quelques dizaines de millions d'euros de commissions. A l'époque, les rapporteurs du conseil constitutionnel avaient noté l'absence d'un « commencement de preuve » quant à l'origine des 10 millions de francs. Mais le Conseil, présidé par Roland Dumas, avait finalement validé les comptes de campagne du candidat.
Sans surprise, le parquet de Paris a décidé jeudi de faire appel de la décision du juge van Ruymbeke, au motif que l'instruction sur l'attentat de Karachi de mai 2002 et le financement de la campagne balladurienne ne sont pas liées (sic !).
Les affaires de corruption peuvent être mortelles pour un homme politique.
Trahir
Nicolas Sarkozy n'est pas le premier président à ne pas tenir ses promesses. Mais il est clairement le premier à les détricoter une à une et en si peu de temps : la défiscalisation des intérêts d'emprunt immobilier a été enterrée l'été dernier, et actée dans le projet de loi de finances pour 2011. Dès 2007, nous écrivions combien cette mesure était coûteuse et contreproductive. L'immobilier est cher parce qu'il n'y a pas assez de logements. Encourager les Français - qui le peuvent - à s'endetter ne fait que stimuler une demande de logements déjà forte, en pleine pénurie d'offre, et donc participe de l'inflation des prix.
Autre totem sarkozyen, l'encouragement du travail. Sarkozy a sanctuarisé les 35 heures hebdomadaires en les définissant comme seuil de déclenchement des défiscalisations d'heures supplémentaires. Cette mesure coûte 4 milliards d'euros par an, ne sert à rien sauf à dégrader les comptes publics. La durée du travail en France est stable depuis 2002. On attend le coup de grâce. Autre renoncement, le budget 2011 prévoit de resserrer le périmètre des entreprises bénéficiaires de placements défiscalisés dans le calcul de l'impôt sur le revenu. Il y aurait des abus, reconnaît le gouvernement trois ans après le paquet fiscal.
Reste le bouclier fiscal. Ecorné par la réforme des retraites, inutile contre l'évasion fiscale, injuste car ne bénéficiant principalement qu'à quelques gros rentiers, le voici carrément mis en cause. Un tiers des députés UMP fait semblant de s'agiter à l'Assemblée pour en réclamer la suppression. Sarkozy leur a promis cette semaine, lors d'un petit déjeuner, mardi, qu'il l'abandonnerait l'été prochain, pour la loi de finances 2012, la dernière de son premier (et dernier ?) quinquennat. Mais, au passage, il pourrait régler son compte à l'Impôt de Solidarité sur la Fortune. Ce cadeau serait autrement plus important que l'abandon du bouclier fiscal (678 millions d'euros) : en 2009, l'ISF a rapporté 3,5 milliards d'euros.
Déjà, ses ministres Baroin et Lagarde ont tenté de nous faire croire à l'effort « historique » de réduction des niches fiscales que porte le projet de loi de finances pour 2011. Si l'affaire n'était sérieuse, on en rigolerait. Et la lecture du budget 2011 révèle quelques surprises de cette Présidence des Riches : les mesures de « réduction de dispositifs fiscaux dérogatoires » (page 22 du pavé de 309 pages remis la semaine dernière aux députés), ne génèrent qu'une amélioration budgétaire totale de 1,7 milliards d'euros. Où sont passés les 10 milliards d'euros de rabot ? En fait, ces « 10 milliards » servent à plusieurs sauces dans le story-telling sophistiqué : tantôt réduction de niches, tantôt « amélioration des recettes fiscales grâce à la reprise de l'activité. » Au final, les recettes nettes s'affichent à 254 milliards d'euros, en baisse de 900 millions par rapport à l'an dernier. Les annexes budgétaires chiffrent à 71 milliards d'euros les « dégrèvements et remboursements d'impôts » affectant les recettes publiques. Ce chiffrage est incomplet. L'ampleur des niches fiscales et sociales est toute autre : 173 milliards d'euros, soit davantage que le seul déficit budgétaire de l'Etat. Dans ses calculs, le gouvernement Sarkozy omet notamment de rappeler que quelques 66 milliards d'euros de rabais fiscaux ont été « déclassés », c'est-à-dire assimilés au calcul de l'impôt.
Dans le détail des articles du budget, on découvre que le gouvernement veut taxer les mutuelles sur leurs contrats complémentaire santé ; que l'aide juridictionnelle, hier gratuite, sera désormais facturée 9 euros à chaque plaidoirie ; que la fameuse taxe bancaire pour prévenir les risques de faillite sera très modeste (0,25% du plancher de fonds propres requis par la loi) ; que les dotations aux collectivités locales pour l'équipement scolaire seront, comme d'autres, gelées. Et, bizarrement, les dépenses de personnels affectées aux services du premier ministre sont prévues en hausse de ... 89 millions d'euros.
Contraint et forcé, Sarkozy laisse entendre que le débat national l'an prochain sera fiscal. Des conseillers suggèrent que Sarkozy reprenne à son compte certaines propositions socialistes, notamment de François Hollande, d'alignement de la fiscalité du capital sur celle du travail. La rupture serait alors totale. Si sa réélection est à ce prix, parions que Nicolas Sarkozy sera prêt à franchir le Rubichon.
Trahir son clan pour sauver sa peau ? Le dilemme est cruel, mais passionnant.
Ami sarkozyste, où es-tu ?


Retour à La Une de Logo Paperblog