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5 mois après l'élection: comment être déjà en passe de perdre la prochaine

Publié le 10 octobre 2010 par Vonric Vonric

*Réflexion*Bon d'accord je m'avance tout de même un peu. Toutefois je ne peux m'empêcher de penser que les Conservateurs britanniques viennent de commettre - seulement 5 mois après leur arrivée au pouvoir - une erreur grossière (certains diront de jeunesse). Une erreur du type dont les conséquences néfastes pourraient être dramatiques, non seulement pour leur électorat de référence, mais aussi pour une bonne partie des 60 millions de personnes dont ils ont la charge.
Bref un peu de mise en perspective. Tous les partis britanniques d'importance tiennent leur conférence annuelle chaque automne (un peu comme les français et leurs universités d'été;). C'est habituellement la période propice aux annonces, sondages, spéculations (on se souviendra l'an passe de la question de savoir si Gordon Brown allait convoquer des élections anticipées a la faveurs de sondages favorables).
Les Libéraux Démocrates ont débuté la saison. La conférence fut mouvementée car une partie du mouvement exprime de la réticence vis à vis de l'accord de gouvernement actuel avec les Conservateurs, et leur leader, Nick Clegg, un temps acclamé pour porter (avec un certain succès) les espoirs du parti, est aujourd'hui décrié. Les Libdems sont 10 points en dessous de leurs scores de l'an passé ; et il semble que lorsque le gouvernement est applaudi, les gens acclament les conservateurs et les partisans blâment au contraire les Libdems lorsque le gouvernement est secoué. Les centristes français doivent en savoir quelque chose :-)
La conférence du Labour a vue l'élection de son nouveau leader : Ed Miliband. J'en ai déjà parlé, je ne vais pas y revenir. A noter toutefois que lors de son discours d'investiture, Ed Miliband a bien recentré son discours, comme je l'avais prévu. Mais il a aussi affiché sa différence avec le New Labour expliquant que la Guerre en Irak voulue par Tony Blair était une erreur. Et il a été massivement applaudit (sauf par son frère David qui se serait tourne vers son voisin et aurait dit: "tu l'as voté toi aussi, la guerre. Alors pourquoi tu applaudis ?" - on ne peut pas lui donner tort, un peu moins d'hypocrisie en politique serait bienvenue).
Et pour finir, cette semaine c'était le tour des Tories. Bon tout à bien commencé : on est au pouvoir, on est les meilleurs, avec nous le beau temps... Bouhouhou on vous promet que jamais plus ces terroristes du Labour qui ont ruiné notre économie ne s'approcheront du pouvoir...etc.
Et voila qu'arrive le speech du Chancelier de l'Échiquier (ministre des finances - bras droit de David Cameron): "J'ai une bonne nouvelle et une mauvaise: la bonne est que nous sommes au pouvoir; la mauvaise est qu'il va falloir faire des efforts [...] Et donc les allocations familiales pour les contribuables payant la dernière tranche d'impôt seront supprimes a partir de 2013".
Et patatra !!!

La semaine précédente un membre éminent du parti déclarait plus ou moins: "J'ai un ami banquier qui a une grande maison au cœur de Londres, et un superbe cottage dans la campagne anglaise [peut être voulait-il aussi ajouter: et 2 Ferrari et 3 Jaguar - NDLR]. Il me disait ne pas avoir besoin des allocations familiales."
Lorsque j'ai entendu cela je me suis dit : pourquoi pas ? £80/mois, c'est en effet insignifiant pour les millionnaires. Ou peut être même l'étendre a ceux qui payent 50% d'impôts (et gagnent plus de £150000/an)

Mais la proposition d'Osborne est plus large : tous les contribuables payant la dernière tranche d'impôt (40% à partir de £44000) n'auraient plus droit aux allocations, environ £1000/an (la tranche de 50% n'est valable en effet qu'exceptionnellement l'année prochaine).
Pour bien comprendre les implications, il faut savoir que les impôts britanniques frappent chaque individu, indépendamment de leur situation: marié, enfants... Ceci n'est pas pris en compte a priori : le salaire est uniquement taxe en fonction de son montant. Donc avec la proposition d'Osborne, 2 personnes vivant ensemble et gagnant £43999.99 (soit £87999.98 ensemble) gardent leurs allocations de £1000. Alors que le couple dont l'un travaille et gagne £44000 et l'autre reste à la maison pour s'occuper de l'enfant, perd tout. Sans compter bien sur que si vous avez un enfant et gagnez £43999 vous gardez l'allocation, mais si vous êtes augmenté d'£1 vous en perdez £1000.
Vous pensez pourtant qu'une telle annonce aurait été étudiée ? Réfléchie ? Pesée et sous-pesée ? Des figures proéminentes du parti (au PS on dirait des éléphants) comme David Davies n'ont pas hésité à dire directement aux journalistes la mal qu'il pensaient de l'annonce : la mesure n'a pas été assez réfléchie, inégale, et donc à repenser. Sur la BBC [1] Jeremy Paxman a demandé 4 fois de suite à son invité, membre du cabinet du premier ministre à quel moment ceux ci avaient été prévenus de l'annonce. 4 fois la ministre a évité de répondre. Paxman en a donc conclut que même au sein du cabinet (les ministres les plus important du gouvernement) ils ne le savaient pas... et il n'a pas été contredit.
Le parti Conservateur, donc l'électorat le plus important est constitué par les égoïstes la classe moyenne/aisée, féminine, prévoit donc de frapper durement (et ainsi confirmer l'adage : qui aime bien châtie bien ?). La mesure devrait économiser £1 milliard. Certains ministres ont promptement réagit en déclarant que bien sur, cette mesure devait être considérée comme faisant partie d'un paquet, que le couple marié serait avantagé, et patati et patata. Sauf que comme le précise la BBC, le système social anglais n'est pas du tout fait pour prendre en compte ces choses là ; qu'une reforme en profondeur pourrait coûter des milliards... Si au moins on savait déjà où commencer.
Bref, quand je pense à Baroin qui supprime l'avantage fiscal réservé aux couples qui se marient en disant : "on ne se marie pas pour l'argent", ses collègues outre-Manche penseraient plutôt le contraire.
Et si j'ai beaucoup parlé ici du plan du chancelier Osborne, c'est parce que ce millionnaire de 40 ans, n'a semble-t'il pas consulté grand monde. Peut être pense-t'il que tous ceux qui, comme lui payent 40% d'impôts, sont aussi millionnaires ? Le gouvernement britannique peut-il garder en charge des finances du pays un jeunot sans cervelle ? Réponse à venir...

 

[1] Une petite digression ici pour dire à quel point je suis frappé de la différence de ton des intervieweurs anglais et français. Lorsque d'un coté on joue la déférence, à peine une question qui fâche, une relance (lorsqu'on est très indiscipliné !), les anglais ne prennent pas de pincettes. Les Paxman ou Humpfrey n'hésitent pas à dire "Vous savez que ce que vous venez de dire est faux? Vous ne pouvez pas dire cela alors que les faits montrent... Je vous repose encore la question: oui ou non...". So shocking... pour des politiciens français !

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