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Travailler plus pour gagner moins...

Publié le 03 janvier 2008 par Willy


Travailler plus pour gagner moins...


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carnac (son site) - http://www.agoravox.fr/

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Le slogan "travailler plus pour gagner plus" cache une toute autre réalité mathématiquement établie: "travailler plus pour un salaire horaire moindre".

Selon l’étude annuelle sur « les salaires en France » publiée par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) le surcroît de 11,6 % de productivité horaire du salarié français par rapport à la moyenne des Quinze déjà observé en 1996, est passé à 16,5 % en 2004...

Autrement dit, de 1996 à 2004, l’évolution de votre salaire horaire n’a pas suivi l’évolution des gains de productivité générés par votre travail.

Non seulement vous n’avez pas eu l’évolution du pouvoir d’achat à laquelle vous pouviez prétendre faute d’un partage équitable de ces gains de productivité entre les salariés et les actionnaires, mais vous "travaillez plus pour un salaire horaire moindre".

Pour vous en convaincre, il suffit de prendre une de vos fiches de paie assortie d’heures supplémentaires sous le gouvernement Jospin et de la comparer avec votre fiche de paie assortie d’heures supplémentaires après la mise en oeuvre de la loi TEPA en octobre 2007.

Vous constaterez que le taux horaire augmenté de 25 % existait sous le gouvernement Jospin et que vos heures supplémentaires ouvraient droit à retraite puisque votre employeur cotisait sur cette partie de votre rémunération.

La cotisation de l’entreprise pour votre retraite sur les heures supplémentaires s’analyse comme un "salaire différé".

Aujourd’hui le taux horaire bonifié d’une heure supplémentaire est revenu à + 25 %, après un passage à +10 % sous le gouvernement Raffarin, mais désormais, votre employeur ne cotise plus pour votre retraite sur les heures supplémentaires que vous exécutez à sa demande.

Vous ne toucherez plus - sous forme de points de retraite supplémentaires - le salaire différé constitué par les cotisations patronales sur les heures de travail supplémentaires effectuées au cours de votre carrière.

Il est donc extraordinaire de présenter comme une grande avancée la perte de ces droits à retraite.

Il est illusoire de penser cotiser volontairement à la retraite sur le montant des heures supplémentaires, motif pris qu’elles ne sont plus imposables, car il faudrait encore bénéficier d’une réduction d’impôts effective ce qui n’est pas le cas du chef de famille au Smic : rappelons qu’ouvriers et employés, les principaux concernés par le régime des heures supplémentaires, représentent 53 % de la population salariale active (cf. observatoire des inégalités 2007 page 73).

Ce dispositif mis en place par la loi TEPA permet de voir à quel point les réalités sociales échappent à nos gouvernants, mais il semblerait que l’on n’en reste pas là : pendant la trêve des confiseurs, un risque de régression sociale sans précédent est passé quelque peu inaperçu.

En effet, à ce jour, la première heure supplémentaire payée à salaire horaire bonifié est la 36e heure de travail hebdomadaire. Or le gouvernement envisage d’augmenter la durée légale hebdomadaire du travail qui est actuellement en France de 35 heures.

Il peut le faire en toute légalité jusqu’à la durée maximale du temps de travail définie par les normes européennes qui est de 48 heures hebdomadaires de travail pour un salaire à temps plein.

Si ceci advenait, vous travailleriez 13 heures en plus (48 heures-35 heures) pour un Smic (salaire minimal pour un temps plein) ce qui représente une baisse du salaire horaire de plus du tiers par rapport à ce qu’il est actuellement.

Imaginons que le gouvernement n’aille pas à cette extrémité et qu’il opte par exemple pour un retour à 42 heures hebdomadaires travaillées, la première heure supplémentaire payée à un salaire horaire bonifié de 25 % deviendrait la 43e heure de travail et non la 36e heure comme aujourd’hui.

Autant dire que le régime salarial bonifié des heures supplémentaires disparaîtrait. Nous sommes peu nombreux à faire plus de sept heures supplémentaires par semaine ce qui représente de l’ordre de 20 % de travail supplémentaire par mois. Il suffit pour s’en convaincre de voir ce que représentent les heures supplémentaires dans la rémunération totale pour les 900 salariés qui ont répondu au sondage que vous trouverez sur : http://prudhommesisere.free.fr/indey.htm

Cette modification de la durée hebdomadaire du travail est demandée avec insistance par le patronat.

En effet celui-ci ne peut répondre à la commande gouvernementale du "travailler plus pour gagner plus" faute d’une réelle recrudescence des commandes. Le sondage précité indique que seuls 19 % des salariés ont bénéficié d’une augmentation du quota de leurs heures supplémentaires c’est insuffisant pour impacter le pouvoir d’achat de l’ensemble des salariés.

Le chef de l’Etat l’a parfaitement compris et, pour tenter d’amplifier le mouvement, permet aujourd’hui le rachat des jours RTT déposés sur les comptes épargne temps. Il y a peu de chance que cela change grandement la donne car, au vu du même sondage, seuls 2 % des salariés disposaient de jours RTT sur de tels comptes.

Cependant, cette nouvelle disposition contraindrait le patronat à renégocier les accords RTT qui, pour la plupart, bloquent la contre-valeur financière de ces jours sur de longues périodes.

Or, les jours de RTT ainsi déposés sont la contrepartie de la flexibilité qui a permis d’obtenir en France un des meilleurs taux mondiaux de productivité horaire. Le patronat, fort logiquement, ne souhaite pas revenir sur un tel acquis dont l’Insee a souligné tout l’intérêt dans sa dernière étude sur les salaires.

On ne toucherait donc pas dans l’immédiat aux accords RTT. Par contre, on négocierait entreprise par entreprise l’augmentation de la durée hebdomadaire du travail avec pour seule limite le plafond européen...

On aurait ainsi dans chaque bassin d’emploi, pour un salaire à temps plein égal au Smic et un même type d’activité, des durées hebdomadaires du travail différentes suivant l’établissement concerné.

On a vécu l’effet de dumping social entre pays émergents, ou pays de l’Est européen par rapport aux provinces françaises, le dumping social s’installerait désormais à l’échelle du bassin d’emploi par le biais d’un taux horaire de l’heure travaillée pouvant être réduit de plus du tiers de sa valeur...

On aurait ici un salaire guère supérieur au Smic pour 48 heures hebdomadaires travaillées, là, le Smic serait la contrepartie de 35 heures travaillées.

Ne pensez pas que cette situation soit improbable car elle existe déjà dans le commerce par l’intermédiaire des "heures dites d’équivalence" qui attribuent un Smic pour 42 heures de présence dans les magasins.

Cette disposition parfaitement légale participe d’ailleurs grandement au phénomène des "travailleurs pauvres" car les frais, notamment de garde d’enfants, demeurent à hauteur de 42 heures hebdomadaires d’absence du foyer.

A terme, le nivellement se ferait vers le bas pour tous les emplois courants où le salariat est interchangeable et dans les métiers qui ne connaissent aucune pénurie de main-d’oeuvre, c’est-à-dire la plupart des métiers communément exercés par les classes moyennes.

Il serait peut-être temps de rappeler que nous avons voté contre l’immobilisme, mais jamais délibéré et voté sur le contenu des réformes.

Nous pouvons donc légitimement nous interroger sur l’opportunité et la méthode d’une réforme visant la baisse du coût horaire du travail dont les réels effets ne sauraient être longtemps dissimulés par un slogan trompeur le désormais célèbre : "travailler plus pour gagner plus".


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