Magazine Journal intime

Comment se faire épouser (3) : après la théorie, les travaux pratiques

Par Evainlondon

Après des semaines, que dis-je, des mois d’attente, nous y voici. Je le sens, l’énigmatique rendez-vous que Prince m’a fixé « ce soir en ville » est un guet-apens. Je laisserais bien mon esprit vagabonder à nouveau, mais je suis quelque peu échaudée par la non-matérialisation des scénarios #1 à #49 que j’ai déjà élaborés pour cette arlésienne qu’est ma demande en mariage. Mais, en attendant, comment pourrais-je bien occuper un début de vendredi soir à Londres ?
La réponse est toute trouvée : suivre mes collègues au pub. Une option que je choisis très rarement. Pourquoi ? Eh bien, n’aimant ni boire, ni faire semblant de suivre les conversations menées à tue-tête autour de moi, l’intérêt de la sortie au pub s’en trouve grandement limité. Enfin, avec une vodka-orange (aux grands maux, les grands remèdes), le temps passe quand même beaucoup plus vite. 18h30 arrive. « Prince calling » indique mon téléphone anglais. Ah ah ! L’affaire se précise.

- (Moi, criant dans le téléphone pour me faire entendre malgré le brouhaha ambiant) : ALLO ?
- (Prince, d’un ton étrange) : Désolé, mais je ne me sens pas très bien, ça t’embête si on se retrouve à la maison ?
Hum, pas très crédible, cette histoire, quand on sait que Prince est en possession d’une magnifique bague de fiançailles depuis plus d’un mois. Je sors du pub afin de mieux l’entendre s’empêtrer dans ses mensonges.
- (Moi, mauvaise) : Oh, pauvre loulou ! Je pars tout de suite, alors ?
- (Prince, légèrement paniqué) : Euh, non, non, reste au pub, amuse-toi (?). Je vais me reposer (?) en t’attendant.
- (Moi, réfléchissant au temps dont Prince pourrait avoir besoin pour préparer sa demande en mariage) : D’accord, je serai à la maison dans… une petite heure, dans ce cas ?
- (Prince, soulagé que son stratagème ait été aussi facilement accepté) : Très bien, à tout à l’heure !

Songeuse, je raccroche et retourne à l’intérieur opiner du chef et ponctuer les conversations de mes collègues de « Really ? » et de « That’s great ! » dont j’espère qu’ils sont relativement cohérents avec la discussion en cours. Heureusement, l’heure de démasquer Prince finit par arriver. Partagée entre excitation (« Derrière la porte, je le trouverai à genoux, souriant, tout à la joie de m’épouser… ») et principe de réalité (« Derrière la porte, je le trouverai au lit, déprimé, tout à son terrible rhume…), je suis en pilote automatique. C’est avec surprise que je me retrouve bien trop vite devant cette fameuse porte. Que découvrirai-je derrière ? Le cœur battant, je pénètre dans l’appartement, et y trouve…

Comment se faire épouser (3) : après la théorie, les travaux pratiques

1. des bougies partout
2. un Prince apparemment bien portant (je vous l’avais bien dit) mais l’air particulièrement anxieux
3. et deux petites feuilles de couleur par terre (bien près des bougies d’ailleurs, ne puis-je m’empêcher de noter)

Là, je ne vais pas y couper. Prince s’approche de moi, m’accueille avec un baiser nettement plus langoureux que celui auquel j’ai droit d’habitude, et me dit :
- Euh… j’ai quelques soucis techniques, là. Tu me donnes une minute ou deux ?
Comme déclaration, on a fait mieux. Je décide de m’enfermer dans la salle de bains pour une très, très longue douche : histoire de laisser à Prince le temps qu’il lui faut, mais surtout de  repdrendre mes esprits. C’ela fait si longtemps que j’attends ça que tout me paraît presque irréel : les bougies, les pétales de rose (oui, il y avait aussi des pétales de rose), Prince rentré tôt pour préparer tout ça – presque – incognito.
De son côté, Prince, désarçonné, se demande quelle mouche a bien pu me piquer.
« Qu’est-ce qu’elle fabrique sous la douche depuis dix minutes ? »
« Après tout ce cirque, elle ne va quand même pas m’envoyer balader ?! »
« Réclamera-t-elle un diamant plus gros ? »
Je ne peux qu’imaginer ses interrogations. Plusieurs longues minutes plus tard, j’émerge enfin, démaquillée, pas coiffée, en jean. Propre, mais plus hébétée que jamais. Lui-même préoccupé, Prince ne semble se rendre compte de rien, et me mène vers le canapé. Je remarque intérieurement qu’il a dû réussir à faire fonctionner la chaîne hifi, puisque que le fond sonore – discret – n’est autre que l’une des chansons qui a marqué notre rencontre.

Nouveau baiser (décidément, je suis gâtée, ce soir). Prince plonge son regard dans le mien, m’explique, comme j’en rêvais, pourquoi il m’aime (je remarque qu’il ne mentionne ni mon humour dévastateur, ni ma patience) et, comme dans les films, conclut en beauté en se mettant à genoux :
- Eva in London, veux-tu m’épouser ?

Je crois que j’ai répondu oui ; je dois avouer qu’à ce stade, tout est un peu flou dans ma mémoire. Seules demeurent quelques bribes :
- Prince n’avait pas rendu la bague. En tout cas, il me semble que c’est bien la même que j’ai à présent au doigt.
- Les deux feuilles de papier proclamaient respectivement « Je t’aime parce que… » et « … tu as dit OUI ! »
- Prince m’expliquant que, tous les jours jusqu’au mariage, je recevrais une nouvelle réponse à la phrase « Je t’aime parce que… ». Moi qui me demande régulièrement ce qu’il peut bien faire avec moi, une incorrigible bavarde / gourmande / intellectuelle de bas étage, rien ne pouvait plus me toucher
- le plaisir d’écouter ensemble, dans les bras l’un de l’autre, une compilation « Eva et Prince » dans l’ordre chronologique de notre relation

Malgré tout le romantique de cette soirée, ou peut-être précisément à cause de cela, je ne peux me débarrasser de l’étrange impression que tout ceci est en train d’arriver à quelqu’un d’autre. Comme si j’observais la scène d’en haut.

Mais je suis soudainement tirée de ma rêverie : nous avons mis le feu au canapé… au sens propre. Vous allez me dire, 80 bougies dans un appartement de 30 m2, c’était inéluctable.

On fera mieux la prochaine fois.

Comment se faire épouser (3) : après la théorie, les travaux pratiques

(notre canapé, une fois l’incendie maîtrisé)


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