Magazine Poésie

LE DESERT de C.M. Leconte de Lisle

Par Fleurdusoleil

jeudi 14 octobre 2010

LE DESERT de C.M. Leconte de Lisle

Quand le Bédouin qui va de l'Horeb en Syrie
Lie au tronc du dattier sa cavale amaigrie,
Et, sous l'ombre poudreuse où sèche le fruit mort,
Dans son rude manteau s'enveloppe et s'endort,
Revoit-il, faisant trêve aux ardentes fatigues,
La lointaine oasis où rougissent les figues,
Ligeti,_Antal_-_Oasis_in_the_Desert_(1862)Et l'étroite vallée où campe sa tribu,
Et la source courante où ses lèvres ont bu,
Et les brebis bêlant, et les boeufs à leurs crèches,
Et les femmes causant près des citernes fraîches,
Ou, sur le sable, en rond, les chameliers assis,
Aux lueurs de la lune écoutant les récits ?
Non, par delà le cours des heures éphémères,
Son âme est en voyage au pays des chimères.
Il rêve qu'Al-Borak, le cheval glorieux,
L'emporte en hennissant dans la hauteur des cieux ;
Il tressaille, et croit voir, par les nuits enflammées,
Les filles de Djennet à ses côtés pâmées.
De leurs cheveux plus noirs que la nuit de l'enfer
Monte un âcre parfum qui lui brûle la chair ;
Il crie, il veut saisir, presser sur sa poitrine,
Entre ses bras tendus, sa vision divine.
Mais sur la dune au loin le chacal a hurlé,
Sa cavale piétine, et son rêve est troublé ;
Plus de Djennet, partout la flamme et le silence,
Et le grand ciel cuivré sur l'étendue immense !

Charles-Marie LECONTE DE LISLE (1818-1894), extrait du recueil “Poèmes Barbares”.


 
 

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Fleurdusoleil 213 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazines