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L’Etat, carburant du futur

Publié le 14 octobre 2010 par Copeau @Contrepoints

L’Etat, carburant du futurJe me suis passionné pour les commentaires suscités par le Salon de l’Auto. J’ai beaucoup appris depuis le début de la semaine.

Par exemple, un sociologue a savamment expliqué sur les ondes officielles que l’auto de demain n’aura rien de commun avec le véhicule dont nous nous servons depuis un siècle. A la voiture statutaire va succéder la voiture servicielle : jusqu’à présent la voiture était un bien de consommation comme un autre, destiné à administrer la preuve d’un statut social, désormais on achètera la voiture pour les services qu’elle rendra. Immense découverte ! D’autres ont ajouté sans rire que l’automobile sera également grenellienne, grâce aux bonus écologiques.

J’ai aussi observé que, sauf au Brésil, la mode des biocarburants semble révolue. Après avoir planté des centaines de milliers d’hectares de tournesol, maïs, ou colza on s’est aperçu que ces plantations consommaient plus d’énergie et rejetaient plus de gaz à effet de serre que ce qu’elles en épargnaient ; le bilan se solde par la déforestation en Afrique et en Amérique du Sud.

La grande mode, c’est évidemment la voiture électrique, ou la voiture mixte. Les performances techniques de ces véhicules sont en progression rapide, et dans une dizaine d’années le moteur électrique pourra supplanter le moteur à explosion. Le prix de vente  est estimé entre 20 et 30.000 euros, l’autonomie est au maximum de 150 kilomètres et le temps de recharge est autour de 6 heures. Pourtant, il y a déjà des clients qui attendent leur voture : les administrations françaises et les entreprises publiques ont passé commande ferme. C’est dire que le véritable carburant sera l’impôt.

Cependant pour moi le plus instructif des commentaires aura été celui de Christian Estrosi, expert en industrie, sinon en économie. Je vous en fais juges.

Interrogé sur le futur immédiat de notre industrie automobile, le Ministre de l’Industrie a en effet expliqué mercredi sur France 2 (Télé Matin) que c’est bien l’Etat qui a sauvé l’automobile française frappée par la crise. Le prêt de 6 milliards d’euros d’abord, ensuite la « prime à la casse » – dans la tradition de la baladurette et de la jupette – ont permis à Peugeot et Renault de redémarrer, et de s’adapter à la nouvelle donne économique.

C’est ce thème de l’adaptation que Christian Estrosi a développé : c’est assurément la stratégie industrielle mise en place par le Président et son éminent Ministre qui a permis aux entreprises d’innover et de gonfler les ventes. Ce n’est sûrement pas le marché, c’est – dit-il – le « volontarisme politique » qui fait ce que le marché est incapable de faire.

Tout le monde sait bien que l’industrie automobile est née par l’Etat, s’est développée par l’Etat et assure maintenant sa survie par l’Etat. Quant au marché, qui pourrait croire qu’il produit autre chose que des spéculations et des crises ? La supériorité du plan sur le marché a été établie scientifiquement par les économistes marxistes, et ont conduit l’URSS, la Chine et quelques autres pays sur la voie du progrès économique et social.

Argument politique suprême : Christian Estrosi se réfère à une phrase de Lionel Jospin qui avait déclaré en 2000 que « l’Etat ne peut tout faire ». Notre ministre a cloué le bec à l’ancien Premier Ministre « Non Monsieur Jospin, la preuve est faite que l’Etat peut tout faire ». Notre ministre UMP a marqué là un point définitif : il est plus socialiste que les socialistes. Au socialisme mou du PS la majorité actuelle substitue un socialisme efficace.

Autre avancée du socialo-communisme : comme Laurent Fabius en 1985 Christian Estrosi a insisté sur la nécessité de « reconquérir le marché intérieur » : la France aux voitures françaises. D’ailleurs le volontarisme politique instaure aussi le principe que tout bien produit par une entreprise française doit être fabriqué en France. Achetez Français, Produisez Français. Slogans du Parti Communiste (Français) en 1946. On n’arrête pas le progrès dans l’industrie du discours politique. Les étrangers mangent toujours le pain des Français.

Avec quelque impertinence, je pose à notre ministre quelques questions saugrenues :

1° Si le succès de l’industrie automobile française se mesure aux seules ventes sur le marché français à des consommateurs remboursés par l’Etat d’une part non négligeable du prix, pendant combien de temps pourrons-nous continuer à exporter nos véhicules ? Pour ma part, je fais davantage confiance au marché et à la concurrence mondiale pour stimuler le talent des constructeurs français, et eux-mêmes ne s’y trompent pas.

2° Si tous les constructeurs français devaient produire sur le territoire national, faut-il autoriser Peugeot à faire construire dès l’an prochain son dernier modèle la 508 en Chine, dans l’usine de Wuhan ? Pourquoi les délocalisations ?  Pourquoi 75% de la production des marques françaises se fait-elle à l’étranger, et pourquoi a-t-elle augmenté de 5,5% l’an dernier alors qu’elle diminuait de 10% sur le territoire national ? En vérité l’Etat français est un repoussoir, accablant l’industrie de charges empêchant toute compétitivité (9 % de différence avec les Allemands), et laissant le champ libre à des syndicats aussi puissants que nuisibles.

3° Faut-il obliger les automobilistes français à renoncer aux voitures importées ? La Dacia remporte un succès considérable en France alors que peu de gens en achètent en Roumanie, pays producteur d’origine. Manque de patriotisme, dira notre ministre, dont la pensée se ramène au slogan « un pays une auto ». Quand l’auto devient une affaire d’Etat, elle devient un monopole national, comme en Allemagne hitlérienne avec la voiture du peuple, ou en RDA avec la Trabant. De l’Etat planificateur à l’Etat totalitaire il n’y a qu’un degré à franchir.

Pour conclure je vois que les constructeurs français ne pourront continuer à faire front à la concurrence que si le Ministre de l’Industrie et la CGT les oublient. Faute de quoi, les automobilistes français ruinés par le fiscalisme et le nationalisme de leur Etat reviendront à un mode de carburation réellement bio et durable, que j’ai eu le privilège de connaître : le gazogène.

Article repris depuis la Nouvelle Lettre, avec l’aimable autorisation de Jacques Garello, directeur de publication.


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