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Après les « 33″, le temps des « 34″…

Publié le 19 octobre 2010 par Anthony Quindroit @chilietcarnets

La presse internationale ne parle que de ça : les trente-deux mineurs chiliens et leur collègue bolivien sont enfin sortis de l’enfer dans lequel ils ont passé 69 jours à plus de 700 mètres sous terre. Une opération de sauvetage digne d’un film hollywoodien avec des héros emblématiques – des gueules noires vaillantes et fières – des rebondissements en pagaille - les sauveteurs vont-ils atteindre leur but ? Les plans sont-ils fiables ? – une pointe d’humour – ah, la femme et la maîtresse qui se prennent le bec en surface ont alimenté quelques blagues – et une communication savamment maîtrisée qui ont fait de cette opération un événement planétaire.
Aujourd’hui encore, dans les journaux chiliens, on ne parle que de ça. Quel mineur va parler en premier ? Quels cadeaux étonnants vont-ils recevoir ? Quel acteur va interpréter le rôle du chef des mineurs dans un film déjà envisagé (on évoque même le nom de Javier Bardem) ? De simples inconnus sont devenus au fil de l’épreuve des emblèmes d’un pays qui lutte, d’un pays solidaire, d’un pays qui se dépasse.
Ce dossier, il faut le reconnaître rondement mené, a surclassé tous les autres. Même une affaire moins glorieuse pour le gouvernement. L’affaire des « 33  » comme on les appelle a permis de mettre entre parenthèses le cas des « 34″. Cette fois, pas de mineur mais des indiens mapuches. Des mapuches chiliens dont la vie, comme celle des mineurs, ne tenait plus qu’à un fil. Ils étaient en effet en grève de la faim pour dénoncer une loi permettant à l’Etat de récupérer leurs terres et les assimilant à des terroristes. Un sombre vestige des lois pinochetistes bloquant les droits de ces indiens. Durant 82 jours, dans l’anonymat presque total et dans les prisons où ils sont incarcérés, ils ont donc cessé de s’alimenter. Au Chili, de rares articles faisaient état de leur combat. En France, en dehors des alternatifs, peu de médias se sont penchés sur la question.
Pourtant, le sujet fait toujours débat au Chili. Et la fin de la grève, le 7 octobre, ne signifie pas pour autant la fin des discussions avec le gouvernement. Le débat porte maintenant sur la requalification des faits. S’il semble acquis que le terme de « terroriste » ne sera plus appliqué dans le cas de Mapuches qui tenteraient de récupérer leurs terres – le ministère public a ouvert une porte en ce sens – la question se pose désormais pour ceux qui ont été jugés. L’avocat des agriculteurs spoliés demande en effet la requalification du jugement. Une formalité semble-t-il puisqu’une mesure en vigueur depuis 2000 permet à la justice de reconsidérer aisément un dossier. Même le président chilien, en tournée européenne, a annoncé vouloir « une réforme urgente de la Constitution pour que soient reconnus les droit des peuples « originaires ». » Simple effet d’annonce pour désamorcer une situation qui – dans son pays du moins - pourrait lui attirer quelques inimitiés ou volonté de réhabiliter un peuple qui reste, aujourd’hui encore, la tête de Turc du pays. A voir. Car ce problème lève d’autres lièvres. Toujours hérité de la période Pinochet, de nombreuses inégalités et injustices persistent. Sebastian Piñera, toujours lors de son intervention en Grande-Bretagne hier, a assuré vouloir favoriser le développement économique des Mapuches et la reconnaissance de la propriété de la terre. Autant dire que les associations solidaires de ce peuple sont désormais sur le qui-vive. Et attendent du concret pour cette population qui représente près de 4% des Chiliens.


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