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L’Inquisition de Goa, la relation de Charles Dellon (1687)

Par Olivia1972

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L’Inquisition de Goa, la relation de Charles Dellon (1687)

Etude, édition et notes de Charles Amiel & Anne Lima

Charles Dellon est né en 1650 et meurt vers 1710 ; il était médecin mais sera connu comme écrivain avec le livre publié en 1687 « Relation de l’Inquisition de Goa ».

Ce livre eut une influence considérable ; dés 1688 il est publié en anglais, en allemand et en néerlandais.

Cette œuvre est intéressante à plus d’un titre ; tout d’abord par son auteur qui est un personnage multiple, témoin et acteur à la fois des débats de son siècle, celui de Louis XIV, prélude aux Lumières. Période de prise de conscience européenne, maquée par le doute et le relativisme. C’est aussi une mine pour l’histoire des voyages du XVII° siècle et les débuts de la Compagnie Française des Indes Orientales. Enfin c’est une source fondamentale pour la connaissance de l’Inquisition de Goa, Inquisition portugaise vue par un français.

En août 1673, Dellon est arrêté et emprisonné. Il a été dénoncé comme hérétique. La vérité est qu’il courtisait une femme convoitée à la fois par le gouverneur et par un prêtre indien, secrétaire du Saint-Office. Il restera incarcéré jusqu’en 1676 et finalement il obtient la révision de son procès et, soutenu par Bossuet, sera libéré en 1677.

L’Inquisition à Goa avait démarré bien plus tôt en 1546 avec Saint François-Xavier demandant par écrit au roi dom João III l’envoi de l’Inquisition en Inde « car il a beaucoup de gens qui vivent selon la loi de Moïse ou la secte de Mahomet, sans aucune crainte de Dieu, ni vergogne envers le monde ».

On sait que la plupart des cas traduits devant le tribunal du Saint-Office concernaient des hindous mal convertis qui ne renonçaient pas totalement à leurs pratiques ancestrales. Mais les nouveaux-chrétiens (à l’origine des Juifs chassés d’Espagne, réfugiés au Portugal et convertis au catholicisme) étaient également concernés.

On peut bien sûr se demander comment un récit décriant les excès de l’Inquisition a pu être publié dans le très catholique royaume de France ? Cette publication découlerait de la volonté d’affirmer la différence entre l’Eglise de France et l’Eglise de Rome d’où émanait cette Inquisition. En janvier 1688, Louis XIV était à la veille de se faire excommunier par le pape en raison de sa franche politique gallicane (courant politico-religieux prônant une très grande autonomie de l’Eglise de France par rapport à Rome) particulièrement défendue par Bossuet ce qui explique que ce dernier soit intervenu pour faire libérer Dellon.

Bien entendu dés 1690, le livre de Dellon sera mis à l’Index par Rome.

Dellon raconte vite et bien. A-t-il dit vrai ? Lesage et Sterne n'en ont pas douté. Montesquieu lui aussi lui a fait confiance et sa Très humble remontrance aux inquisiteurs d’Espagne et du Portugal reprend le même procès. Sans même parler de Bayle, de Beccaria, de Morellet, de d'Alembert. Tous les esprits avancés du XVIIIe siècle ont puisé dans la Relation de l'Inquisition de Goa des armes contre le fanatisme.

C'est que Voltaire l'a dit : “On se lasse à la fin d'être brûlé.” Toutes les pages de Candide où Pangloss et son disciple affrontent l'Inquisition viennent en droite ligne du récit de Dellon.

Mais tout cela fait-il que Dellon ait dit vrai ? Charles Amiel et Anne Lima, qui ont tout étudié honnêtement, le pensent. Leur avis a du poids. Peut-être en saura-t-on davantage un jour puisque Jean-Paul II avait décidé d'autoriser la consultation des archives du Saint-Office de 1542 à 1903.


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