La couverture est hideuse. Une femme yogi constituée de feuilles de vieille salade, de haricots et de quartiers de mandarine fait vibrer son diaphragme en réfléchissant à un prénom. À l’intérieur, les illustrations sont tout droit sorties de Martine mange équilibré dans les années 50. L’Institut National de prévention et d’éducation pour la santé (INPES) a publié en novembre 2007 son “ Guide nutrition pendant et après la grossesse“.
Le contenu pèche aussi. Pas un mot sur les substances chimiques qui contaminent les aliments. Pour l’INPES, les “produits toxiques” sont l’alcool et le tabac. Point.
Certes, le guide mentionne le soja et les produits à base de soja, qu’il faut éviter : ils contiennent des œstrogènes végétaux (phyto-œstrogènes). Gênant, d’avoir dans le corps des hormones indésirées quand on est occupé à fabriquer un bébé. Mais qu’en est-il des xeno-œstrogènes et des autres perturbateurs endocriniens , ces substances chimiques qui imitent les hormones, et qu’on soupçonne fortement de pirater le système du fœtus en développement ?
C’est bien beau de manger 5 fruits et légumes par jour – la recommandation officielle – quand ils ont de grandes chances d’être recouverts de résidus de pesticides. Selon l’étude annuelle 2004 de la Commission européenne, 40% des aliments européens sont saupoudrés de pesticides, 4,7% dépassent les limites maximales. En outre, les services sanitaires ont identifiés 197 différentes sortes de pesticides.
Et puis il y a le dossier poisson. Dans le guide de l’INPES, on lit qu’il “est recommandé de diversifier les espèces en évitant certains poissons (marlin, espadon et siki)”. Pourquoi donc ? Ces espèces sont en fait 4 fois plus contaminées que les autres par le méthylmercure, un métal lourd dont la toxicité pour le cerveau en développement du fœtus est parfaitement connue. Alors que, d’année en année, l’Organisation mondiale de la santé et les États-Unis diminuent la dose hebdomadaire admissible en méthylmercure, la France regarde ses indicateurs d’un œil vitreux. Car le marlin, l’espadon et le siki ne sont pas les seuls poissons à risque. Tous ceux qu’on appelle les prédateurs sauvages sont truffés de méthymercure et d’autres substances qui s’accumulent dans leurs graisses (phénomène dit de bioaccumulation). “Mettez le poisson à votre menu au moins deux fois par semaine (n’oubliez pas les conserves – sardine, thon, maquereau, hareng – qui sont intéressantes sur le plan nutritionnel et peu chères)”, recommande l’INPES.
L’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) a, dans un avis, émis des recommandations qui ne sont absolument pas relayées dans le guide nutrition de Martine la femme yogi. L’Agence l’a dit en 2006 : les enfants en bas âge ne devraient pas manger plus de 60 grammes de poissons prédateurs sauvages par semaine. Quant aux femmes enceintes et allaitantes, c’est 150g maximum. Or le thon est aussi un prédateur sauvage.
Passées à la trappe aussi, les substances qui contaminent la nourriture via les emballages en plastique, les revêtements intérieurs de boîtes de conserve, ou tout bonnement parce que l’intégralité de la chaîne alimentaire se nourrit à la pollution chimique.
Ils semblent bien loin, ces pays scandinaves à la pointe de la santé publique où les livrets pour les femmes enceintes ne se limitent pas à la seule nourriture. Au Danemark, un livret d’information édité en 2007 recommande d’éviter les cosmétiques pendant la grossesse (version résumée en anglais ici). On peut aussi rêver du jour où l’on préviendrait les futures mamans qu’utiliser des insecticides et des détergents peut être nocif pour le fœtus. On peut toujours rêver. Ou aller piocher quelques conseils de bon sens sur le site de Women in Europe for a Common Future (WECF).
Sources : AFSSA, Commission européenne, Organisation mondiale de la Santé.
St.H.