Pour justifier une expansion de ses activités vers le jeu en ligne, Loto-Québec a fait valoir qu’elle aurait diminué considérablement l’accessibilité aux ALV au cours des dernières années. Si on ne fait que lire les rapports annuels, cela semble être le cas. Si on parcourt les rues, cela est moins évident. Qu’en est-il vraiment?
En mai 2008, un changement dans le règlement a permis de réaliser une réduction comptable instantanée, qui pourrait atteindre 13% de l’offre de jeu, sans qu’un seul ALV n’ait été déplacé de sa position initiale. Pour éviter de s'emmêler, il ne faut pas confondre entre le nombre de sites de jeu et le nombre de licences pour des ALV. Un établissement peut posséder plusieurs licences.
Dans son Plan de développement 2004-2007 (voir pages 23-24, 35), Loto-Québec a indiqué procéder à une reconfiguration de son parc d’ALV qui devait conduire à une réduction de 31,2% du nombre de sites offrant des ALV. L’objectif était (1) de ne pas réattribuer les licences des commerces qui cessent leurs opérations, et (2) de retirer les licences des commerces qui offrent moins que 5 ALV dans les zones socioéconomiques fragiles. Au total 1,142 sites devaient fermer entraînant un retrait de 2,500 ALV.
À noter que la réduction anticipée doit se calculer en fonction des données publiées à la page 16 du rapport annuel 2002-2003 : 14,301 ALV répartis dans 3,663 sites (sic, licences). Sept ans plus tard, les rapports annuels de Loto-Québec rapportent ces données :
La diminution du nombre de licences ne date pas de 2004. Elle a commencé, très tôt, deux ans après l’implantation inaugurale des ALV en juin 1994. Le nombre maximal de licences a été accordé en 1996-1997, alors qu’il y avait 4,370 licences actives. Mais, par la suite, cela a constamment diminué.
Voici, ci-après, ces données en fonction de la réduction par rapport aux données initiales. En jaune, c’est le nombre de sites. Mais, en rouge, on constate que le nombre d’ALV n’a pas diminué autant que le nombre de sites.
Cette diminution continue depuis 1996-1997 ne correspond pas obligatoirement à une mesure de prévention contre le jeu pathologique. Elle peut simplement refléter une rationalisation géographique qui élimine les sites non rentables. Durant les premières années, ne pouvant pas prévoir exactement l’engouement envers les ALV, ceux-ci ont été distribués à une très grande échelle. Avec le temps, pour diminuer les coûts d’exploitation, il est stratégique de retirer les bancs trop souvent vides. À ce sujet, il est opportun de conserver à l’esprit que, jusqu’en 2005-2006, la dépense au jeu de la population québécoise dans les ALV a connu une très forte croissance malgré la diminution constante du nombre de licences.
En 2009, au moment de justifier l’expansion des activités de Loto-Québec vers le jeu en ligne, Loto-Québec indique ainsi avoir réduit de 36,2% {sic, 36,5%} le nombre de sites offrant des ALV depuis 2004 {sic, depuis le 31 mars 2003} (voir à la page 10 du rapport annuel pour 2008-2009). En fait, Loto-Québec possède des données plus exactes, mais ne les publie pas. Voici la partie de ces informations qui peut être reconstituée.
Au 31 mars 2003, il existait 3,664 licences pour exploiter des ALV au Québec. De ce nombre, 3578 étaient attribuées à des bars ou brasseries. Les 86 autres licences correspondent aux 430 ALV situés dans les hippodromes de Montréal, Québec, Trois-Rivières et Aylmer. À cette époque, une licence donnait droit à un maximum de 5 ALV.
Parmi les bars et brasseries, selon les noms de commerces qui y étaient rattachés, 2,712 ne possédaient qu’une seule licence, 345 en possédaient deux, 37 bénéficiaient de trois licences, 8 détenaient quatre licences, 3 en avaient cinq, et 3 en avaient six. À noter, qu’un commerce aurait détenu jusqu’à 11 licences, mais celui-ci ne peut pas être identifié sur le seul fondement des noms de commerce associés aux licences. En fait, les 3578 licences appartiennent à un maximum de 3,108 établissements.
Le 8 mai 2008, le gouvernement modifie la réglementation et autorise un maximum de 10 ALV par licence, au lieu de cinq. À toutes fins pratiques, les commerces détenant 2 licences pouvaient n’en détenir qu’une seule, ceux détenant 3 licences pouvaient dorénavant n’en détenir que deux, etc. Par cette modification du règlement, le nombre de licences pouvait diminuer de 13,3% sans qu’un seul ALV ne disparaisse, sans qu’un seul commerce ne diminue l’accès aux ALV.
Dans les sites situés aux hippodromes, les licences ont aussi été fusionnées. Des 86 licences initiales, le Plan 2004-2007 n’en prévoyait plus que six. Ceci n’impliquait aucune disparation d’ALV. Au contraire, le nombre d’ALV était prévu augmenter en ces endroits. En réalité, le projet des Salons de jeux ne s’est concrétisé qu’à Trois-Rivières et à Québec. Avant, ces deux hippodromes bénéficiaient de 165 ALV. Après, on y a retrouvé 535 ALV. De ce nombre, 370 ALV provenaient du retrait des bars avoisinants. Récemment, 125 ALV des Salons de jeux ont été remplacés par 100 sièges aux tables de poker Texas Hold’em et 25 sièges aux roulettes automatisées. Si on considère que les Salons de jeux ne sont pas parvenus à susciter suffisamment de clientèle pour occuper plus qu’un tiers des ALV, on comprend que la transformation des postes d’ALV en poste de Texas Hold’em ou en poste de roulette n’a fait que remplacer des bancs vides par de nouvelles activités de jeu. Il ne s’agit donc pas d’un échange kif-kif, mais d’une augmentation de l’offre de jeu.
Le nombre de sites, en tant que variable pour mesurer l’offre de jeu, est, à tout le moins, particulièrement ambigu, sinon trompeur. Pour l’instant, le concept d’accessibilité n’est pas adéquatement mesuré pour déterminer à quel point l’expansion vers le jeu en ligne s’inscrit dans une politique d’offre adéquatement contenue plutôt que dans une politique déguisée d’expansion du jeu tous azimuts.
Note : L’augmentation du nombre d’ALV en 2009-2010 s’explique, en partie seulement, par un changement dans la définition selon qu’on inclut, parmi les ALV, les postes de jeu aux tables de poker ou de roulette situés dans les Salons de jeux de Québec et de Trois-Rivières. Un moratoire empêchant l’attribution de nouvelles licences depuis le 15 mars 2002, cette hausse n’est pas encore suffisamment expliquée.