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A ceux qui veulent casser le mouvement lycéen

Publié le 23 octobre 2010 par Uscan
A ceux qui veulent casser le mouvement lycéen
Parmi les commentaires qui suivent cet article de médiapart on peut trouver cela...

J'ai deux enfants au collège, voici la lettre qui m'a été adressée par le principal du collège en deux exemplaires, par mail ainsi que dans le cahier de correspondance. Je joins ma réponse à ce courrier, manifestement inspiré par des directives académiques ou ministérielles, en espérant que nous serons nombreux à répondre en des termes similaires à ce type de courrier.

At 16:12 18/10/2010, Yannick DELMAS wrote:
Fresnes, le 18 octobre 2010
M. BERTHELOT Philippe,
Comme vous le savez sans doute des troubles agitent des lycées qui se traduisent par des blocages destinés à en interdire l’accès, ce qui correspond à un délit. Depuis ce matin certains collégiens de Fresnes souhaitent s’engager dans cette voie dans leur établissement.
Nous ferons ce qui est en notre pouvoir pour assurer la liberté de travailler et d’enseigner, ainsi que la sécurité des personnes et des biens, mais nous nous devons, dans de telles circonstances, de vous rappeler quelques principes intangibles.
L’apprentissage de la liberté, de la démocratie, et des principes républicains de laïcité, c'est-à-dire de respect des consciences, sont au cœur de l’éducation que dispensent nos établissements publics. Ainsi nous ne pouvons que condamner fermement des pratiques non démocratiques et illégales de groupes qui tentent, par la force, d’empêcher d’étudier et de travailler les élèves et les professeurs qui souhaitent le faire. Nous osons espérer votre soutien en expliquant tout cela à vos enfants et en leur expliquant que chaque fois qu’ils sont hors de l’établissement, ils peuvent être confrontés à différentes formes de violence comme victime ou auteur. Dans ce cas, seule leur responsabilité ou la vôtre serait engagée.
Bien sûr, à l’intérieur de l’établissement, le contrôle des absences sera assuré et vous serez informés comme le veut la réglementation. Vous devez également savoir que des violences ou des dégradations entraîneraient de légitimes poursuites.
Nous invitons les parents qui le souhaitent à être présents avec nous devant l’établissement dès 07h30, jusqu’à la fin de la semaine, pour prévenir toute forme de violence ou de blocage et nous aider à faire entendre raison aux élèves qui pourraient être tentés de ne pas aller en classe.
Dans le vif espoir de votre soutien dans cette période difficile, recevez, madame, monsieur, l’assurance de notre attachement indéfectible aux principes républicains de liberté, de démocratie et de laïcité.

Voici la réponse que j'ai adressée au principal :

Monsieur le principal,
Vous m’informez de votre souci de garantir la sécurité des personnes et des biens dans votre établissement, dans le climat présent de manifestations de lycéens et de collégiens.
Je partage bien évidemment ce souci, avec deux enfants dans votre établissement.
Mais vous parlez aussi de « liberté de travailler et d’enseigner ».
Je me permets de vous rappeler que, l’an dernier, pendant de longues semaines, les élèves du collège Saint-Exupéry n’ont pas pu apprendre le Français du fait du non-remplacement d’un professeur dont l’absence était plus que prévisible puisqu’il s’agissait d’un congé maternité. Ils ont alors été privés de la « liberté de travailler » sans que les autorités académiques ne semblent véritablement s’en préoccuper, en tout cas sans qu'elles soient en mesure de trouver une solution. Ces derniers temps, les absences non remplacées se sont multipliées dans les établissements d’enseignement publics du fait d’une politique délibérée d’un gouvernement qui n’a que faire de la « liberté de travailler et d’enseigner », qui déstructure l’ensemble des services publics pour permettre à quelques-uns de ses amis, voire à des membres de la famille présidentielle, de faire toujours plus de profits. Je suis bien d’accord avec vous : nous ne pouvons que condamner fermement des pratiques non démocratiques et illégales de groupes qui tentent d’empêcher d’étudier et de travailler les élèves et les professeurs qui souhaitent le faire. Ce d’autant plus que ces groupes siègent au gouvernement ou dans ses allées et sont supposés incarner la légalité républicaine.
En face d’un gouvernement qui ne respecte ni les élèves, ni leurs enseignants, ni le savoir, ni les chercheurs, ni la science, ni la culture, ni les citoyens, j’approuve pour ma part toute forme d’action susceptible de faire reculer avec efficacité, pour le moins sur le terrain de la réforme des retraites, la formidable régression sociale dont nous sommes actuellement tous victimes, des plus vieux aux plus jeunes. Cela me semble une nécessité pour la défense même de l’éducation républicaine : je n’ai pas envie de voir mes petits enfants dans l’obligation de pousser les chaises roulantes de leurs vieux professeurs !
La légalité républicaine, quant à elle, s’est construite lors d’évènements particuliers dont on apprend les dates en Histoire : 1789, 1793, 1830, 1848, 1870, 1936, 1945… événements où une ancienne forme de légalité est devenue illégitime de par la volonté populaire. Évènements auxquels ont participé des jeunes gens, par exemple, un certain Guy Moquet, résistant à 16 ans.
Ayant fait grève en 1968, alors que j’étais en classe de 5e, ayant même participé au comité d’occupation de mon lycée à cette occasion, je me sens plutôt mal placé pour faire soi-disant « entendre raison » à des élèves qui ne voudraient pas aller en classe dans le strict cadre du mouvement actuel !
Pour ma part, j’ai une autre conception de la raison. Si la sécurité des élèves et des biens est réellement menacée dans votre établissement, alors la raison impose la fermeture du collège. Si le collège est fermé pour des raisons de sécurité, je le comprendrais, j’approuverais cette décision, et prendrais mes dispositions pour que mes enfants restent en sécurité à mon domicile. Par contre, si mes enfants venaient à être victimes de débordements ou de violences, c’est en premier lieu au gouvernement et à ceux qui exécutent ses ordres sans discernement et en dépit de la sécurité des élèves que j’en tiendrais fermement rigueur.
Vous comprendrez donc que je ne peux répondre favorablement à votre appel dans les termes où il est rédigé.
Si le climat venait à se dégrader, la seule solution que je pourrais approuver est la fermeture de l’établissement pour raison de sécurité, je n’en vois aucune autre. Ce dans le plus grand respect de votre fonction, et dans la compréhension des responsabilités qui sont les vôtres et des difficultés qu’il peut y avoir à les assumer dans le climat présent, dont le gouvernement porte la plus entière responsabilité. Soyez assuré de mon attachement tout aussi indéfectible aux principes républicains de liberté, de démocratie et de laïcité, qui, pour moi, ne sont pas un vain mot à agiter quand un pouvoir est menacé, mais une conscience du fait que l’histoire de la République est une histoire souvent marquée par une résistance forte aux abus du pouvoir.

Bien cordialement.
Ph Berthelot


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