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Le « commerce équitable », inutile au mieux, contreproductif au pire

Publié le 23 octobre 2010 par Copeau @Contrepoints

Le vrai commerce équitable est le commerce libre, celui qui se développe grâce à l’accord volontaire des parties, alors que le commerce injuste est exactement celui qui est conclu sous la coaction d’une des parties ou d’un tiers.

Le « commerce équitable », inutile au mieux, contreproductif au pire
Le mouvement du « commerce équitable », qui se décline dans ces magasins offrant des produits provenant de différents pays du Tiers-monde, est devenu un phénomène bien implanté dans nos sociétés. On en connait le principe de base : pour qu’un produit soit certifié « commerce équitable » et vendu comme tel, l’empaqueteur ou l’importateur doit payer un prix minimum aux producteurs locaux. Cependant, et bien qu’ils prétendent se fonder sur une logique altruiste et désintéressée d’aide aux plus défavorisés des pays pauvres, les défenseurs et propagateurs de ce type de commerce semblent bien, par méconnaissance des principes économiques de base, avoir créé un monstre qui menace la prospérité des plus pauvres.

Si l’on analyse le cas emblématique de ce genre de commerce, celui du café, on constate qu’un quart du café libellé « commerce équitable » provient du Mexique, un pays pourtant relativement riche à l’intérieur du groupe des pays en voie de développement, et où seulement 15% de la force de travail est consacré à l’agriculture. À cause des incitants du « commerce équitable », de nombreux producteurs de ce pays ont décidé de continuer à produire du café, et même ont augmenté leur production. Or ceci est un véritable désastre pour les producteurs de café plus pauvres, comme ceux d’Éthiopie. De plus, le « commerce équitable » punit également les producteurs qui ne se distinguent pas par la qualité, généralement les plus pauvres. Car en établissant un prix minimum, le « commerce équitable » incite à acheter aux producteurs les plus prospères, qui offrent une meilleure qualité, puisque les importateurs ne peuvent obtenir un rabais pour une qualité inférieure – une boisson au café glacé, par exemple, ne requiert pas de grains de même qualité qu’unespresso – et maintenir l’étiquette « commerce équitable ». Par ailleurs, une organisation spécialisée dans le « commerce équitable » et membre du Fairtrade Labelling Organizationscomme la Fairtrade Foundation reconnaît qu’elle n’a pas de politique pour inciter ou aider les producteurs à être plus efficaces. Par contre, Starbucks, une entreprise commerciale classique fondée en vue de générer des bénéfices, dirige des projets pour améliorer la production de ses fournisseurs. Alors que le commerce libre envoie des signaux aux producteurs sur ce qu’ils doivent faire, le « commerce équitable » génère une vision romantique qui finalement éloigne le producteur du monde réel. Et c’est ainsi que Starbucks, sans certification « commerce équitable », paie en moyenne le café à 1,20 dollars au producteur, presque le « prix équitable » offert par les officines « fairtrade ». Malgré les attaques qu’elle subit, cette entreprise privée classique fait plus que quiconque pour étendre les marchés et augmenter les revenus des producteurs de café.

Tout ceci nous amène à nous interroger sur le sens profond du « commerce équitable ».

L’idée que soutient ce mouvement est que le commerce capitaliste, c’est-à-dire le commerce libre, est injuste. En abandonnant les agents du marché à leurs propres forces, nous assure-t-on, on arriverait à des situations absolument injustes et insoutenables : comme, par exemple, lorsque qu’un producteur de pommes de terre d’un champ près de Lima reçoit dix centimes d’euro pour un kilo de sa production, alors qu’en Europe ce même produit se paierait un euro. Ainsi, le « producteur » ne recevrait « que » 10%, tandis que le reste des 90% serait réparti entre intermédiaires et spéculateurs, s’enrichissant au dépens du malheureux agriculteur qui, de ses propres mains, sortirait de la terre ce que nous, consommateurs occidentaux, mangerions sans nous poser plus de question.

Or cette façon de voir les choses ne peut être plus erronée, et il suffit de rappeler quelques évidences pour le démontrer. Le chargement de pommes de terre à Lima ne nous est d’aucune utilité à nous, « insolidaires » consommateurs européens. Pour nous, ces tubercules ne sont pas un bien de consommation tant que nous ne pouvons pas y accéder ; car produire signifie transformer et rapprocher les biens à la consommation, ce qui est l’objectif dernier de toute production. Ainsi, du point de vue économique, les pommes de terre enfouies dans un champ péruvien et celles qui sont vendues dans votre supermarché préféré ne sont pas le même bien, pour la simple raison que ces dernières sont plus proches de notre consommation. Appeler seulement producteurs les agriculteurs et les industriels et non pas les commerçants, les transporteurs et les autres services qui collaborent à ce que, finalement, les biens soient amenés à notre disposition est une absurdité, qui a été mis en évidence depuis le 19e siècle, pour ne pas remonter plus avant. Le récent mouvement du « commerce équitable » régresse de plus d’un siècle dans l’étude de la plus simple des théories économiques.

Se basant sur cette conception pré-scientifique de l’économie, la solution que proposent nos antimondialistes est la substitution des intermédiaires du marché par d’autres, qui réaliseraient le même service, mais gratuitement ou à un moindre coût. Si la théorie était absurde, la solution ne l’est pas moins, parce que ce sont ceux qui collaboreront à ce tour de passe-passe qui paient, avec la valeur de leur travail, ceux qui participent aux premières étapes du processus productif qui achemine les pommes de terre dans nos supermarchés. Pensez ce que vous voulez de ceux qui sont convaincus par la « théorie » du « commerce équitable » et de ses capacités, mais ce qui est certain, c’est que la valeur de leur travail serait bien mieux employée à n’importe quel autre usage, puisque les véritables professionnels, par le biais de la concurrence du marché libre, offrent les mêmes services, de meilleure qualité et à moindre coût. Car celui qui n’arrive pas à réaliser le transport, la distribution, le contrôle de qualité, le financement, etc. suffisamment bien, et bon marché est expulsé par le marché. De fait, ceux qui pratiquent l’incongrûment nommé « commerce équitable » le font d’une manière inefficace. Toute chose qui se paye à la fin.

Une revue sommaire de l’histoire économique nous apprend que c’est le processus de rivalité, de concurrence, de recherche d’opportunité de faire du profit, toutes caractéristiques du marché libre, qui a réussi à réduire, au fil des siècles, les coûts de transport et de distribution des biens. Chaque participant dans le marché sait que s’il fait son travail d’une façon plus efficace ou à un moindre coût, il peut obtenir un bénéfice supérieur et évincer les autres concurrents, qui, dès lors, feront tout pour ne pas rester en arrière. Jeter par-dessus bord le principe qui a permis la réduction des coûts dans le transport et la distribution des biens au nom, précisément, de ces coûts est un non-sens complet.

Puisque le « commerce équitable » est insoutenable et inefficace, le résultat est que les « commerçants équitables » sont obligés d’augmenter les prix bien au-dessus de celui que l’on pourrait trouver partout ailleurs sur le marché, comme on peut facilement l’observer. Oui, bien sûr… on promet aux acheteurs que le sur-prix se paie sur les autels d’une bonne cause : le producteur verra son revenu augmenter. Mais en réalité, nous n’en savon rien. Nous ne savons pas si ce que nous payons en plus ira dans la poche du laborieux agriculteur péruvien ou si le vendeur interprètera la justice du commerce d’un mode plus particulier.

Le vrai commerce équitable est le commerce libre, celui qui se développe grâce à l’accord volontaire des parties, alors que le commerce injuste est exactement celui qui est conclu sous la coaction d’une des parties ou d’un tiers. Si nous éliminions le commerce international, ce qui semble être l’objectif non déclaré de ceux qui partagent cette idée absurde, le cultivateur péruvien de notre histoire, au lieu de recevoir dix centimes d’euro par kilo de pommes de terre comme compensation pour destiner sa production au réseau mondial du commerce, devrait se contenter des trois ou quatre centimes d’euros que peut lui offrir le marché local, si tant est qu’il arrive à y écouler sa marchandise. C’est ce cultivateur péruvien le premier intéressé à participer aux bénéfices du libre marché, ce marché que veulent détruire ceux qui utilisent abusivement du terme équitable, pour l’appliquer à une chimère mal conçue et encore plus mal appliquée.


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