Magazine Médias

Remplacer l’insulte par la pensée

Publié le 25 octobre 2010 par Francoisjost

Depuis les années 40 au moins, avec notamment les travaux d’Adorno sur l’industries culturelle, les discours les plus audibles sur les médias sont ceux de ses contempteurs, qui affichent périodiquement le mépris qu’ils leur inspirent. Tout a été dit et on assiste à une répétition incessante des mêmes discours de dégoûts, de Bourdieu à Christophe Nick, en passant par les germanopratins du magazine Philosophie, jusqu’à Montebourg et Mélanchon.

Curieusement, alors quil existe toute une littérature scientifique sur le sujet, c’est l’insulte qui marche auprès d’un certain public. “Délinquant”, “voyou”, “valet” du pouvoir, etc., les insultes fusent, non sans rappeler le vocabulaire des Maoïstes post-68 (qui parlaient plutôt de “laquais” que de “valets”). J’ai dit ces derniers jours combien ce type de discours me semblait sans grand intérêt, mais le fait qu’il trouve parmi mes lecteurs d’ardents défenseurs m’incite à revenir un peu sur les raisons de mon refus de le cautionner.

Mon premier argument contre vient du constat que l’insulte et la petite phrase entérinent finalement la logique médiatique. Tous ces enfants de Bourdieu (celui de Sur la télévision) s’accordent sur le fait qu’aujourd’hui la principale critique que l’on peut adresser à la télévision, c’est qu’elle ne donne pas le temps de penser et qu’elle préfère le “fast thinking”. Or, en formulant des insultes-slogans, les politiques qui se livrent à cet exercice acceptent de jouer le jeu qu’on leur propose et de formater leur discours. Certes, il connaissent bien le fonctionnement des médias, mais ils s’en révèlent les meilleurs complices. Quand Mélanchon prend le parti des Petits sans parole contre les Grands, ils retrouvent exactement les mots de Sarkozy durant sa campagne et il aplanit les différences entre la Gauche et la Droite.

Ce que je ne tolère pas dans l’insulte, ce n’est pas seulement le manque de civilité dopnt elle fait preuve, c’est surtout qu’elle conforme le discours à la société du spectacle et qu’elle fait reculer du même coup le territoire de la pensée. En 1997, j’ai organisé le premier colloque de Cerisy-la-salle (lieu mythique de la réflexion) sur la télévision et je l’ai appelé Penser la télévision. Il a donné un livre qui porte ce titre. J’ai fondé cette année une revue, Télévision (CNRS éditions), qui réunit toutes les approches à condition de prendre cet objet au sérieux. 9 Français sur 10 regardent la télévision tous les jours. Si on veut faire avancer les choses, il est temps de réfléchir posément à ce que la télévision pourrait être. Si Arnaud Montebourg s’intéresse à cette question, c’est avec plaisir que j’en parlerais avec lui.

comprendrelatele

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Francoisjost 3 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazines