Une réflexion sur le mouvement en cours
Les analyses que nous avons développées depuis plusieurs mois avec mon camarade Habib Abba-Sidick au sein de "Colère et Espoir" semblent se confirmer.
Nous vivons une époque qui appelle une véritable révolution dont le contenu, bousculant les anciens schémas politiques, ne peut être pré-établi car elle sera l'oeuvre des
citoyens.
J'ai à plusieurs reprises ici caractérisé notre époque comme celle d'une transition de société. Depuis plusieurs décennies l'explosion des connaissances et du
nombre d'êtres humains qui les maîtrisent, la formidable révolution qui a consisté à mettre de l'intelligence dans des machines conduisent à une exigence universelle de démocratie à
laquelle le capitalisme est incapable de répondre. La crise que nous vivons n'est une crise financière qu'en apparence (c'est la pointe émergée de l'iceberg) , car plus profondément dans
son essence elle est un bouleversement qui appelle une révolution pour une nouvelle civilisation.
15 millions de ménages qui sont à 15€ près pour finir le mois. Le salaire médian à 1500€ par mois et la pension médiane à moins de 900€. Comment fait-on pour
vivre avec cela, quand par ailleurs le prix de l’immobilier a explosé ? s'interrogeait récemment une personnalité dans le quotidien "La Croix"
Le capitalisme est en train de produire ses propres fossoyeurs potentiels qui ne sont pas forcément des gens politisés, beaucoup d'ailleurs ont voté Sarkozy mais
ils sont désormais profondément meurtris, en colère et peuvent se constituer une conscience de classe à condition que les militants se prononçant pour un marxisme non
dogmatique s'engagent à leur côté dans le mouvement et diffusent leurs idées non pas par des discours, mais par le dialogue dans l'action et la généralisation des pratiques
démocratiques de décisions comme les assemblées générales d'entreprises et interprofessionnelles, et à condition de respecter les formes d'action décidées démocratiquement par les gens, et
surtout en combattant toute récupération par des organisations politiques. La lutte conduit inéluctablement au débat, à la recherche de solutions et dans certains cas à la réflexion
théorique, indispensable à l'action.
Beaucoup de ces citoyens qui sont en lutte ou qui soutiennent le mouvement populaire n'attendent pas grand chose des partis de gauche mais voient dans le
mouvement social un mouvement proche de leurs préoccupations, des actions de contestation qui leur semblent justes. Ils acceptent la radicalité du mouvement d'autant plus facilement que jusqu'ici
toutes les formes politiques appartenant "au jeu démocratique", c'est à dire au jeu politicen de compromis avec le capitalisme dont le PS est une l'une des
principales illustrations mais pas l'unique, ont conduit à renforcer leurs difficultés.
Nous avons donc à faire à un mouvement profondément populaire animé par les couches de travailleurs les plus exploitées rejoints pas des couches de salariés
qui vivent un peu moins mal mais qui ont vu ces dernières années la dégradation de leurs conditions de vie.
Ce mouvement est certainement l'un des premiers dont la nature et la dimension sont en opposition de plus en plus consciente aux choix capitalistes, il
peut par l'originalité de sa forme de rassemblement ouvrir des brèches dans le système notamment en remettant en cause les institutions actuelles et le pouvoir des capitalistes. Pour cela, il y a
besoin de constituer un mouvement national dont le but déclaré soit effectivement d'organiser le peuple de France dans sa diversité pour
l'appeler à la transformation nécessaire afin qu'il chasse la classe capitaliste du pouvoir, des grandes entreprises et des banques, et devienne totalement
souverain quant aux décisions économiques à prendre pour le pays en favorisant dans le même mouvement la coopération internationale avec les autres peuples en lutte.
L'alimentation du mouvement par une réflexion politique critique du système et sur des orientations démocratiques et de classe est d'autant plus indispensable que toute déception, échec ou
recul risquerait de favoriser l'extrême-droite qui est à l'affut.,
Ce mouvement est donc probablement le début d'une contestation plus globale de l'ensemble du système qui va poser la question de la société qu'il est
urgent de construire afin d'en finir avec la destruction capitaliste et l'exploitation des travailleurs pour inventer un nouveau mode de développement qui soit profondément
démocratique et humain.
Jean-Paul Legrand