« La ville n'a pas vocation à être propriétaire d'espaces commerciaux, et les Halles ne seront jamais autre chose qu'un centre commercial. Nous vendons dans l'intérêt général, comme nous l'avons fait pour le centre commercial Beaugrenelle »
Anne Hidalgo, le 25 octobre 2010.
Il est des phrases qui méritent d'être mises en exergue car, prononcées sur le ton d'une banalité et reçues comme telle par les médias, elle révèle pourtant un ahurissant scandale et une contradiction qui devrait faire sursauter tous ceux qui ont à coeur de protéger les intérêts de Paris.
Mais le Delanopolis a une solution pour faire éclater la vérité !
Ce qu'il y a de merveilleux avec la mairie delanoiste, c'est sa prévisibilité, et on la voit poussant jusqu'au bout, jusqu'à l'absurde, ses erreurs.
Le réaménagement des Halles accumule tout : choix urbains et architecturaux erronés, gaspillages honteux et, pour finir, braderie des intérêts essentiels de Paris à un groupe privé, Unibail-Rodamco, qui peut se frotter les mains d'avoir affaire à de pareils incompétents.
Depuis plus de deux ans, le Delanopolis a mis en garde ses lecteurs contre ce qui se tramait aux Halles. En résumé, s'étant placée dans une position de faiblesse dans ses négociations avec le groupe Unibail, du fait de montages juridiques inappropriés et de choix techniques et architecturaux absurdes, elle se contraint elle-même à brader des intérêts vitaux pour Paris.
Si vous CLIQUEZ ICI, LA et LA, toute la genèse de cette affaire vous sera rappelée.
Un article furtivement paru hier dans les Echos a répandu la nouvelle : la ville de Paris, Unibail et Axa sont parvenus cette semaine à un accord. Nous en nous doutions depuis pas mal de temps.
La citation d'Hidalgo reprise en exergue démontre pourtant l'absurdité de sa position. Si les Halles ne "seront jamais autre chose qu'un centre commercial" à quoi bon pour la ville y dépenser 500 millions d'euros !? Depuis 2002 et le début de cette opération, tous les votes du Conseil de Paris et toutes les déclarations du maire de Paris assénaient, au contraire, que le destin de ce site exceptionnel était bien plus que celui d'un simple centre commercial.
En 2004, lors du discours prononcé devant une centaine de journalistes pour justifier le choix de Mangin, Delanoë avait mentionné en une seule formule elliptique le centre commercial ( CLIQUEZ ICI, vous en aurez la preuve) ! On n'entendait alors que des tirades ronflantes et grandiloquentes sur le destin de Paris et de sa région.
Rappelons également la dernière communication solennelle dudit maire, en avril 2009 : "Car les Halles, ce n’est pas seulement le cœur de notre cité. Ce n’est pas seulement ce « ventre de Paris » auquel sont associés bien des images, des références et des souvenirs. C’est le centre de notre agglomération, où passent chaque jour 800.000 personnes. Et la station Châtelet-les Halles est bien la première porte de notre capitale. Oui, la dimension métropolitaine est totalement indissociable du projet qui vous est soumis."
Qui pourrait dire le contraire, mis à part aujourd'hui Anne Hidalgo ? Il faut rappeler une évidence : les Halles sont la première porte d'entrée dans Paris, le point de rencontre majeur entre la ville et sa banlieue, le lieu de plus grande mixité sociale et géographique qui soit en France. La gare RER-RATP est l'un des centres d'échange ferroviaire les plus importants au monde.
Sur le fond, il est totalement faux et même dangereux de considérer que l'affectation des volumes aux Halles est figée définitivement au bénéfice de telle ou telle fonction. Ainsi, l'espace Cousteau a-t-il pu, il y a une quinzaine d'années, être transformé en cinéma UGC lequel est devenu, soit dit en passant, le plus important cinéma d'Europe. Demain, pour les besoins de Paris et de sa région, si la demande de transport souterrain ne cesse d'augmenter par exemple, peut-être faudra-t-il réviser le fonctionnement des Halles et reconvertir des surfaces commerciales en espaces affectés au RER. La vente qu'envisage la mairie reviendra à donner à un groupe privé la haute main sur ces choix cruciaux et la possibilité de les paralyser.
Le funeste projet Mangin, choisi par couardise par Delanoë en 2004, cédant aux intérêts d'Unibail, tentait de poser un couvercle sur la formidable énergie du site et orientait toutes les circulations, les interactions avec la gare d'échanges et le jardin lui-même en direction d'un objectif premier : la valorisation du centre commercial. Ces travers ont été accusés par la copie revue par l'architecte Berger sous le nom de Canopée : les équipements publics sont tous déplacés dans un premier étage bas de plafond alors qu'auparavant certains d'entre eux étaient installés en rez-de-chaussée. En guise de grand équipement métropolitain censé donner du sens et du symbole au projet, on a un café !
Et pourtant, cruel et incroyable paradoxe, c'est la ville qui contribue le plus au financement de l'opération, pour presque 500 millions d'euros. Un pareil effort municipal pour ce qui n'est, selon cette brave adjointe à l'urbanisme, qu'un centre commercial ! Pis encore, Unibail en profite pour rafler à vil prix la propriété définitive du centre commercial et de nouveaux espaces et voies d'accès qui sont autour.
Comme nous l'avions expliqué, le bail à construction (sorte de bail emphytéotique) dont dispose jusqu'à présent Unibail, vient à échéance en 2020 pour les parkings et 2055 pour les commerces. Le vendre maintenant, pour la ville, revient à la vendre au plus mauvais moment : le terme de le l'emphytéose est encore suffisamment éloigné pour qu'Unibail soit en position de force. Mais, à partir de 2030, chaque année, la valeur de rachat croîtra de plus en plus fortement, pour connaître une hausse vertigineuse dans les dernières annuités.
La ville va donc se priver aujourd'hui pour 100 millions d'euros de la propriété de près de 70.000 mètres carrés dans l'un des meilleurs emplacements commerciaux au monde. Rien ne la force pourtant à céder ces droits. Quitte à s'endetter de 500 millions d'euros, aux taux actuels, il était infiniment plus avantageux pour Paris de contracter 100 millions d'emprunt supplémentaires et d'attendre que l'échéance du bail se rapproche pour, tant qu'à vendre un jour, toucher le Pactole.
Quant à l'estimation des domaines, derrière laquelle se réfugie Hidalgo & Co, elle est forcément mal à l'aise avec la nature particulière d'un bail à construction. Au mieux, ne peut-elle que refléter l'évidence qu'il est trop tôt pour vendre. Il eut fallu, pour la clarté du choix, qu'une estimation de la valeur de cet espace soit faite à la date d'aujourd'hui, mais également, dans 5, 10, 15, 20, 25 et 30 ans et l'on aurait alors constaté l'augmentation verticale du prix de cession potentiel !
Il est encore temps, pour l'opposition parisienne comme pour les Verts, qui refusent ces soldes (qu'ils en soient félicités), d'exiger que ce travail indépendant d'évaluation soit fait avant le prochain Conseil de Paris. Ne laissons pas brader l'avenir de notre ville.
Serge Federbusch