Magazine Humeur

Jusqu’où le Diable ne va-t-il pas se nicher !

Publié le 26 octobre 2010 par Kamizole

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Perso, je pensais qu’il avait pris pour demeure le 55 rue du Fg Saint-Honoré … et que c’était la raison même pour laquelle Nicolas Sarkozy s’était rendu en grande pompe (à essence ?) au Vatican : afin que Benoït XVI l’exorcisât de ses vieux démons racistes et xénophobes ainsi que de son goût immodéré pour l’argent et le luxe sinon la luxure. Las ! Il eut beau multiplier les stations (service ?) dans un nombre incalculable d’églises romaines (mais sans file d’attente) je ne pense pas qu’il puisse en être jamais débarrassé.

Mais un autre suppôt du Malin semble avoir pris possession tôt samedi matin d’un groupe de personnes à La Verrière dans les Yvelines. J’avais vu les titres en passant sur Google-Infos. A vrai dire, je ne m’y suis pas attardée car j’étais alors à la recherche d’articles sur les nouveaux rebondissements de l’affaire Bettencourt-Woerth) autrement importante. Yvelines : onze per-sonnes se jettent par la fenêtre (Le Parisien 23 oct. 2010) je crus qu’elles avaient voulu échapper à un incendie.

En y revenant un peu plus tard (obligée de fermer l’ordinateur, ouvert depuis plusieurs heures, il ramait comme un beau diable) je tombai sur le cul en découvrant ce titre : Yvelines. Les personnes défenes-trées ont eu “peur du diable” (Le Télégramme de Brest, 23 oct. 2010). Au cours d’une séance de spiritisme. Les faits s’étant déroulés entre 3 h et 5 h 30 du matin, c’était donc un samedi. Elles n’auront pris garde que cela coïncidait avec le jour du Sabbat. A ne point confondre avec le Shabbat des juifs qui n’a rien à voir avec les forces obscures qu’elles eussent mieux fait de ne point troubler.

Aux XVIe et XVIIe siècles où l’on ne plaisantait pas sur ce chapitre, ces personnes auraient été accusées de sorcellerie et condamnées au bûcher après une enquête totalement à charge – il suffisait d’être dénoncé – conduite selon le bréviaire de l’Inquisition : le «malleus maleficarum» (marteau des sorcières) d’Institoris. Il était pratiquement impossible d’échapper au supplice. Ainsi, on les jetait à l’eau : le suspect flottait-il ? Coupable ! Coulait-il à pic ? Coupable !

«Les participants auraient cru que le diable était entré dans l’appartement et se seraient jetés par la fenêtre pour lui échapper» selon Le Parisien qui donne peu de détails sur cette hallucination collective.

En fait, selon le Télégramme de Brest, qui cite Odile Faivre, procureur adjointe au parquet de Versailles. «Treize personnes se sont trouvées dans un appar-tement au second étage d’un immeuble quand, vers 3 h du matin, l’un des occupants a entendu son enfant pleurer (…) l’homme en question, qui était tout nu, s’est levé pour nourrir son enfant tandis que les autres occupants l’ont pris pour le diable» !

En conséquence de quoi il fut expulsé manu militari de l’appartement (prenant même un coup de couteau à la main) et c’est quand il voulut revenir dans l’appartement que les occupants se jetèrent par la fenêtre, du second étage. L’histoire ne le dit pas mais je pense que s’il voulut revenir, c’est sans doute pour se rhabiller – tout nu dans la rue, même dans la nuit, ça fait plutôt désordre…

Cela ne serait que ridicule, d’autant que j’ai lu c’est sa propre femme qui l’aurait pris pour le Diable en personne ! ce qui me semble en dire long ou sur son état mental ou leurs relations, si je n’apprenais qu’un bébé de 4 mois est mort (L’Express 24 oct. 2010). Son père s’était jeté dans le vide avec sa petite fille dans les bras. Là, je n’ai plus envie de rigoler du tout.

Confondant de connerie obscurantiste ! Comment croire pareilles à de pareilles billevesées au XXIe siècle ? J’ai beau savoir, comme le dit un jour une amie que «si l’on croit en Dieu il faut nécessairement croire au Diable» (entendre : à son existence) il y a toutefois des limites à ce que la raison autorise.

Quand bien même la science – malgré ses prétentions – serait-elle loin de tout expliquer. Bien au contraire, d’ailleurs, car la techno-science dominante relèverait plutôt de mon avis de la pure idéologie - du «scientisme» - que de la rationalité : hors d’elle point de salut ! Je reste persuadée qu’il existe des choses et des phénomènes qui resteront à jamais irréductibles à la connaissance humaine. Raison supplémentaire de se garder de tomber tête baissée dans n’importe quelle croyance. En cela, je ne peux qu’adhérer à ce que soutient Spinoza dans le Traité-Théologico-politique : «Ce qui est contraire à la nature est contraire à la raison, ce qui est contraire à la raison est absurde et doit en conséquence être rejeté».

Pauvre André Malraux ! S’il avait pu prévoir ce qu’apporterait au monde la phrase qu’on lui prête – à tort selon certains – «Le vingt-et-unième siècle sera religieux (autre version : spirituel) ou ne sera pas»…

Non pas qu’il n’y ait besoin de transcendance ou comme le disent certains «de ré-enchanter le monde». Et c’est sans nul doute ce qu’exprimait Malraux : «La civilisation moderne, la civilisation du siècle des machines, tente de rationaliser le problème moral ; elle a substitué un fantôme aux profondes notions de l’homme qu’avaient élaboré les grandes religions. Or la science ne tend pas à une notion de l’homme mais à la connaissance du cosmos».

Dans le même ordre d’idées, je partage tout à fait l’avis de Régis Debray – pourtant athée à ma connaissance – quand il affirmait il y a quelques années «Celui qui ne croit pas en Dieu, généralement, croit en bien pis … J’ai du respect pour les croyants, qui sont porteurs d’un message qui concerne même les incroyants. Dans une société qui tend à faire de l’économique sa religion et du bulletin de la Bourse sa prière quotidienne, avoir parmi nous des gens dont la vie n’obéit pas à l’intérêt personnel, qui recherchent autre chose que le profit, est digne d’un certain respect».

Mais que voyons nous ? Une prolifération de sectes de toute nature – souvent fort dangereuses pour diverses raisons : se souvenir des massacres de l’Ordre du Temple Solaire et ne pas oublier qu’avant d’être une “Eglise” (qui tente de prendre le pouvoir sur les politiques) la Scientologie est surtout un tiroir-caisse. Le retour aux religions archaïques (le chamanisme serait fort à la mode aujourd’hui) forcément plus «pures» car proches de la nature.

Paradoxalement, lors même qu’ils cherchent la plupart du temps à soumettre leurs adeptes et les faire vivre selon leurs règles (défiant le sens commun autant que la liberté de vivre et penser selon son gré) tous ces mouvements mettent l’accent sur l’individu : non seulement «le développement personnel» - dès que je vois ces deux mots je sais qu’il s’agit d’une secte ! – mais pratiquement “à chacun sa religion” dans le méli-mélo du syncrétisme qui permet à chacun d’inventer ses croyances et pratiques en picorant à droite et à gauche… Vous y ajoutez le relativisme ambiant : tout se vaut, et le tour est joué.

Avouons qu’ils jouent sur du velours quand les individus sont confrontés à une société de plus en plus dure ! «Allo, maman bobo… Peut-être un p’tit peu trop fragile»… C’est donc une sorte de «bobologie» qui tentera d’effacer les dures contraintes du réel en persuadant les personnes qui s’y soumettent que la seule force de l’esprit leur permet non de surmonter tous les obstacles – resucée de la méthode Coué – mais également de modifier le réel. Soi-même, les autres, voire les conditions matérielles ! Avec toutes les âneries grotesques que cela suppose.

Du côté des religions établies nous assistons hélas depuis déjà plusieurs décennies à un repli identitaire des plus fâcheux. Là où elles devraient favoriser le dialogue inter-religieux et échanger également avec les non-croyants, elles se murent dans des forteresses aux inexpugnables qu’en son temps, Alamut.

Je ne saurais trop recommander l’extraordinaire roman éponyme de Vladimir Bartol sur ce repaire haut perché dans une vallée des Monts Elbrouz (un des passages de la «Route de la Soie» à une centaine de kilomètres de Téhéran). D’où Hassan Ibn Saba, «Le vieux de la montagne» - chef d’une communauté chiite mystique – les Nizârites, encore appelée «Bâtinîs» car ils professent une lecture ésotérique du Coran (une des branches de l’ismaélisme) – lança à la fin du XIe siècle ses célèbres «Assassins» autrement nommés «hashashins» (Ils faisaient force consommation de hashish notamment avant d’aller commettre des meutres). Rien de bien nouveau sous le soleil, n’est-il pas ? Ibn Saba professait : «Rien n’est réel, tout est possible»…

Ne croyez pas que je vise particulièrement l’Islam, fût-il intégriste. L’intégrisme et autres fondamentalismes - toutes obédiences confondues - sont aussi condam-nables et dangereux car bien loin d’être retour aux sources, à la pureté des origines – là aussi l’on retrouve la nostalgie d’un âge d’or mythique – ils visent à figer toute réflexion pour imposer une doctrine immuable. Imaginez qu’en matière de philosophie – déjà bien corsetée en son temps par l’Eglise au Moyen-âge et à la Renaissance (Giordano Bruno et Michel Servais en sont morts sur le bûcher) – l’on nous interdise d’étudier ce qui s’est écrit après Platon et Aristote.

J’ai beau n’être pas une fanatique de la «modernité» à tous crins - il n’y a rien qui se démode plus vite que la… mode ! – avouez quand même qu’il nous manquerait beaucoup d’éléments essentiels pour comprendre le monde actuel. Pourquoi en serait-il différemment des religions ? Dans le sens où leurs enseignements sont le produit de la réflexion humaine quand bien même les prétendraient-elles d’origine divine.

Les intellectuels musulmans les plus ouverts prônent une exégèse rationnelle des textes sacrés. Comme jadis (XIIe siècle) Maïmonide – nourri aussi bien de culture juive et musulmane que de philosophie grecque – s’agissant de la Thora et autres textes sacrés. Tendance que l’on retrouve également aujourd’hui chez certains juifs ou chrétiens.

Par un de ces petits hasards qui manquent rarement, j’écoutais récemment RFI fort tard dans la nuit. Et précisément l’imam de Drancy – fort en butte aux attaques des intégristes – qui prêchait une fois de plus le dialogue et l’ouverture. Entre toutes les religions et avec ceux qui n’en professent point. Il est fustigé par certains comme «l’iman des juifs» parce qu’il participe avec eux et d’autres personnes aux cérémonies qui ont lieu en mémoire de ceux qui furent déportés en Allemagne à partir du camp de Drancy.

Contrairement à ceux des musulmans fanatiques pour qui l’extermination des juifs n’a aucune importance. Je pense notamment à Ahmadinejad en Iran, dont - autre petite ironie - certains ont prétendu l’an dernier qu’il serait issu d’une famille juive convertie de force ! 20 minutes du 3 oct. 2009 reprenant une info du Daily Telegraph basée sur l’examen de la photographie de ses papiers d’identité.

Je pense et dis depuis fort longtemps que les religions sont capables du meilleur comme du pire. Le meilleur quand elles s’évertuent à élever l’âme et l’esprit et conduire la vie de droite façon. Le pire quand elles prêchent la haine de ceux qui ne partagent pas les mêmes croyances. C’est trop souvent ce à quoi nous assistons aujourd’hui. Le terrorisme et d’incessantes guerres sur arrière-fond religieux – même si des pré-occupations nettement plus terre-à-terre, territoriales et/ou économiques en sont à l’origine - en apportent quasi quotidiennement la preuve.

Je ne me fais aucune illusion sur les ressorts de l’âme humaine (la mienne moins encore). Nous serons toujours partagés entre Eros (pulsions de vie) et Thanatos (pulsions de mort) et pour l’avoir lu il y a trente ans, j’ai encore le souvenir de Freud écrivant dans «Malaise dans la culture» que sous le vernis de la civilisation – qui ne demande qu’à s’écailler ou éclater - perce toujours l’homme primitif et ses instincts. Il était d’autant plus pessimiste que ces lignes furent écrites alors qu’il fuyait le régime nazi et sa barbarie.

Il m’est évident qu’aujourd’hui la civilisation vole à nouveau en éclats et que nous assistons à des déchaînements de violence barbare. Il est de toute urgence nécessaire de refonder une morale sur le champ de ruines provoqué par la violence de l’ultralibéralisme et son credo : tout est permis, seul l’argent compte. Ce n’est sans doute qu’une cause parmi d’autres mais ses dégâts sont planétaires.

A cet égard, il me semble au fond peu important que cette morale soit d’inspiration religieuse ou non. Pourvu qu’elle soit. Le besoin de transcendance ne signifie pas nécessairement l’existence d’une autorité divine mais de principes qui nous soient supérieurs. Le respect des autres, de la dignité de la personne humaine est la première de ces exigences. Si «l’enfer, c’est les autres» (Sartre) le diable doit bien y avoir quelque part. Raison supplémentaire de ne le point réveiller !

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