Les Jeunes Médecins et Pharmaciens biologistes manifesteront le 5 Novembre à 11H devant le ministère de la santé
Une grande manifestation solidaire de blouses blanches aura lieu le vendredi 5 novembre 2010 devant le ministère de la santé à partir de 11 heures du matin à l’initiative du collectif biologistesencolère.
Ce collectif s’oppose à la réforme de la biologie médicale actuellement définie par l’Ordonnance du 13 janvier 2010.
Cette manifestation rassemblera biologistes médicaux, internes en biologie médicale, techniciens et patients, révoltés par la privatisation et l’industrialisation à la petite semaine de tout un pan de la santé des Français.
Le SJBM soutient cette manifestation dans la mesure où ses principales revendications en marge de la parution de l’Ordonnance du 13 janvier 2010 n’ont toujours pas été entendues par le gouvernement, malgré les innombrables propositions qui ont été formulées ces 4 dernières années.
Rappel du contexte
En 2005, suite à la plainte d’un groupe financier désireux d’investir dans le domaine des analyses médicales, l’État français a été mis en demeure par l’Europe de modifier sa législation afin d’assouplir la réglementation autour des laboratoires d’analyses médicales. En effet, le maintien des restrictions de participation au capital aux seuls professionnels de santé et l’interdiction de créer des centres de prélèvement pouvaient constituer aux yeux des institutions européennes un frein puissant aux regroupements des laboratoires. La cour de justice européenne souhaitait vérifier la validité de la justification de l’obstacle au regroupement des laboratoires français par l’impérative et éthique nécessité de maintenir l’outil décisionnel sous le contrôle des professionnels de santé, dans l’intérêt de leurs patients.
Depuis, l’Europe est revenue sur ses positions (actant le fait que le pouvoir décisionnel devait dans l’intérêt des patients être confié aux professionnels de santé plutôt qu’aux actionnaires), ce dont nous nous félicitons, mais la France a tout de même laissé faire l’industrialisation.
Cette dérive, à l’image de la biologie médicale pratiquée dans un nombre croissant de pays européens, inquiète actuellement une large majorité de biologistes médicaux. Ce d’autant plus que cette réforme est l’occasion pour certains d’une mise en retraite anticipée et/ou de la revente à des opérateurs financiers (instigateurs d’une bulle spéculative délirante sur le prix de rachat des laboratoires), accélérant d’autant plus les restructurations anarchiques. Ces dernières conduisent inéluctablement à la fermeture de nombreux laboratoires de proximité (remplacés par des centres de prélèvement) et une compression des effectifs de personnels médicaux et paramédicaux, entraînant une baisse de la qualité réelle des prestations de biologie médicale (à l’encontre du message politique ayant présidé à la mise en place de la réforme).
Ces industriels raisonnent en termes de parts de marchés, de rentabilité, d’augmentation des volumes d’examens, de captation de clientèle, et de capitalisation boursière, ce qui ne contribuera nullement à maîtriser le déficit structurel de la branche maladie de la Sécurité Sociale et assimilera le secteur de l’analyse biomédicale au secteur de l’industrie pharmaceutique, sur lequel il est aisé de constater que l’Etat français n’a plus aucune influence.
Problématiques actuelles
A ce jour, plusieurs problèmes demeurent cruciaux pour l’avenir de notre spécialité:
Privatisation de la santé
La privatisation rampante du système de santé français et en corollaire la fin de l’exercice libéral réellement praticien de la biologie médicale en France liés à la non-parution des décrets prévus au 5-1 de la loi n° 90-1258 relative à l’exercice sous forme de sociétés des professions libérales, excluant les financiers de la détention majoritaire du capital de structures de santé telles que les laboratoires d’analyses médicales. La parution de ces décrets en conseil d’Etat permettrait de réserver de façon exclusive la majorité du capital de la société et des droits de vote aux professionnels —médecins et pharmaciens— en exercice dans la société d’exercice libéral. Ceci éviterait la constitution de réseaux intégrés verticalement dans lesquels prescripteurs (cliniques), prestataires de remboursement (mutuelles et assurances santé) détiennent tout ou partie du capital des laboratoires d’analyses français —avec le cortège de conflits d’intérêts nuisibles pour les patients que l’on imagine aisément—. À terme, ces organismes de type assurantiel pourraient être tentés de contrôler le risque maladie de leurs assurés et moduler ainsi leurs primes d’assurances, ayant la possibilité d’accéder aux résultats d’analyses de ces derniers. Ils auront également la tentation de moduler les volumes d’analyses prescrits afin de répondre aux souhaits des actionnaires…
Cette perspective choque profondément les professionnels de santé responsables que nous sommes.
Subordination de l’éthique médicale aux intérêts financiers, précarisation de la profession
Il est inacceptable qu’au terme d’une formation hautement qualifiée de dix années d’études, le biologiste médical, depuis la parution de l’ordonnance le plus souvent salarié de grandes chaînes privées, se voit ainsi spolier de son indépendance et son pouvoir décisionnel dans l’exercice des fonctions dont il supporte paradoxalement seul la responsabilité médicale civile, pénale et disciplinaire.
Les jeunes biologistes tiennent à exprimer leur profond désaccord face à cette situation de soumission de leur éthique médicale aux intérêts des actionnaires par la contrainte économique.
Il est par ailleurs parfaitement aberrant de constater, dans le contexte actuel de crise du financement de la sécurité sociale, que les remboursements des actes de biologie médicale alimentent en dividendes des fonds d’investissements internationaux au lieu d’être réinvestis ou taxés par le trésor public français… Cette fuite hors de France des richesses laborieusement produites par les travailleurs français est inacceptable.
Le développement du statut d’ultraminoritaire subi, cumulant les inconvénients du statut libéral (aucune protection par le droit du travail, précarité du statut, etc.) sans en avoir aucun des avantages est par ailleurs scandaleux. L’état français doit prendre ses responsabilités vis à vis des jeunes professionnels de santé dans cette situation qu’il a fortement contribué à aggraver.
Nous assistons en effet aujourd’hui à l’explosion du statut d’associé ultraminoritaire, permettant à des biologistes financiers ou autres investisseurs non soumis au code de déontologie médicale de placer un professionnel de santé dans une situation de subordination, en le privant de son indépendance médicale et en détournant ses honoraires. Ces statuts doivent être requalifiés en contrat de travail avec des mesures permettant le maintien de l’indépendance médicale du collaborateur salarié, et les droits de vote doivent être répartis de manière équilibrée entre les différents praticiens associés comme le stipule le code de déontologie. De plus, les investisseurs non exerçants ne doivent pas pouvoir posséder de minorité de blocage, afin de ne pas influer sur des décisions impactant directement la santé de nos patients.
Les décisions médicales n’ont pas à être prises par des commerciaux (ce qui est pourtant autorisé en filigrane depuis quelques mois)… de la même façon que l’on n’imaginerait pas sérieusement qu’ un médecin sans formation particulière en pilotage se se mettre aux manettes d’un airbus plein de passagers… Et il nous semble que c’est justement le rôle de l’état que de prévenir la survenue de telles situations.
Monopole du COFRAC sur l’accréditation
L’ Ordonnance contraint l’ensemble des laboratoires privés et publics à être accrédités sur l’ensemble de leur activité par le COFRAC, qui obtient ainsi le monopole sur l’attribution de l’accréditation des laboratoires français, dont dépend directement leur autorisation d’activité. La France devient ainsi le 1
er pays en Europe où une telle norme est obligatoire pour une activité qui a été reconnue en 2006 par le rapport de l’IGAS comme étant de très bonne qualité dans notre pays. Nous ne remettons pas en cause l’intérêt d’une normalisation qualité, dans la mesure où est introduite une grande liberté dans l’organisation des laboratoires en France. Mais dans un souci de cohérence par rapport à la notion de « libre concurrence » érigée en dogme par le gouvernement au cours de la réforme de notre profession, il nous paraît judicieux de favoriser la mise en concurrence de ces différents prestataires, et de les placer sous une autorité médicale compétente et objective telle que la Haute Autorité de Santé.
Moratoire sur l’avenir des jeunes biologistes français
Dans ce contexte hautement concurrentiel, il est particulièrement inquiétant de constater la mise en application, très peu encadrée par les pouvoirs publics français, de la directive sur la libre circulation des personnels de santé et la qualification ordinale des non titulaires du DES de biologie médicale à compétence équivalente. Par ce biais, il est entériné l’existence honteuse d’un diplôme de biologiste à deux vitesses. D’un coté, les étudiants français accédant au DES de biologie médicale après 10 ans d’étude et la réussite de deux concours extrêmement sélectifs et de l’autre, les ressortissants de l’Union Européenne, niveau licence ou autres spécialités médicales et pharmaceutiques qui peuvent obtenir par voie détournée une équivalence pour exercer en France la biologie médicale en toute légalité, sans avoir à répondre de leurs compétences réelles.
De surcroît, le nombre de postes de titulaires en biologie hospitalière étant en chute libre, et le
manque de visibilité quant aux besoins démographiques en professionnels de santé biologistes médicaux lié aux restructurations dans le secteur privé étant préoccupant, nous demandons un moratoire afin d’adapter objectivement le numerus clausus aux besoins réels de biologistes médicaux en France (projeté sur les 30 prochaines années, en se basant sur des comparaisons européennes fiables à exercice et organisation égale). Il est en effet scandaleux, dans un contexte de pénurie avérée de jeunes professionnels de santé dans certaines spécialités, d’orienter des jeunes médecins et pharmaciens dans la voie d’une spécialisation au terme de laquelle ils ne trouveront peut être aucun débouché…
Baisse de nomenclature: the french governement needs a reality check!
Une nouvelle baisse de 190 millions d’euros est prévue par l’UNCAM pour 2011 après 3 baisses successives de 100 millions d’euros par an soit plus de 10% du CA de la biologie médicale. Cet acharnement de maîtrise purement comptable pour une spécialité ne pratiquant aucun dépassement d’honoraire et ne représentant que 3% des dépenses totales de santé dans un contexte d’investissement massif dans la démarche qualité est insupportable pour une profession dont le chiffre d’affaire a déjà baissé de 20% depuis 4 ans. Cette décision conduit par ailleurs (est-ce une coïncidence?) à privilégier les structures les plus importantes, plus solides financièrement, aux dépens des laboratoires à taille humaine implantés de façon harmonieuse sur l’ensemble du territoire et détenus par des professionnels indépendants. Nous pensons qu’il est dangereux d’établir une stratégie low cost dès lors que la santé des Français est directement en jeu, et qu’aucune alternative ne sera accessible au plus grand nombre.
Enfin, les éléments invoqués par les pouvoirs publics afin de procéder à cette baisse (décidée unilatéralement et en déconnexion totale avec la réalité de terrain) ne reposent sur aucune étude fiable et relèvent de l’incantation.
Toutes ces raisons nous amènent à soutenir le mouvement du collectif citoyen biologistesencolere, et plus largement, le mécontentement de nos compatriotes face à la méthode employée et aux buts visés par l’état Français, quel que soit le domaine réformé ces dernières années.
Montrons que les jeunes sont et restent mobilisés pour l’avenir de leur spécialité.
Communiqué de presse SJBM
Téléchargez ci dessous l’affiche Biologistesencolère parue début octobre dans le journal Marianne.
Affiche Biologistesencolère Marianne