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La République reprochable de Nicolas Sarkozy

Publié le 28 octobre 2010 par Juan
La République reprochable de Nicolas SarkozyLe gouvernement veut en finir avec la contestation et passer à autre chose. la nouvelle séquence que les pontes de Sarkofrance nous promettent sera sociale et sécuritaire. Sociale, car Nicolas Sarkozy veut « raccommoder » le dialogue social qu'il a lui-même affaibli depuis bientôt 6 mois à l'occasion de ce faux débat pour une réformette qui ne résout rien. Sécuritaire, car le monarque élyséen n'a pas l'intention d'abandonner son ADN politique personnel sous prétexte que son bilan contre l'insécurité n'est pas fameux. « La loi de la République doit être désormais acceptée par tous » expliquait François Fillon mercredi 27 octobre 2010, alors que la réforme des retraites était votée par les 336 voix de l'UMP et du Nouveau Centre le même jour.
Mais de quelle République parle-t-on ?


République ruinée
A l'Assemblée, Fillon usa et abusa de grands mots : « La vigueur des débats fut légitime, mais la loi de la République doit être désormais acceptée par tous. Chacun doit savoir sortir de cette crise avec responsabilité et dans le respect réciproque.» Ou encore : « En élevant l'âge légal de départ à la retraite, un pas important a été fait pour sécuriser notre régime par répartition face aux conséquences du vieillissement démographique. Nos concitoyens peuvent regarder l'avenir de leurs retraites avec plus de sérénité.» C'est un gros mensonge, répétons-le une nouvelle fois : la réforme prévoit une nouvelle négociation en ... 2013 (après les élections), puis en 2018. Et même en 2015-2018, elle laisse 15 milliards d'euros de déficit annuel non financé. Nicolas Sarkozy cherchait, en début d'année, un moyen d'afficher quelques mesures d'économie budgétaire pour faire bonne figure auprès des marchés financiers et des agences de notation. Il les a trouvé sur le dos des plus modestes sous la menace d'une faillite des petites retraites. La rigueur ne fait plaisir à personne, mais elle ne fait peur à personne... si elle est juste.
Or la « République des Riches » promue par Sarkozy n'est pas la République de tous. Certes, la funeste loi TEPA de l'été 2007, censée incarner la mise en oeuvre des promesses du candidat Sarkozy fraîchement élu sera quasiment intégralement détricotée et annulée d'ici 2012. La droite elle-même en a fait le bilan : inutile, coûteuse et injuste. Nicolas Sarkozy peut-il encore sérieusement se regarder dans une glace, tant ses promesses ne furent tenues ni dans les moyens (les lois), ni dans les résultats. La Sarkofrance travaille moins (4,6 millions de chômeurs à fin septembre), mais ses comptes ont été plombés par des réformes que Sarkozy a tardé à annuler : vendredi dernier, les députés de droite comme de gauche ont raboté de 75 à 50% la défiscalisation de l'ISF en faveur des investissements dans les PME. La défiscalisation des intérêts d'emprunt immobilier a été abrogée. Le bouclier fiscal est menacé. L'exonération d'impôts et de cotisations sur les heures supplémentaires est fustigée.
Même la crédibilité budgétaire du gouvernement est remise en cause. Quelques sénateurs UMP au sein de la commission des finances ont ainsi prévu de travailler sur un « scenario-bis » de redressement des comptes publics, basé sur des hypothèses de croissance économique plus faible que celles défendues par le gouvernement (2% annuels versus 2,5%), sur la période 2011-2014. En matière budgétaire, Sarkozy alterne l'injustice et l'incompétence. A l'UMP, certains tentent donc déjà l'épreuve de vérité. A Bercy, on est furax : s'il est « il est hors de question de ne pas être au rendez-vous de 3% de déficit en 2013 », on assure, dans l'entourage de François Baroin, que « nous ne voulons pas mettre dans ce document [i.e. le texte du projet de loi de programmation 2011-2014 ] ce double scénario. Nous croyons à notre hypothèse de croissance. » En d'autres termes, la commission des finances du Sénat a prévu un amendement fixant un plafond en valeur absolue à l'augmentation cumulée des dépenses publiques par rapport aux chiffres de fin 2010 : 6 milliards d’euros en 2011, 14 milliards fin 2012, 20 milliards fin 2013 et 28 milliards fin 2014.
La République violée
Coup sur coup, trois journalistes de trois médias différents ont déclaré le vol de leur ordinateur personnel. Gérard Davet (le Monde) a été cambriolé vendredi dernier à son domicile, et Hervé Gattegno, le lendemain dans les locaux du Point. Mercredi, Mediapart assurait avoir été cambriolé dans la nuit du 7 au 8 octobre : un disque dur externe contenant des données confidentielles et deux cédéroms contenant les enregistrements pirates des conversations entre Liliane Bettencourt et son gestionnaire de fortune (à l'origine de révélations du Woerthgate) ont été dérobés dans les locaux de la rédaction, dans le XIIe arrondissement de Paris.
Le point commun entre ses trois médias s'appelle Eric Woerth. Tous trois couvrent l'affaire Woerth/Bettencourt. Tous trois ont publié diverses révélations gênantes pour la défense du ministre du Travail. Déjà, le Monde a porté plainte contre l'espionnage dont son journaliste a été l'objet, par la police, à deux reprises, quand le procureur de Nanterre Philippe Courroye cherchait à connaître ses sources. Avec ces cambriolages douteux, l'affaire prend une autre dimension. Le soupçon d'une grossière opération de barbouzes plane lourdement. Dans l'opposition, on crie au scandale politique. « La concomitance de ces trois cambriolages ne peut qu'interroger. Ils s'inscrivent dans un climat très particulier, né de l'affaire Bettencourt » écrit Mediapart.
Faut-il voir un lien entre ces vols et la décision, contrainte et forcée par les polémiques du weekend, du procureur général de Versailles d'ordonner l'ouverture d'instructions indépendantes sur les différents volets de l'affaire Woerth ?
République isolée
A l'étranger, la France est isolée. Les polémiques sur la chasse aux Roms de l'été ont laissé des traces. La contestation sociale contre la réforme des retraites a affecté l'image du président français qui aime tant donné des leçons de gouvernance au monde. Et la récente sortie franco-allemande sur la discipline budgétaire de l'Union européenne a profondément agacé la commission européenne. Le Conseil européen de cette fin de semaine s'annonce houleux.
Il y a 10 jours, Sarkozy et Merkel à Deauville promettaient de convaincre les autres Etats membres de l'union de fixer des règles de sanctions contre les Etats aux finances publiques trop dégradées. Cette partie de solo franco-allemand très médiatisé, aux détriments d'une concertation plus large, en a agacé plus d'un.
Mercredi, Viviane Reding, vice-présidente de la Commission, s'est lourdement exprimée. Et comme l'écrit le Figaro, « La commissaire, déjà virulente contre Paris dans l'affaire des Roms, dit aujourd'hui tout haut ce qu'à Bruxelles beaucoup pensent tout bas. » Plus précisément, elle critique ce « marché de dupes où la France obtient un assouplissement certain de la discipline collective, en échange de la promesse aléatoire faite à l'Allemagne d'alourdir par traité les sanctions européennes.» Ses propos sont rudes : « La France et l'Allemagne sont les deux pays qui ont sabordé la première version du pacte budgétaire européen, en 2004 et 2005. Depuis, l'euro a traversé une crise sévère mais il semble que certains n'en ont toujours pas tiré la leçon (…) La question n'est pas de changer la donne en 2013, mais de renforcer dès maintenant la discipline européenne. Il faut qu'on arrête de détruire ce que proposent les institutions européennes.»
Le même jour, Jean-Claude Juncker, premier ministre luxembourgeois et président de l'eurogroup, y est également allé de ses critiques. Habituellement réservé, et plutôt proche de Nicolas Sarkozy, Junker a dénoncé un accord « inacceptable ». Première critique, « le style est simplement impossible ». Junker n'a pas accepté l'absence totale de concertation préalable avant ses déclarations à Deauville. Sur le fond, Junker n'est pas tendre non plus : « le retrait des droits de vote pour les pays cancres en matière de déficit budgétaire n'est pas un chemin praticable. » Et il termine par une conclusion lapidaire : « J'exclus toute modification du traité de l'UE sur cette question (...)  C'est pourquoi nous ne devrions pas nous étendre sur cette question lors du sommet.»
Nicolas Sarkozy avait de grands espoirs, pour sa propre réhabilitation politique en France, dans l'organisation des prochains G20 et G8 par la France. En quelques jours, il a perdu tout soutien européen. De provocations en gesticulations, de manoeuvres électoralistes en agitation médiatique, il a gâché ses chances.
Et les nôtres.


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