Je profite des voyages en TGV pour récupérer mon retard de lecture. Je n’avais pas encore lu le Canard du mercredi 20 octobre. Quelle ne fut pas ma surprise de découvrir un article sur le benfluorex (Mediator) et ses 1000 morts sans importance. Conforme à la tradition palmipède, la journaliste dénonce, à juste titre, le retard de la suspension d’autorisation du marché du benfluorex alors que l’Afssaps connaissait les risques depuis 1995 pour un retrait du marché en 2009. Je me souviens de mes cours de pharmacologie (pas si vieux que çà mais qui remontent à 2005 tout de même) pendant lesquels les profs nous invitaient à la méfiance quant au benfluorex et à ses risques cardiaques, du fait de la très grande ressemblance de sa structure chimique avec un autre médicament à l’époque déjà retiré du marché pour ces mêmes raisons. Au passage, la journaliste égratigne le président de la commission d’autorisation de mise sur le marché de l’Afssaps citant un email qu’il aurait adressé aux dirigeants du laboratoire Servier, commercialisant le Mediator, les invitant à la prudence pour éviter toute suspicion de collusion entre eux et la commission.
Mais là n’est pas le propos. Le Médiator, autorisé sur le marché comme djuvant du régime adapté chez les diabétiques avec surcharge pondérale, était également prescrit hors remboursement comme adjuvant de tout régime. Je ne peux pas me prononcer sur le bien fondé de cette prescription. Par contre, au cours de mon expérience, il n’a pas été rare (oh! doux euphémisme) de constater le «dépannage» régulier en Médiator par des pharmaciens envers des «patients» très demandeurs.
Certes c’est interdit de délivrer un produit sur prescription médicale obligatoire sans ordonnance. Mais dans ce cas précis, le produit est dangereux. La réponse la plus courante que me font mes confrères pour justifier cet écart est la suivante: «Mais nous ne savions pas! Et puis il était prescrit facilement par les médecins!». D’une nous n’avons pas le pouvoir de prescription, notamment parce qu’on ne nous a pas appris à prescrire et surtout à diagnostiquer. De deux, nous savions... l’information figure dans mes cours. A ce titre, il y a négligence de la part de mes confrères qui se doivent de maintenir à jour leurs connaissances (cf. le Serment de Galien). Mais il y a également un manque d’éthique flagrant: une fois encore, ce n’est pas l’intérêt du patient qui primait mais bien l’intérêt pécunier à vendre facilement une boite tout en fidélisant un client reconnaissant du dépannage.
Si ceci pouvait servir de leçon. J’en doute fortement, nous verrons encore beaucoup de Stilnox partir sous le manteau. Au jour où nous clamons notre identité de professionnel de santé à part entière, nous serions bien inspiré de ne pas nous comporter tels des épiciers.