Jean-Paul Lespagnard Land.

Publié le 29 octobre 2010 par Stev

« JEAN-PAUL LESPAGNARD !!! JEAN-PAUL LESPAGNARD !!! JEAN-PAUL LESPAGNARD !!! » pourrait scander une foule de modasses tokyoïtes pendant un défilé du maître. Car Monsieur Lespagnard a ce côté cinglant, second degré et coloré que les Japonais affectionnent tant. Mais belge dans l'âme, son sang européen ne pourrait jamais laisser partir une collection sans une touche de chic, une patte féminine. Son atout donc : un côté ludique tout en gardant un esprit très luxe, très femme. Jean-Paul Lespagnard n'a pas dérogé à cette règle pour son exposition « HUMAN NATURE » pendant le Modo Brussels. 
Par contre, le travail de l'homme au style improbable a évolué, Monsieur aurait-il pris de la bouteille ? Se serait-il assagi ? Ce qui est sûr, c'est que grâce à Jean-Paul Lespagnard, Jacqueline a certainement dû réaliser son rêve et trouver son prince charmant texan et pétrolifère aux poches remplies de biftons. La belle aurait-elle ouvert une baraque à frites de luxe sur Wisteria Lane, dans l’une des banlieues  chic de Dallas ? La demoiselle, avec qui il a remporté le prix du public ainsi que le prix « 1.2.3 » à Hyères, puis escaladé les portants de ces mêmes boutiques « 1.2.3 » pour donner accès à une collection grand public, ne fait plus partie du champ de vision du designer. Tant mieux ? On ne dira pas ça, on préférera que ce soit dans la logique des choses. Au bout d'un moment, c'est comme le mariage, il faut que chacun fasse sa vie de son côté. 
Ce qui n'empêche pas le créateur de rester dans sa folie imaginaire, un monde où tout peut être dessiné, inventé, mais où tout est possible. Jean-Paul Lespagnard est le seul créateur que l'on connaisse (avec JCDC) à savoir manier l'imaginaire de telle sorte que porter leurs créations équivaut à vivre dans Roger Rabbit. L'avantage du designer, c'est qu'il n'y a pas de limites entre réel et imaginaire. On a l'impression que tout est envisageable, comme s’il disait : « Tu aimes ça très fort ? Alors, imagine-le très fort et ça arrivera ! ».
Une exposition qui reste donc fidèle au précepte du maître avec cette fois-ci une escale à prédominance sud-américaine, plus exactement mexicaine, avec une forte affection pour des civilisations oubliées. Une fée passée par là transforme notre Jean-Paul national en Maya l'abeille (ou en abeille Maya) virevoltant sur d'anciennes pyramides, se faisant bronzer sur la plage ou même sautant de joie devant un taxi jaune criard.

De son voyage, il nous a ramené une femme en adéquation avec la nature. Des titans de verdure qui aux premiers abords paraissent figés comme de la pierre, et qui finalement sont comme des zombies effrayant la populace, protègent la nouvelle femme de Lespagnard qui se veut déesse des temps anciens. Une drag-queen de la nuit aztèque qui aime toujours autant la couleur et qui joue avec les codes d'un temps oublié : masque léopard incrusté d'imprimés géométriques, talons vertigineux et plexi pour une chaussure qu'Anna-Nicole Smith aurait pu porter à la fashion-week de Tenochtitlan, sans oublier un ensemble de baroudeuse couture qui ose le treillis pour défiler dans la boue sans dévaloriser la féminité, avec un tank top blanc à l'incrustation mystique mais toujours haut en couleurs. Le gros coup de foudre vient quand même de cette tunique qui pourrait être, sans aucun doute dans la coupe, un apparat de prêtre-shaman-sorcier réalisant des rites rigolos et second degré. Le plastron fleuri style « point de croix de grand-mère » faisant foi. On aurait bien fait un sacrifice humain pour l'obtenir... mais « déjà vendu », nous a-t-il dit. Grrr ! On s'est dit avec les copines la même chose que les deux nénettes du film Tout ce qui brille (film moisi, on vous l'accorde, on n’a pas que de références hip, vous savez). Quand dans un taxi, elles veulent s'enfuir sans payer, l'une dit « jobi », l'autre « joba » comme signal de dégager illico. Pourquoi ne pas faire la même chose ? « Jobi, Joba », on se casse avec le top de shaman en courant et on reste enfermés chez nous, l'enlaçant (le top) de nos frêles bras, pendant cent ans. Problème, on nous aurait très vite retrouvés.

Jean-Paul Lespagnard nous invite donc une nouvelle fois dans son monde, un nouveau monde où la frontière avec l'imaginaire et le réel n'existe plus. Fans de la première heure, nous le resterons à vie. C'est comme les addictions venant de l'enfance : Papy vous a fait goûter une fois ces saletés de Werther's Original et maintenant vous pouvez bouffer 12 paquets sans broncher devant la télé, même si vous connaissez les conséquences d’une crise de foie. Ici, c'est pareil, avec l'avantage qu'il n'est pas possible d'en faire une overdose. Chaque fois, on attend le prochain épisode du dessin animé avec impatience car l'univers de Monsieur Lespagnard est l’un des seuls à proposer fun, art, mode, couture et qualité sans forme d'élitisme aucune. C'est ce qu'on appelle un vrai don de soi et ça, c'est précieux.
We love you JPL!
Bien à vous.