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Un bon bouquin spatial

Publié le 28 octobre 2010 par Toulouseweb
Un bon bouquin spatialEugene Cernan, le dernier homme sur la Lune.
C’est une autobiographie comme il en paraît peu, celle d’un ancien astronaute américain, Engene Cernan. Un pilote intelligent, lucide, capable d’élever le débat et de prendre du recul par rapport aux événements qu’il a vécus. Un homme sensible, visiblement compétent et trčs honnęte : il propose ŕ ses lecteurs une visite sans concessions des coulisses des plus importants exploits spatiaux américains des temps héroďques. Cernan, commandant d’Apollo 17, a été le dernier homme ŕ marcher sur la Lune, titre de son fort ouvrage de 450 pages. Aujourd’hui âgé de 76 ans, il est un sage.
Cernan est l’ami de 40 ans de notre confrčre Jacques Tiziou. Qu’en dit ce dernier ? ŤQue c’est un gars étonnant, extraordinaire, qui ne dit qu’un gros mot et rétablit la situation en quelques secondes lorsque le module lunaire est en perdition ŕ quelques kilomčtres de la Lune, pendant la mission Apollo 10. Un gars simple qui vient dîner chez vous quelques jours aprčs s’ętre écrasé en hélicoptčre dans une rivičre et vous décrit trčs calmement le rideau de flammes qui le séparait de la surface. Un gars gentil qui se bat contre le Président et la NASA pour ne pas rester trop longtemps le dernier homme sur la Luneť.
Le livre de Cernan sort de l’ordinaire pour de multiples raisons. Bien sűr, on connaissait déjŕ ŕ peu prčs tout de la sélection, de l’entraînement sévčre des astronautes, de leurs exploits. Et aussi les risques et les angoisses liés aux programmes précurseurs Mercury et Gemini. Puis la course contre la montre, la course avec les Soviétiques pour la conquęte de la Lune. Mais Cernan en dit beaucoup plus, en prenant parfois le risque de démythifier les héros de la NASA.
Voici venue, en 1966, la mission Gemini qui doit ętre ponctuée par une sortie dans l’espace, confiée ŕ Cernan. Deke Slayton, implacable patron des astronautes, s’adresse entre quatre murs au commandant de la mission, Tom Stafford. Cernan n’a appris la teneur de la conversation que des années plus tard et elle donne des frissons dans le dos : si la sortie dans l’espace devait mal se passer, si Cernan ne pouvait pas remonter ŕ bord, il serait détaché et abandonné dans le vide sidéral. De telles instructions ne se transmettent pas par écrit. La sortie, finalement, se déroulera ŕ peu prčs bien mais au prix des pires difficultés. Les pages qui lui sont consacrées sont tout simplement haletantes. Tout comme le sont, par exemple, celles consacrées au retour dans l’atmosphčre, Ťune baignoire en chute libreť.
Le récit n’est heureusement pas dominé par des considérations uniquement techniques. Les hommes y tiennent toute la place, de valeureux pilotes, des ingénieurs talentueux et des travailleurs de l’ombre. Les astronautes, bien sous tous rapports, doués ou surdoués, ont aussi leurs faiblesses et leurs désirs secrets. Ils ont tôt fait de comprendre qu’ils vont entrer dans l’Histoire et, pour certains, ils perdent leur simplicité et une bonne part d’idéal. Il est vrai qu’ils sont constamment trčs entourés, sollicités, adulés, tandis que leurs épouses sont précipitées dans un tourbillon d’obligations qu’elles ont bien du mal ŕ maîtriser. D’ailleurs, rares seront les mariages qui survivront ŕ cette tension permanente.
A mesure que progresse le programme Apollo, ŕ travers les propos de Cernan (et aussi parce que nous connaissons la suite des événements et l’épilogue), nous comprenons mieux que le défi lancé par John Kennedy, des Américains sur la Lune avant la fin des années soixante, était tout simplement inouď. L’accident grave survenu ŕ Apollo 13 en a rappelé tous les risques et les vaillants équipages spatiaux sont devenus de trčs grandes vedettes médiatiques. Des vedettes néanmoins éphémčres, souligne Cernan, dans la mesure oů l’intéręt de l’opinion publique américaine retombera aussi vite qu’il s’était construit.
Quand approche l’aboutissement, en 1969, la tension est ŕ son comble dans les couloirs de la NASA. Les trois hommes qui constitueront l’équipage d’Apollo 11 sont assurés d’entrer dans l’Histoire. Le premier d’entre eux ŕ poser le pied sur le sol lunaire sera voué ŕ la gloire éternelle. Il n’en fallait pas davantage pour justifier quelques petites intrigues, des démarches d’autopromotion. Ainsi, ŤBuzz Aldrin s’est démené frénétiquement pour faire campagne, afin d’ętre le premier homme ŕ marcher sur la Luneť, et non pas Neil Armstrong. Commentaire de Cernan : Ťje trouvais les arguments d’Aldrin ŕ la fois insultants et ridiculesť. Finalement, le bon sens a prévalu.
La mission Apollo 11 est, elle aussi, admirablement décrite. Cernan, aux commandes du module lunaire, juste avant le contact avec la surface : Ťje cherchais une place libre dans ce parking de rochers gros comme des voitures ť. Quatre heures plus tard, aussitôt aprčs Armstrong, il descendait précautionneusement l’échelle, barreau aprčs barreau… La récompense supręme.
Qu’en reste-t-il, aujourd’hui ? Ce beau témoignage, qui n’est évidemment pas le premier, du respect pour les artisans de cette réussite historique et une forme inédite de nostalgie, accompagnée de beaucoup de regrets et d’une immense frustration. Depuis Apollo, malgré la station spatiale internationale et la navette, les grands exploits font cruellement défaut et la suite logique du programme lunaire reste dans les tiroirs. Plus de 40 ans plus tard, l’homme devrait ętre sur Mars et ailleurs et il n’est męme plus sur la Lune.
Cernan vit dans son ranch avec ses extraordinaires souvenirs. Nous, nous attendons vainement une suite.
Pierre Sparaco - AeroMorning

Ť J’ai été le dernier homme sur la Lune ť, par Eugene Cernan et Don Davis, Editions Altipresse.

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