Chic, un débat ! cela faisait longtemps... il y a deux ans, on s'amusait à débattre par blogs interposés, avec Joseph, Théâtre des opérations (François, que deviens-tu ?), Mars attaque... et puis c'était passé. Trop de boulot, sans doute....
Bref, l'ami Joseph reprend la balle au bond d'un pétard que j'ai allumé il n'y a pas longtemps, sur la DAMB. Lisez-le d'abord, puis revenez lire ce que j'en dis....
Intéressant, n'est-ce pas ? Y compris par ce qui est sous-entendu, ou interprété.
1/J'ai bien pris soin, dans mon billet, de distinguer armes à effet de masse (AEM, comprendre RBC) des armes nucléaires. Je m'en explique dans mon bouquin sur l'Otan (à paraître la semaine prochaine, si ! si !) à la suite d'un article que j'avais fait paraître il y a six ou sept ans dans la RDN. Pourquoi ? tout simplement parce que la terminologie ADM (armes de destruction massive) me paraît une construction intellectuelle peu sérieuse, qui veut faire profiter les AEM de la logique de la dissuasion "nucléaire". Or, au lieu d'élever les AEM aux enjeux de la dissuasion, on abaisse celle-ci et on la rend du coup moins compréhensible. Donc je le répète, la dissuasion n'a pas à s'opposer à une menace chimique (ou radiologique, ou biologique) : l'accepter, c'est pervertir la dissuasion qui doit rester en haut du spectre. Ce qui a pour conséquence qu'on accepte une guerre "en dessous", y compris avec des armes pas orthodoxes. Et donc on accepte un coût marginal de perte (ça y est, mes cours d'éco qui ressortent)
2/ C'est d'ailleurs pour cette raison que j'ai toujours été rétif au discours sur la prolifération, fondé sur cette confusion. C'est donc à dessein que dans mon billet, j'explique que la prolifération réelle touche les missiles, puis les AEM.
3/ Dès lors, je suis d'accord avec Joseph quand il dit qu'il faut déconnecter la dissuasion de la DAMB : c'est au fond le même argument sur le fond de la prolifération.
4/ Par conséquent, la vraie question est celle-ci : comment contourner une supériorité aérienne occidentale ? (puisque seul l'air permet des frappes à distance, seules envisageables dans le monde contemporain où l'on peut avoir des ennemis qui ne soient pas à ses frontières immédiates) j'évoque les missiles balistiques (la DAMB ne cible-t-elle pas précisément cette arme là ? ) mais je suis tout à fait d'accord sur les voies alternatives de contournement : missiles de croisières (donc endo-atmosphériques) ou drones bricolés à partir de missiles sol air ou de vieux zincs. D'ailleurs, c'est ce que j'avais confusément à l'idée quand j'avais évoqué les thème des artilleries dans AGS en juillet 2010.
5/ Dire qu'il est donc envisageable d'avoir des systèmes qui puissent saturer facilement les DAMB est assez logique : qu'elles soient de théâtre ou de territoire ! C'est d'ailleurs la raison qui m'a toujours rendu sceptique envers les DAMB en général, et notamment celle de territoire : ambiguïté avec la dissuasion, et perfection technique illusoire, sans même évoquer les difficultés de C2 et de décision. En DAMB de théâtre, la chose est plus cohérente puisqu'il s'agit d'une DAA élargie, et qui sert à protéger des troupes pour lesquelles on admet des pertes.
6/ C'est d'ailleurs cette logique "stratégique" que défendait le ministre de la défense Hervé Morin, lorsqu'il rappelait la position traditionnelle de la France envers cette nouvelle et illusoire ligne Maginot. Le compromis qui a finalement été trouvé à l'Élysée appartient à une autre logique, géopolitique : coller aux Américains.
7/ Sur les aspects R&D et conséquences sur les BITD, là encore, je crois que la décision vient là aussi de l'Élysée, par un réalisme qui entend se positionner face à la vogue du moment : les Américains et les Européens sont d'accord pour ce truc? la BITD France a quelques avantages à faire valoir ? allons-y donc.
Ces deux derniers points illustrent, me semble-t-il, la différence qu'il y a entre la "stratégie générale" et la "stratégie militaire", ou entre les deux faces du "politico-militaire" que j'évoquai l'autre jour.
Joseph, à toi de répondre...
O. Kempf