Magazine Journal intime

Quinze ans et la grande trouille au ventre

Par Eric Mccomber
C'était secondaire cinq. Il y avait du nouveau. Quelques potes de moins et de plus, quelques mouvements morphologiques, mais surtout, le rock and roll. Tous les matins mon nouveau radio-réveil ultramoderne, qui allumait automatiquement la radio à CHOM FM, jetait quelques morceaux dans le gouffre de mon ignorance. Steppenwolf, Doctor Feelgood, Captain Beefheart… J'emportais tout ça dans ma douche, où je me lavais les cheveux avec le shampoing officiel de ma caste, le parfum étrange qui donnait droit d'entrée au club des freaks (nous, les 75 dissidents anti-disco sur une poly de 3000 élèves).

En cette fin d'année là, modeste à côté des chefs d'œuvres The Wall, Double Fantasy et Sultans of Swing, on se prenait d'affect pour un disque très différent, très radio-friendly, mais émouvant pour des mômes comme moi. Arc of a Diver. À vrai dire les thèmes désespérés de ce disque collaient à nos jours de manière inouïe. Évidemment, on sait aujourd'hui qu'au plan artistique, cette démarche amenait tout droit dans un mur derrière lequel attendait un ravin surplombant un lac infesté de requins et de piranhas en train de se faire dissoudre par un déversement d'acide chlorhydrique. Mais bon. À l'époque, tout ce qui avait un son nouveau et qui ne se contentait pas de copier le tsipou-tsipou de la chanson précédente emportait notre enthousiasme.
À l'aube des années 80, alors qu'on pleurait à chaudes larmes le meurtre de Lennon, que l'arrivée des Reagan et cie nous foutait la terreur et qu'on se regardait les poils pousser partout, je ne peux dire que ceci : ce disque colorait les longs bosquets dénudés bordant les chemins de nos matins bleus alors que nous entrions docilement par milliers à l'usine des Morlocks.
Aujourd'hui, le vieux Winwood m'est revenu en tête, parce que je me suis souvenu du choix que j'ai fait, en marchant vers la Polyvalente Henri-Bourrassa dans une de ces aurores glacées, de mener la vie que je mène aujourd'hui. Quand je pense que j'aurais pu être boutiquier ou manœuvre ou gardien de nuit. Quand je pense que j'aurais pu la jouer toute simple. Eh, eh, eh. Fuck.
Suis-je encore libre ? Mais oui, Steeve. Bien sûr.
Stand up in a clear blue morning
Until you see what can be
Alone in a cold day dawning
Are you still free? can you be?
When some cold tomorrow finds you
When some sad old dream reminds you
How the endless road unwinds you
While you see a chance take it
Find romance fake it
Because it's all on you
Don't you know by now
No one gives you anything?
And don't you wonder how you keep on moving?
One more day your way oh your way
When there's no one left to leave you
Even you don't quite believe you
That's when nothing can deceive you
And that old gray wind is blowing
And there's nothing left worth knowing
And it's time you should be going
© Éric McComber

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