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Euthanasie?

Publié le 31 octobre 2010 par Samiahurst @samiahurst
Euthanasie?L'assistance au suicide, et l'euthanasie active là où elle est légale, sont toujours des réponses extrêmes, de dernier recours, face à des tragédies humaines. Faire du mieux que l'on peut, répondre à la souffrance humaine de manière digne et respectueuse, voilà dans ces cas une tâche profondément difficile.
C'est entre autres pour cela que le témoignage de la Dre Daphné Berner est important. Il est également courageux. Admirable, même. Présenter avec une simple honnêteté le drame humain que l'on a vécu, pour en présenter la réalité sans chercher d'abord à se défendre, alors que l'on est accusé d'euthanasie, voilà un exemple rare et qu'il faut saluer. Quand j'ai commenté ce cas en direct, je n'ai pas eu le temps de le dire et je tenais à rattraper ça.
Important, ce cas l'est aussi pour la lumière qu'il jette sur certains aspects troublants de la mort assistée. Petit retour. D'abord la loi. En Suisse, l'assistance au suicide est légale (art. 115 Code Pénal Suisse). L'euthanasie, non (art. 114 Code Pénal Suisse). Sur le plan éthique, la distinction est importante. Dans le cas de l'euthanasie, une personne en a tué une autre. Dans le cas de l'assistance au suicide, non. Mais en même temps, ce cas montre à quel point cette limite peut être ténue. Car voilà comme les faits sont décrits:
(...)la femme avait choisi de mettre fin à ses jours avec l’aide d’Exit. Mais le moment venu, complètement paralysée à l’exception d’un pied, la malade n’a pas pu actionner elle-même le goutte à goutte contenant la substance létale.

Daphné Berner a alors proposé à la jeune femme la chose suivante: "quand vous bougerez votre pied, c’est comme si vous ouvriez la molette et c’est moi qui l’ouvrirai". Et de préciser: "Elle avait l’air très soulagée de ma proposition et c’est ce que nous avons fait. Elle a réussi à dire: maintenant, elle a bougé son pied et j’ai ouvert la manette. Voilà."


C'est toujours difficile à dire depuis la distance confortable à laquelle on lit. Mais si j'essaye d'être sincère je pense que dans un cas semblable, si j’étais convaincue que c’est la volonté ferme de la patiente, et si je me trouvais sans alternative pour apaiser sa souffrance autrement, j’aurais peut-être bien fait la même chose, oui. Ce n'est pas une chose que l'on dit à la légère.
Une partie de la questions est là. Si notre réaction face à ce cas est de penser cela, mettre la personne qui s'est trouvée dans ce cas en prison a quelque chose de problématique. Alors évidemment toute la question n'est pas là. Car une décision éthique peut s'en tenir à un cas singulier. Une décision juridique, non. Et il semble qu'il y ait au moins deux manières de voir ce cas.
Premièrement, on peut y voir une raison de rouvrir la discussion sur la légalisation de l'euthanasie. Si elle est interdite, c'est en raison de l'interdit de l'homicide. Mais on admet tous que certains cas d'homicide (notamment en légitime défense) peuvent être justifiés. Si l'homicide est interdit pour poser une limite -indispensable- à la violence humaine, alors un cas comme celui-ci doit-il vraiment être interdit?
Lire la situation ainsi, c'est commencer par admettre la culpabilité, puis éventuellement se demander si, et à quel point, la norme pose problème. Légaliser l'euthanasie? Ce choix dépendrait des mesures que nous pouvons mettre en œuvre pour éviter des dérives, et de la confiance que nous avons que ces mesures peuvent être efficaces. Mais ce choix devrait aussi dépendre de l’importance que nous donnerons à des cas comme celui de cette patiente. A des personnes qui sont trop limitées par la maladie pour pouvoir se suicider, et qui ne peuvent du coup plus avoir recours à une mort assistée. Ces personnes, il peut actuellement leur sembler raisonnable de mourir plus vite, d’anticiper, avant de perdre la capacité de se suicider. Et ça aussi c’est une dérive.
Mais il y a une deuxième lecture possible de ce cas. Y voir une occasion de questionnement sur les limites entre l'euthanasie et l'assistance au suicide. Cette limite est importante, mais elle ne peut se résumer aux enjeux abstraits. Car ici, qui a actionné le mécanisme? Si au lieu de dire ‘maintenant’, la patiente avait poussé le mécanisme du pied, ce procès n’aurait certainement pas lieu. Redéfinir comme un assistance au suicide un cas où une patiente capable de discernement 'actionne le médecin' au lieu d'actionner le mécanisme pour se donner la mort, peut-on l'envisager? Dans les termes théoriques habituels de ce genre de situation, c'est impensable. Mais s'il existe des cas où ces limites théoriques sont claires, cette histoire-ci montre que ce n'est pas toujours le cas. Sur le plan philosophique, qui est dans cette histoire l'agent, la cause proximale de la mort de la patiente? Il pourrait sans doute y avoir débat. Sur le plan politique, voir ici un cas d'assistance au suicide pourrait être une manière de reconnaître le caractère humainement licite de la décision de la Dre Daphné Berner, sans devoir aborder de front la question de l'euthanasie dans nos lois. Et sans non plus tracer un précédent qui risquerait d'inclure des patients incapables de discernement. Ce serait là une solution assez helvétique, finalement.

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