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Chronique des beautés cachés, des facteurs et des fous

Publié le 04 novembre 2010 par Sammy Fisher Jr
Ce qu'il y a de plus beau à la Réunion, c'est ce qui est caché. Tous les lieux auxquels on n'accède qu'à pied.  Ou en vélo pour les plus téméraires. Car la voiture -après les boucles, épingles à cheveux et sueurs évoqués dans une précédente chronique- ne vous mènera qu'au début du sentier, au pied de la montagne, à l'orée de la forêt. Pour découvrir le panorama, admirer la cascade, explorer la forêt, il vous faudra poursuivre à pied, tantôt foulant la roche volcanique sous ses différentes espèces, tantôt pataugeant dans la boue, qui est comme chacun le sait le véritable bonheur du randonneur bien né.
Que nul ne s'avance s'il n'est bien chaussé. Telle pourrait être la devise des sentiers de la Réunion. La petite ballade familiale qui commence par un sentier balisé recouvert de pouzzolane, vous demandera finalement une  bonne heure de marche et se terminera par le franchissement d'une rivière à gué. Sous la pluie. Qui tombe verticale, en grosses gouttes serrées, mais pas trop froide. Vos chaussures n'y survivront pas. Consolez-vous en pensant à votre fierté lorsque vous montrerez vos photos à vos amis.
Takamaka, le trou de fer, le cirque de Mafate font partie de ces lieux que seuls les marcheurs et les amateurs de cartes postales peuvent contempler en majesté. Les cartophilistes se privant toutefois des joies humides évoquées plus haut. Mafate, c'est sans doute le plus beau des cirques, car le plus inaccessible. Les habitants sont disséminés dans des îlets, ensemble de cases formant, dans le meilleur des cas, un embryon de village. Pour les plus pittoresques, les cases sont accrochées aux parois, posées sur des replats. On y accède à s'accrochant aux lianes. Ou aux basques du facteur, qui fait ce petit exercice tous les jours. Il a le mollet musclé, le jarret ferme, le visage tanné par le soleil. Et 40 kilos de courrier à distribuer.

Ce n'est certes pas lui qui s'amuserait à lancer ses chaussures sur un fil électrique. Non, ce n'est pas un dicton local, il s'agirait plutôt d'une sorte de coutume. Un jeu pratiqué par les jeunes -et peut-être par les moins jeunes- consistant à lancer une paire de chaussures attachées par leurs lacets, de façon à orner un banal fil électrique. Pour le rendre plus intéressant. Plus folklorique. Le passe-temps a au moins le mérite de susciter les interrogations des touristes, intrigués par toutes ces pompes suspendues aux entrées des villages.
Mais à la Réunion, il n'y a pas que des touristes et des lanceurs de chaussures. Il y a aussi des fous. De vrais fous de jeu d'échec, qui ne se déplacent qu'en diagonale. Une fois par an, ils traversent l'île d'un bout à l'autre. A pied. Du sud-est au nord-ouest. Du Cap Méchant à Saint Denis. Ce qui fait 163 km pour 9600 mètres de dénivelé. Autant dire qu'ils gardent leurs chaussures. Et les fous sont plus nombreux qu'on ne le croit : 2555 très précisément. Mais un sur deux n'arrivera pas au bout. Entre temps, les survivants auront consommé 390 kilos de pâtes, 4600 yaourts, 2050 tranches de jambon. Et 9 kilos de piment. Pour le coup de fouet du dernier kilomètre.

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