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Xavier Bertrand ou les pulsions du bernique

Publié le 04 novembre 2010 par Copeau @Contrepoints

L’actualité sociale bat son plein : alors que la vénérable poussière de l’Assemblée se remet à peine des bourrasques que les grévistes retraitophiles ont provoquées, le sémillant secrétaire général des Socialistes de Drouâte, Xavier Bertrand, se lance à l’assaut d’une bien lointaine campagne électorale par l’angle de l’éducation. Le résultat est à la mesure des gesticulations habituelles du patron.

Et c’est donc dix-huit mois avant le scrutin présidentiel que l’UMP se secoue la coquille pour trouver des idées nouvelles, des pulsions et des élancements pour bondir de l’avant.

Quand on est animal souple et puissant — pensez « tigre » ou « panthère », ici — cela ne pose pas de problème ; le paysage politique français étant ce qu’il est, on a plutôt tendance à imaginer une bernique comme totem de l’UMP, accroché au rocher des bonnes planques institutionnelles.

Ceci posé, examinons un peu les pulsions du gastéropode, relatées dans un petit article sur Libération et en détails dans le Figaro.

En fait de pulsions, nous découvrons des pistes de réflexion. Pour rappel, une piste, c’est un chemin rudimentaire et sommairement aménagé, aux bords mal définis, et c’est exactement ce dont il s’agit ici : Xavier Bertrand nous vante, comme un produit d’assurance-vie qu’il aurait jadis placé chez Mamie Boulette à la faveur d’un sonotone mal réglé, les bienfaits d’un programme d’éducation taillé à l’emporte-pièce pour aider les folliculaires du Figaro à titrer d’ennuyeux articles superficiels.

Ainsi on chapeautera le papier par un rutilant « 100% des élèves doivent savoir lire en fin de CE1« , qui s’obtient comme suit :

…nous souhaitons une meilleure responsabilisation de tous les acteurs, par le biais d’une signature d’un « contrat d’objectifs » signé entre les recteurs et les directeurs d’école primaire. Nous proposons également d’initier des expériences pilotes avec les méthodes nouvelles d’apprentissage qui produisent les meilleurs résultats.

En gros, pour s’assurer que des mouflets savent lire en fin de CE1, on va faire signer par des tierces parties un papelard ronflant. Oui oui, le bernique, ici, vient de faire un brusque mouvement pulsatoire. Revoyons la scène au ralenti : la coque se soulève d’un quart de millimètre, voyez, ici, et là, une petite bulle d’eau de mer se forme, et pop, fini la bulle, et la coque se remet en place.

Ce prout de bernique nous permet d’apprécier toute la force avec laquelle le parti majoritaire s’enfonce dans le terreau fertile de la réalité citoyenne. Apparemment, le bon Xavier ne sait pas que cette p$£*ain de méthode globale de m*$£de sévit encore et qu’il faudrait en revenir, une bonne fois pour toutes, à celle qui fonctionne depuis plusieurs millénaires, qu’il faudrait foutre sur trajectoire d’échappement du système solaire la plupart des bonimenteurs mal azimutés des IUFM (à commencer par Mérieu, tiens, par exemple), et arrêter avec l’encombrante et inutile paperasse d’apparat et les lois étouffantes dans lesquelles on noie tous les jours les directeurs d’établissements.

Cependant, on pourrait voir, dans les ébauches de propositions concernant l’abandon du collège unique, un espoir de lucidité de la part du politicien ; espoir assez vite douché lorsqu’on lit avec attention le petit paragraphe qui y est consacré :

il faut mieux accompagner le passage de la fin du primaire au début du collège. Les élèves de 6e et 5e doivent avoir moins d’enseignants différents mais qui doivent passer plus de temps avec leurs élèves et être plus polyvalents. Par ailleurs, la deuxième partie du collège doit être moins monolithique. On pourrait notamment instituer dès la 4e une « prépa-pro » pour les élèves tentés par la filière professionnelle, c’est-à-dire une extension du module de découverte professionnelle dès la classe de 4e.

Monsieur Bertrand, je suis désolé de vous le dire : c’est du charabia, là, votre machin-truc. Ce qui caractérise le collège unique, c’est essentiellement l’unicité des programmes, l’unicité des méthodes et l’unicité des objectifs dans toute la France, pas le nombre d’enseignants ou leur polyvalence. Encore une fois, on s’attaque à la cosmétique et à l’intendance plutôt qu’au fond. Accroché au pinceau, Xavier repeint le plafond pendant que la réalité se charge, lentement mais sûrement, de retirer l’échelle.

Xavier Bertrand - photo garantie sans trucages

Et ça se précise aux paragraphes suivants : pour s’assurer que les parents s’occuperont bien de leurs moutards, on va leur faire faire quoi, je vous le demande ?

Il me paraît aussi important d’établir une charte de la scolarité entre l’école et la famille : chaque année, les parents pourraient signer ce document lors d’un entretien.

Signer une jolie charte, bien évidemment ! Le syndrome du papelard ronflant a encore frappé !

On imagine tout de suite les parents, pénétrés de leur nouveau devoir à la suite de cette signature à la plume d’oie, sur vélin parcheminé et scellé à la cire rouge, s’assurer ensuite que le fruit de leurs entrailles s’adonne passionnément à son instruction pendant qu’ils se chargeront, fermes et droits, de son éducation. Fichtre, diantre, palsambleu, … ça sent la foutaise olympique.

Cette odeur est d’ailleurs confirmée dans la dernière ligne droite, où l’on apprend que l’idée même de chèque-éducation, qui permettrait pourtant de redonner une certaine latitude aux parents et aux établissements, est vivement repoussée par le bernique qui ressent à son égard le même réflexe terrorisé que lorsqu’une lame de couteau vient se glisser sous son pied pour le décrocher du caillou sur lequel il s’est fixé.

Le constat est sans appel : encore une fois, tant du côté droit que du côté gauche de nos socialistes enkystés sur les rochers républicains, rien n’a bougé en matière d’éducation. Ce sont les mêmes poncifs affolants, les mêmes phrases creuses et les mêmes méthodes pathologiquement foireuses qui nous sont proposées, encore et encore, pour tenter d’endiguer le raz-de-marée de médiocrité qui envahit l’Education Nationale.

Exactement comme l’Etat qui s’est éparpillé en missions diverses, aussi variées qu’inutiles, et qui s’est lamentablement planté pendant des décennies en creusant trous budgétaires sur déficits abyssaux, l’Education Nationale suit un chemin équivalent en se dispersant toujours un peu plus dans les verts pâturage du n’importe quoi dont le lien avec l’instruction de base est toujours plus ténu, produisant une armée de crétins analphabètes.

Armée d’êtres frustres dont une partie non négligeable percole lentement vers la classe politique, avec le résultat qu’on constate…

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Je ne peux que conseiller, parallèlement à ce billet, la lecture sur le même sujet, de celui de l’Hérétique et du Privilégié.
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