Addictions et prédispositions

La matinée scientifique de l’Institut de Recherches Scientifiques sur les Boissons (Ireb) consacrée à l’épigénétique permet de mieux comprendre, notamment à travers l’exemple du rapport à l’alcool, comment des évènements de vie précoces peuvent agir sur le biologique et la vulnérabilité aux addictions. Thierry Danel, psychiatre, addictologue et membre du comité scientifique de l’Ireb, fait part de ses observations cliniques au contact quotidien de patients alcoolo-dépendants. Il remarque la fréquence de certains contextes ou événements dans l’histoire personnelle des patients : parents addictifs, exposition précoce, voire in utero, rôle majeur du stress… « Tous ces phénomènes jouent dans le développement rapide d’une appétence puis d’une addiction, qu’il s’agisse d’alcool ou d’autres produits psychoactifs » souligne Thierry Danel. Il rappelle également que de nombreux malades vivent dans un état d’insécurité permanente : « Ce sont des personnes en alerte perpétuelle, présentant une difficulté à être au quotidien ». Laurence Lanfumey, directeur de recherche à l’Inserm et spécialiste de la physiopathologie de l’addiction, revient sur les mécanismes de l’épigénétique à partir d’exemples tirés de l’observation. Plusieurs mécanismes peuvent modifier la régulation de l’expression des gènes. L’alimentation en fait partie, comme l’illustre la différence entre l’abeille reine et les ouvrières qui sont alimentées différemment, ce qui donne lieu à une modification épigénétique spectaculaire (durée de vie, taille…). Autre facteur, les hormones de stress qui sont également susceptibles de modifications épigénétiques. « En matière d’appétence à l’alcool et d’addictions, les mécanismes sont observés dans les modèles animaux, par exemple lors de stress prénataux ou d’expositions précoces » explique Laurence Lanfumey.