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Les courbettes chinoises de Sarkozy

Publié le 05 novembre 2010 par Juan
Les courbettes chinoises de SarkozyA 13h30, Nicolas Sarkozy avait accouru, avec son épouse Carla, à l'aéroport d'Orly pour accueillir le président chinois Hu Jintao. La visite de trois jours est « très importante », s'était-il excusé le matin même. A la clé, quelques milliards d'euros de contrats commerciaux négociés de longue date et des discussions préparatoires aux prochains G20 et G8 organisés par la France. Des droits de l'homme, il ne fut pas question. Un peu plus tôt à Troyes, Sarkozy n'a pu s'empêcher, sur d'autres sujets plus contrôlés, de se comporter en maître d'école.
Faible devant les forts, fort avec les faibles, Nicolas Sarkozy reste fidèle à ce qu'il est.
A Troyes, Sarkozy donne des leçons...
Un peu plus tôt dans la matinée de jeudi, Sarkozy préféra l'hélicoptère pour se rendre à Nogent puis à Troyes, flanqué de Jean-Louis Borloo et François Baroin, deux ministres candidats à la succession de François Fillon, pour une visite placée sous les thèmes du « transport et du développement équilibré des territoires ». Sarko voulait se faire photographier, encore une fois, devant des ouvriers casqués. La veille, Fillon avait profité d'une remise de médaille pour implicitement mais publiquement se remettre dans la course à sa propre succession. Ce remaniement tant attendu n'en fini pas de provoquer jalousies et paralysie au coeur du pouvoir.
Pour ses visites de terrain, Sarkozy parle toujours devant un public contrôlé, trié, silencieux et attentif. Il aime alors distribuer compliment et réprimandes. Jeudi, il a ainsi rendu hommage à ses deux ministres présents, Borloo, « un artisan inlassable du Grenelle de l'environnement », et Baroin, « pour la qualité de son travail au Budget où il bénéficie de (sa) confiance totale ». Même Michel Mercier, ex-Modem débauché en juin 2009 pour s'occuper de l'aménagement du territoire et de l'espace rural, ministre complètement absent de l'actualité gouvernementale, a eu droit à son compliment.
A l'inverse, Guillaume Pépy, le patron de la SNCF présent à la table ronde organisée à Troyes, eut droit à une surprise de taille, une illustration minable du comportement sarkoyen. Sarkozy s'est fait applaudir en annonçant sans crier gare l'instauration d'un système de bonus/malus contre la SNCF. Le patron de la SNCF ne pouvait évidemment réagir. Le ton grave et sentencieux, le Monarque a lâché que la SNCF recevrait jusqu'à 2,5 millions d'euros par an, en plus des concours habituels de l'Etat, si les trains sont à l'heure et les passagers satisfaits. A l'inverse, la compagnie publique serait sanctionnée en cas de non atteinte de ces objectifs de qualité de service. « Si les trains sont en retard, si les passagers ne sont pas contents, et bien nous diminuerons la subvention accordée à la SNCF d'un même montant. C'est un engagement, c'est une décision ! »
La mesure est ... ridicule, et témoigne d'une conception archaïque du management. Priver la SNCF de moyens n'arrangera en rien la qualité de service. On n'oserait suggérer au Président d'appliquer la même règle à sa propre rémunération. Si la SNCF ne remplit pas correctement ses missions de service public, c'est plutôt aux usagers qu'elle doit quelques réparations.
Sarkozy a aussi critiqué les grévistes des ports de Marseille ou du Havre: « Je suis désolé de voir qu'Anvers est devenu le premier port français, parce qu'on a les problèmes qu'on sait. » N'imaginez pas Sarkozy rencontrer les grévistes ou leurs représentants... ce n'est pas son style. Sarkozy donne toujours ses leçons ... à distance. Faible devant les forts, fort avec les faibles... « nous ne pouvons pas laisser nos ports paralysés parce qu'une infime minorité ne comprend pas que les ports ne leur appartiennent pas. Qu'il y ait plus de containers en provenance de France qui soient débarqués sur le port d'Anvers que sur le port du Havre, est-ce que je serais digne de mes responsabilités en contemplant ce désastre et en ne faisant rien? » Sarkozy, justement, n'est donc pas digne de ses responsabilités puisqu'il n'a rien fait fait. « Ces dizaines et dizaines de bateaux en rade, avec des marins qui voulaient retrouver leurs familles, qui ne pouvaient pas décharger, ce n'est pas normal, ce n'est pas acceptable! » Et de conclure : « Je ne veux prendre à partie personne mais ça ne peut pas durer. »
A Troyes, Sarkozy a aussi rappelé les limites de son engagement écologiste : « Nous croyons au transport fluvial et au ferroutage, mais ne voulons pas détruire la route, à la différence d'autres. » La relance des construction d'autoroutes en 2009, à la faveur du plan de relance, est encore dans toutes les mémoires. Le cadrage des dépenses de l'Etat de 2011 à 2013 prévoit d'ailleurs une baisse du budget du ministère du développement durable de 5% dès l'an prochain. M. Pépy a cependant obtenu quelques subsides : Sarkozy a confirmé que l'Etat allait signer, à compter du 1er janvier 2011, une convention avec la SNCF pour sauver quarante lignes de trains inter-régionaux (Corail Intercités, Téoz) par ailleurs déficitaires. A vrai dire, c'est juste ... une mission de service public qu'on nous présente comme un effort hors normes...
Sur place, Sarkozy s'est très brièvement expliqué sur le faste réservé à son hôte chinois : « la Chine ne doit pas être vécue comme un risque mais comme une opportunité (...) C'est très important, c'est très lourd ce quis e prépare.» Il avait le ton grave, le visage sérieux, presque comprimé, comme pour illustrer l'importance de sa rencontre avec le président chinois. « Ce n'est pas en reprochant des choses aux gens qu'on fait avancer les dossiers ». 
Cette petite phrase aurait pu être une maxime de gouvernance...
Devant Hu Jintao, il se couche
Le 16 avril 2007, dans une réponse adressée au quotidien Le Monde sur la politique étrangère qu'il envisageait s'il était président, Nicolas Sarkozy répondait sur l'éventualité d'un embargo sur les ventes d'armes contre la Chine, à cause de ses violations des droits de l'homme. Le candidat eut cette réponse délicieuse :
« La levée de l'embargo est une décision collective, qui doit être prise par l'ensemble des partenaires européens. La Chine est un partenaire de première importance pour la France et l'Europe. Nos relations se sont beaucoup développées au cours des dernières années, et c'est une très bonne chose. Mais l'embargo sur les armes a une signification bien particulière, liée notamment à la situation des droits de l'homme dans ce pays. Dans ce domaine, la Chine peut encore faire des progrès. C'est à l'aune de cette question que nous devons continuer de discuter avec nos partenaires chinois.»
Jeudi 4 novembre 2010, vers 13h30, Nicolas et Carla attendaient sagement au pied de l'avion présidentiel chinois leur hôte Hu Jintao. Depuis deux jours, un décompte était publié sur le site de l'Elysée pour illustrer l'importance de la visite: « Le partenariat entre nos deux pays est global et il est stratégique. Global, parce qu'il recouvre tous les volets de notre relation ; stratégique, parce que la Chine est devenue un acteur absolument incontournable sur la scène internationale.» pouvait-on y lire. Aucune conférence de presse ne sera organisée. A Orly, quand Hu Jintao et Sarkozy défilèrent sur le tapis rouge dressé pour l'occasion, le président français était crispé. Puis le cortège officiel sillonna Paris, provoquant embouteillages et blocages pire qu'un jour de manifestation. Tout au long du parcours, les services chinois et français avaient trouvé de zélotes supporteurs chinois avec leurs petits drapeaux chinois à agiter au passage des voitures officielles. Pendant quelques instants, certaines rues de Paris ressemblaient à celles de Pyonyang, la foule en moins.
Depuis quelques jours, on nous faisait miroiter la signature de quelques contrats mirifiques pour des entreprises françaises. Leur montant, affirmait-on à l'Elysée, « sera de loin plus important que lors des précédentes visites des dirigeants européens à Pékin ou chinois à l’étranger ». Comme toujours, ces contrats étaient négociés de longue date. Il fallait attendre l'arrivée du président Hu Jintao en France pour que les entreprises, une à une, puissent confirmer leurs commandes. Le gros lot devait être la vente par Areva de deux EPR supplémentaires. Dans l'après-midi, Sarkozy et Jintao se sont enfermés dans l'Elysée pour 1h30 de « négociations » ,  les Chinois ayant réservé leur signature jusqu'à la dernière minute du périple de leur président-dictateur. En fait, quelques patrons étaient conviés et se succédés un à un pour signer leurs fameux contrats sous les yeux bienveillants de Sarkozy et Jintao. Quel interminable suspense !
Mais il y eut quelques ratés. Sans attendre l'issue de cette réunion, Alstom concédait avoir « remporté » un contrat de 50 millions d'euros pour la fourniture d'équipements destinés à un nouveau barrage hydroélectrique en Chine. La compagnie aérienne chinoise China Southern Airlines confirmait l'achat de 36 avions Airbus pour 3,78 milliards de dollars, et Alcatel-Lucent la vente pour 1,2 milliards d'euros de réseaux téléphoniques fixes ou mobiles.  Mais jeudi soir, on apprenait qu'Areva avait fini par fourguer pour 3,5 milliards de dollars de combustible nucléaire (20 000 tonnes d'uranium sur dix ans, pour l'essentiel prélevées en Afrique) et Total entre 3 et 3 milliards d'investissements dans des installations pétrochimiques. Et les EPR ? Les Chinois sont restés visiblement prudents sur cette coûteuse technologie franco-française qui n'est en service nulle part dans le monde.
La question des droits de l'homme ne devait surtout pas être évoquée, au grand dam de certaines associations telles Reporters Sans Frontières, et de quelques parlementaires de gauche comme de droite. Des contrats contre le silence. Robert Ménard, l'ex-patron de Reporters sans Frontières devenu éditorialiste, s'étranglait sur i-télé.
Jeudi 4 novembre, la Sarkofrance a été payée pour se taire.

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