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La guerre des coudes, symptôme d’un difficile vivre ensemble

Publié le 06 novembre 2010 par Pierre

La guerre des coudes, symptôme d’un difficile vivre ensembleJe voyage beaucoup, en train surtout. Et les accoudoirs me posent un problème. Moins en première classe, où le luxe suprême est d’avoir chacun le sien. Mais les moyens de la structure qui m’emploie me fait souvent voyager dans le monde des accoudoirs uniques et étroits. Or, quelques centimètres en moins peuvent suffire pour changer la donne des relations humaines. Contrairement au reste du siège, qui est à soi le temps du trajet, l’accoudoir est un espace mal défini, commun, à partager. Sans qu’aucune règle ne fixe la bonne manière. Nous sommes censés nous intégrer spontanément dans l’évidence d’un vivre-ensemble harmonieux. Hélas, l’harmonie est ici bien rare, et de partout éclatent de petites guerres des accoudoirs. Il faut dire que techniquement, la question n’est déjà pas commode à résoudre.

Deux coudes ne peuvent s’y tenir simultanément, qu’à la condition de s’appuyer sur l’arête, très inconfortable, ou bien, dans une danse improbable, en se positionnant vers l’avant quand on sent que l’autre va vers l’arrière ; et inversement. Mais cette difficulté technique n’est rien comparée à ce qui donne toute son ampleur au problème : la variété des attitudes humaines. Des années d’observations furtives (et d’expériences personnelles plus ou moins pénibles) me permettent de dresser une typologie en trois groupes.

Groupe 1 – Les gens raisonnables et respectueux ou les timides
Soit ils tentent un léger appui sur ce qu’ils considèrent comme leur moitié d’accoudoir, soit ils l’abandonnent complètement, se repliant sur eux-mêmes à l’intérieur du siège.

Groupe 2 – Les insouciants et négligents
Ils s’étalent sans considération pour leur voisin. Il suffit de tenter un discret mouvement de coude pour vérifier que l’autre appartient bien à ce groupe. Car alors, il se rétracte (bien qu’il faille souvent répéter l’opération par la suite). Hélas parfois, rien ne bouge. Vous avez affaire au groupe 3.

Groupe 3 – Les belliqueux.
Il se crispe sur le territoire envahi et vous répond coude à coude en alourdissant ses appuis. La guerre est déclarée ! Silencieusement et psychologiquement éprouvante. Parce que vous sentez dès le début qu’il a pris le dessus et que vous allez perdre la bataille.

Comment faire avec ce dernier groupe ? Pousser plus fort et s’épuiser vainement tout le voyage ? Ridicule ! S’expliquer franchement ? au risque de passer pour un râleur maniaque, un grincheux qui fait tout une affaire pour deux centimètres d’accoudoir. Je vous l’ai dit : la guerre est perdue d’avance.
L’accoudoir a beaucoup à nous apprendre et, il faut l’écouter. Il nous parle de notre société. Qui développe de plus en plus de tels types d’espaces informels partageables. Pour le bonheur d’un vivre-ensemble plus souple, loin de l’ancienne société rigide et réglementaire. Mais cette belle évolution peut être brisée par l’attitude envahissante et égoïste de quelques-uns. Il est donc politiquement essentiel de ne pas laisser faire les coudes qui dépassent.

Vincent W.

La guerre des coudes, symptôme d’un difficile vivre ensemble


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