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Le manuscrit retrouvé, 2

Publié le 07 novembre 2010 par Cetaitdemainorg

Notre peau a pris l'odeur des poussières cachées. Nos yeux n'éclairent plus nos gestes.

Toute cette vie sans la vie, plombée par les regrets immobiles. Toute cette mort sous nos semelles de voyageurs à petits pas. Dans le dépeçage des larmes. La litanie du temps qui passe et nous vole.

Mais le temps qui reste nous tient debout dans les retouches du poème. Un peu de joie nous accueille.

*

Tu me parles des neiges qui ont peuplé ton enfance. Des rumeurs de trains reviennent avec elles. Tu as toujours dix ans et le ciel trop blanc te laisse effarée au bord du chemin. Tu vois encore les rails quand tes soeurs n'ont jamais su les voir. Le mot neige même apporte en toi l'instant du train. Un voyage vers le nord qui n'en finit pas. Des yeux écarquillés sur l'horizon perdu. De la joie et de la peine dans le bourdonnement des essieux.

Insoutenable éternité.

*

Pressentir la chute d'une goutte d'eau. Ou d'un pétale du haut d'un vase. Tout ton corps rassemblé dans le vertige de cette attente. Pour tomber avec l'eau et la fleur. Un rituel, dis-tu, qui occupait déjà ton enfance. Tu voulais conjurer ce qui t'échappait dans le regard de ta mère, dans l'absence de ton père, dans la transparence de tes soeurs.

Aujourd'hui, le jeu n'est plus le même. Tes mots ont chassé les ombres des secrets. Ta mémoire s'allège un peu. Tu veux être en avance sur la goutte et le pétale. Dans la seconde avant la chute. Pour en être l'auteur.

*

Tes rêves, parfois, accompagnent le café et le lait du matin. Je les vois sortir de tes yeux, de ta peau, de ta langue. Ils pleurent comme ils ont toujours pleuré. Ombres incurables qui abolissent tes nuits. Le père mort et la mère morte. Leur visage défait puis refait. Leur nom dont tu t'étonnes encore qu'il soit aussi le tien.

Et ton corps prend soudain le mouvement de ce qui te tue. Le café et le lait s'évanouissent sur la table. Mes mains sont impuissantes dans ta chute. Infini vertige de la lenteur où nos mots se perdent jusqu'au soir.

J'ai aussi retrouvé le titre du recueil : Dans la seconde avant la chute. Mais il ne me plaît pas. 


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