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Sortie de crise: Austérité ou Investissement?

Publié le 07 novembre 2010 par Rhubarbare

Deux grandes interprétations du monde économique s’affrontent sur la question de comment sortir de la tenaille constituée par une faible croissance et un endettement public onéreux. D’un côté la famille “néolibérale” qui défend la réduction des déficits à tout prix dans l’espoir d’une meilleure allocation des fonds publics ainsi dégagés et d’une restauration de la confiance donc de la santé économique. De l’autre la famille “Keynésienne” qui défend au contraire l’investissement public immédiat (souvent appelé “stimulus” ces derniers temps) dans l’éducation, la recherche/développement et l’infrastructure afin de créer à la force du poignet les conditions de retour à la santé économique.

Ce débat n’est pas nouveau et la distinction faite ci-dessus ne s’applique pas de la même manière partout, notamment aux USA où le néoliberalisme n’empêche en rien les déficits publics énormes – mais ceci est en grande partie à la position très particulière du dollar, pivot incontournable de l’économie mondiale et qui permet à ce pays de vivre à crédit sans limite connue avant fermeture des robinets.

Le contrôle monétaire (monétarisme) tenté au début des années 80 par l’administration Reagan, basé sur la notion a priori irréprochable d’un équilibre des finances publiques au travers du contrôle de la monnaie, s’est soldée par un échec cuisant et depuis lors plus personne ne s’y est frotté dans les faits. Clinton n’a réussi à retrouver l’équilibre, temporairement, que grâce au boom économique de l’époque.

Nous vivons actuellement en Europe une période où les avocats de l’austérité dominent les organes de contrôle politique et où il est posé comme allant de soi qu’il faut fortement réduire les déficits, réduire le poids de la dette, bref “assainir” avant d’espérer repartir. Il va de soi que ces avocats sont eux-mêmes bien à l’abri des retombées de ce type de politique, mais plus généralement cette approche souffre de trois problèmes importants:

1) Elle a un effet négatif immédiat sur la demande interne, par baisse des revenus globaux de la population, augmentation du chômage et de la misère sociale,  baisse de la production interne et évidemment baisse des revenus fiscaux.

2) Elle met en péril la capacité de réponse future par perte de savoir-faire et d’infrastructure (moins d’éducation, moins de recherche, moins d’investissement etc…).

3) Elle est basée sur l’espoir que d’une part l’investissement futur des fonds “épargnés” grâce à l’austérité publique compenseront les points 1 et 2 ci-dessus, et d’autre part que des finances publiques assainies restaureront la confiance donc la consommation donc la croissance. Hors rien, dans l’histoire économique, ne démontre cet espoir comme étant fondé.

En face, les Keynesiens ne manquent pas de faire remarquer ces différents problèmes et proposent au contraire l’augmentation de l’investissement public dans les secteurs clés (toujours l’éducation, la R&D, la technologie, les infrastructure) quitte à augmenter encore le déficit et le poids de la dette, que l’on remboursera plus tard grâce à la bien meilleure performance économique rendue possible par cet investissement. Cette approche souffre d’au moins deux problèmes évidents:

1) Le coût de l’endettement (vu que les pays empruntent sur le marché monétaire, donc contre intérêt) devient très rapidement insupportable d’où le risque de tiers-mondialisation rapide (non-remboursement de la dette, incapacité à emprunter,  non paiement des salaires donc fonctionnement chaotique des institutions, vente aux enchères des actifs du pays, etc..). Voir la Grèce.

2) L’allocation des ressources n’est pas nécessairement efficace: le clientélisme politique, la prédation des élites corrompues, les bulles spéculatives et inflationnistes guettent et diminuent fortement l’impact positif de cette approche.

Les réponses varient de pays à pays, l’Angleterre étant actuellement dans une phase très austère, la France misant plutôt sur un mix d’austérité et de Grand Emprunt interne, une mesure plutôt keynesiènne.

Bien sur, le résultat de telle ou telle politique dans le contexte mondial dépends fortement de la capacité à exporter – donc à faire entrer plus de devises qu’il n’en sort (via l’importation). Le problème, qui me semble peu soulevé, est que tout le monde ne peut pas avoir une balance commerciale positive – tout le monde ne peut pas exporter plus qu’il n’importe, il faut bien que certains pays absorbent les exports des autres et se trouvent en situation de déficit commercial chronique. Tels la France et les USA aujourd’hui. Situation rendue encore pire avec le remplacement de pans entiers de l’industrie locale par l’importation – le cas en France avec les biens ménagers en général, les textiles, l’habillement et l’électronique de masse. De ceci on peut déduire qu’une manière de réduire son déficit commercial s’il s’avère impossible d’exporter plus est d’importer moins – autrement dit recréer les métiers et les industries nécessaires au bon fonctionnement du marché interne. Mais là on va à l’encontre de la pensée économique dominante, comme je le décrivais dans ce billet sur l’ESS. A lire également cet article de Stiglitz dans The Guardian et celui-ci de John Quiggin dans Foreign Policy paru en français sur Slate.

Il convient enfin de se poser la question de l’origine de “la crise” et pourquoi nous sommes sans cesse confrontés à cette situation de menace économique. In fine les économies interconnectées modernes sont soumises à la dictature du système financier dont le seul et unique objectif est la rentabilité financière à court terme, donc spéculative. Les subprimes et la crise financière qui en découla (et en découle toujours) en sont un exemple. 90% de la masse monétaire mondiale est spéculative.

Tant que l’économie mondiale (à défaut, les économies territoriales) ne mettra pas un filtre opaque entre la monnaie qui sert à faire “tourner la machine” via la production et l’achat de biens et de services, et la monnaie spéculative on ne sortira jamais de ce système infernal. 

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