Othello – William Shakespeare

Par Theoma


Traduction de François-Victor Hugo, of course.

« Le volé qui sourit dérobe quelque chose au voleur.

C'est se voler soi-même que dépenser une douleur inutile. »

Loin de moi la prétention de rédiger une analyse mais l'envie de donner envie de lire, de relire Shakespeare. On peut argumenter des heures durant sur les éléments qui déterminent le génie d'une oeuvre. A mon sens, traverser le temps sans heurts se place en tête de liste.

En relisant Othello, force est de constater, malgré l'emphase de certains passages, que six siècles n'ont en rien diminué la puissance de la pièce. Le suspense est diabolique, la fourbe araignée tisse sa toile maléfique, la jalousie est dévorante, la violence que subissent les femmes, leur soumission et leur sacrifice, insupportables.

Les presques envolées féministes servies par la voix d'Emilia sont contre balancées par l'acceptation de Desdémone de sa propre mort. Parce qu'il ne lui reste rien. Ni l'amour de son père, ni celui de l'homme pour qui elle a tout sacrifié.

Iago, froid et calculateur, est un génie de la manipulation. En parlant trop, il ne dit rien. Ses silences sont des litotes, aucun fait, que des allusions, le poison est distillé avec lenteur et délectation. Au fil des pages, Iago devient le symbole de la jalousie destructrice du Maure pour représenter au final les pires défauts de l'humanité dans son ensemble.

Et le Maure, l'homme que l'on aimerait baffer, secouer jusqu'à lui faire entendre raison, est privé de ses sens. Sans repères, il nous force à rester spectateurs, impuissants, face au drame final qui nous laisse hagards.

Yep. Je vous le dis, ça le fait grave. Rien qu'en y repensant, j'ai les poils du bras qui se hérissent.

Librio 2 euros, 91 pages, 2003

Extrait

« DESDÉMONA. - Moi je ne crois pas qu’il y ait des femmes pareilles.

EMILIA. - Si fait, une douzaine ! et plus encore, et tout autant qu’en pourrait tenir le monde servant d’enjeu. Mais je pense que c’est la faute de leurs maris si les femmes succombent. S’il arrive à ceux-ci de négliger leurs devoirs et de verser nos trésors dans quelque giron étranger, ou d’éclater en maussades jalousies et de nous soumettre à la contrainte, ou encore de nous frapper ou de réduire par dépit notre budget accoutumé, eh bien ! nous ne sommes pas sans fiel ; et, quelque vertu que nous ayons, nous avons de la rancune. Que les maris le sachent! leurs femmes ont des sens comme eux ; elles voient, elles sentent, elles ont un palais pour le doux comme pour l’aigre, ainsi que les maris.

Qu’est-ce donc qui les fait agir quand ils nous changent pour d’autres ? Est-ce le plaisir ? Je le crois. Est-ce l’entraînement de la passion ? Je le crois aussi. Est-ce l’erreur de la faiblesse ? Oui encore. Eh bien ! n’avons-nous pas des passions, des goûts de plaisir et des faiblesses, tout comme les hommes ? Alors qu’ils nous traitent bien ! Autrement, qu’ils sachent que leurs torts envers nous autorisent nos torts envers eux ! »

Par Theoma - Publié dans : C'est classique ! - Communauté : Classiques et chefs-d'oeuvre
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