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Les corps du dictateur, quand la République montre ses seins et courbe l’échine

Publié le 09 novembre 2010 par Vogelsong @Vogelsong

“Je ne passerai jamais sous silence les atteintes aux Droits de l’Homme au nom de nos intérêts économiques. Je défendrai les Droits de l’Homme partout où ils sont méconnus ou menacés et je les mettrai au service de la défense des droits des femmes” N. Sarkozy – Campagne présidentielle 2007

La République s’offre une montée des marches. Comme au festival, les soieries légères, les broderies et fanfreluches pigeonnantes lévitent sur les tapis épais du palais. La cour ! Non pas pour des valses, ou un quelconque dîner de charité du Gotha. Pour satisfaire Narcisse et donner le change à la plèbe. L’accueil du dictateur H. Jintao, empereur communiste de Chine, met l’oligarchie française sans dessus dessous. Le petit monde des dominants de la villa Montmorency en proie aux hyper dominants planétaires. À ce petit jeu de gala dictatorial sous les ors de la République et les flashes médiatiques blafards, la France, la démocratie, les femmes en sortent rapetissées, amenuisées. Broyées par une violence symbolique pudiquement rebaptisée “realpolitik”. La République montre ses seins, mais surtout courbe l’échine.

Bal des faux-culs

Les corps du dictateur, quand la République montre ses seins et courbe l’échineLa France prend la présidence du G20, pour l’adoubement, N. Sarkozy choisit H. Jintao, le dictateur chinois. L’occasion de mettre sous l’éteignoir les tracas dus à la flamme olympique, et de jeter un voile pudique sur les accointances “dalaïlamesque” de 2008. Comme se plait à le dire N. Sarkozy, il fait de la politique. Plutôt, de la realpolitik. En d’autres termes, il caresse le diable pour quémander un bien. Les turpitudes nécessaires qui garantissent les intérêts hexagonaux. La realpolitik, c’est aussi (et surtout) la réponse économique que l’on oppose aux droits humains. L’incontournable aveuglement pour sauver les emplois dans l’hexagone. En économie on ose tout. Le dominant simule le dominé. Le dominé fait comme si. Sauver les emplois en France en signant des contrats avec la Chine relève du drolatique ou du Sisyphien. La Chine a sacrifié une grande partie de sa demande intérieure de plus d’un milliard de consommateurs potentiels pour inonder le monde de produits divers et très compétitifs grâce à une main-d’œuvre bon marché. Les pays occidentaux ont opéré au nom de la globalisation un désarmement unilatéral. Un désarmement qui laisse des zones autrefois industrieuses aujourd’hui stériles et paupérisées. Aujourd’hui on prétexte sauver l’essentiel, alors que l’on n’a plus qu’à négocier l’accessoire.

Le président français tel un lilliputien parlant de son géant invité osera même : “Nous avons besoin d’une Chine qui tienne toute sa place dans la gouvernance du XXIe siècle”. Propos rapportés par Le Figaro qui laissent présager de l’atmosphère d’hypocrisie de ce type de rencontre. L’homme le plus puissant du monde invité par le nain économique qu’est la France invité à jouer un rôle dans le concert des nations. En diplomatie on ose tout.

Le corps diplomatique

L’oligarchie sarkozienne a aussi attifé ses représentantes pour un défilé. Devant un parterre de journalistes donnant du “oh” et du “ah” au passage de chaque carrosse ministériel. Tailleurs moulants, décolletés pigeonnants, fesses galbées dans des étoffes couteuses. Après que C. Lagarde en soierie ait pris une pose hollywoodienne, V. Hortefeux poitrine au vent joue de la lumière de sa chevelure de feu dans les focales. Y. Besson regard de braise balance ses épaules dénudées au bras de son mari au visage marmoréen. De deux choses l’une : soit on estime que la femme d’État assume son corps et l’exhibe dans sa version ELLE du féminisme. Soit on contemple atterré le spectacle des corps sublimés au service d’une cause abjecte. Des corps inutiles, dépositaires d’une politique d’État cautionnant la domination et la dictature. Car il n’y a pas d’intérêt supérieur à l’État qui oblige à participer à un tel spectacle, accueillir l’autocratie chinoise. Quoi que l’on dise, cette montée de marches festivalière fut un spectacle féminin. L’objet médiatique, quoi qu’en pensent nos libres penseurs, constitue un instant de double domination inouïe. Que beaucoup ne veulent pas voir. La domination d’un état sur un autre. Du plus puissant pays du monde, pratiquant le délit d’opinion, l’emprisonnement politique, la peine de mort. Et la sur-domination d’un sexe sur un autre. Des chefs d’État masculins en majorité imposent un défilé de potiches devant un citoyen médusé qui n’y voit que de la haute couture et du glamour. Cerise sur le gâteau, la presse s’en fait l’écho. Comme d’un épiphénomène, d’un moment enchanteur de la République, où les dignitaires festoient dans le luxe et le sérieux. Pour la grandeur du pays. Sans y lire ou tenter de décrypter les signes d’une décadence. Mais surtout quintessence des dominations.

En Chine on exhibe aussi les corps. Les exécutions par armes à feu sont publiques. Trois policiers accompagnent le détenu qui ne sait pas qu’il fait sa dernière marche. Deux gardiens lui tiennent les bras, le troisième lui loge une balle dans la nuque. Certaines fois des photographes sont là.

Vogelsong – 8 novembre 2010 – Paris


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