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Mon curé chez les Molex

Publié le 08 novembre 2010 par Hmoreigne

 Dura lex sed Molex. Alors que Benoît XVI en déplacement en Espagne veut réconcilier l’Europe et l’Eglise , le modeste curé de la paroisse de Villemur-sur-Tarn (Haute-Garonne) aimerait bien que ses ouailles puissent encore croire en un capitalisme à visage humain.

Ce week end, au cours de la messe dominicale organisée aux côtés de l’association Solidarité Molex, la communauté chrétienne locale et l’Action catholique ouvrière locale, le père Philippe Bachet a rendu hommage aux 283 anciens salariés de l’usine Molex et pourfendu la “financiarisation” de l’économie qui “démolit” les entreprises.

Quelques jours avant, le tribunal de commerce de Paris avait prononcé la liquidation judiciaire des activités françaises du groupe américain Molex marquant officiellement la fin de l’usine de Villemur-sur-Tarn alors que la maison-mère refuse de continuer à payer le plan social.

Les voies du seigneur sont impénétrables. Celles du capitalisme moderne également. La fin de Molex en Haute-Garonne marque la fin d’une belle aventure industrielle débutée en 1941 et qui après moults changements de propriétaires se termine dans les larmes sous l’étiquette Molex.

Le virage fatal aura été celui de 2004 quand la Snecma vend le site de Villemur-sur-Tarn, à l’équipementier américain Molex. Un premier plan social et un aller sans retour aux Enfers.

En 2008, sans grande originalité, les dirigeants reprennent le refrain du moment : “La hausse constante du prix des matières premières et l’érosion du prix de vente des produits ne permet plus à l’usine de gagner de nouveaux contrats“. Au même moment pourtant, le groupe affiche un bénéfice net de 1,2 million d’euros. Quelques mois plus tôt, avant que ne soit évoquée la délocalisation, les salariés avaient même eu droit aux félicitations de la direction pour la qualité de leurs produits et leurs bons résultats.

Las, moralité et capitalisme ne font plus bon ménage. L’appât du gain conduit les financiers à chercher la culbute par une technique basée sur le pillage des technologies et du savoir faire accumulé et la recherche de main d’œuvre moins onéreuse. La suite, on la connaît. Onze mois de lutte “virile” pour le maintien des 283 emplois.

En novembre 2008, l’ensemble de la ville de Villemur-sur-Tarn se mobilise derrière les Molex. Une manifestation regroupe plus de 3 000 participants sur 5 000 habitants. En septembre dernier, les salariés engagent une action devant les prud’hommes pour faire reclasser les licenciements économiques en licenciements abusifs et réclamer 25 millions d’euros. Le retour de bâton est immédiat. Le groupe américain arrête de financer le plan social de l’usine, alors que les représentants du personnel n’ont pas encore touché leurs indemnités et que le plan de reclassement n’est pas achevé.

De son côté, le groupe Molex “rappelle que le coût par employé du plan de sauvegarde de l’emploi est en moyenne de 100.000 euros par salarié. Or, l’action de 188 anciens salariés de la société Molex Automotive SARL devant le Conseil de prud’hommes de Toulouse visant notamment à obtenir une indemnité exorbitante équivalent à cinq ans de salaire, en plus des sommes octroyées au titre du plan social, démontre que l’attitude conciliante de Molex n’est suivie d’aucun effet“.

Dans ce marigot, les Molex trouvent depuis le début du conflit dans le curé de la paroisse un soutien sans faille. Le père Philippe Bachet justifie son engagement par “la doctrine sociale de l’Église, toute la doctrine, rien que la doctrine… “.”On dit que je suis proche des partis de gauche. Moi, je ne suis ni politique, ni syndicaliste ; mon combat est évangélique. Disons que j’assure un service social catholique ” confesse l’écclésiastique membre de l’odre des Capucins.

La Vie relate les faits d’armes du prêtre. “Dès le début du conflit, en octobre, le père Bachet assure les salariés de son soutien, n’hésitant pas à dénoncer publiquement le comportement « immoral » des dirigeants de l’entreprise. Quelques semaines plus tard, lors d’une journée Ville morte, il fait sonner le glas et invite ses paroissiens à faire œuvre de solidarité. À la veille de Noël, il fait circuler un document intitulé Pourquoi l’Église catholique de Villemur soutient Molex ? dans lequel il fait référence à l’encyclique Sollicitudo rei socialis, de Jean Paul II (1987) et à un document rédigé par la commission sociale des évêques de France en 2005. (…) Fin mars, le père Bachet organise, au profit des salariés de Molex, un concert Orgue et danse dans une église archicomble. Plusieurs centaines de personnes y assistent, militants syndicaux en tête“.

Patrick Frégolent, président de Solidarité Molex, apprécie cet homme sincère. “Le père Bachet nous a toujours soutenu dans notre combat. Il vient souvent voir les gars, interroge, réconforte. Il jouit donc d’une grande estime chez les salariés. Moi je ne suis pas fidèle mais le curé, lui, l’est à notre cause. Alors oui, nous irons dimanche à l’église“. Promesse tenue. Une quarantaine d’anciens étaient présents au milieu des fidèles pour assister à la cérémonie religieuse. Sans regret d’ailleurs. Guy Pavan, ancien délégué CGT de Molex confiait à la sortie de l’office que “le sermon était excellent“.

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