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Sarkozy n'est pas sorti de sa crise.

Publié le 09 novembre 2010 par Letombe

Sarkozy n'est pas sorti de sa crise.

Une cote de popularité très basse, des proches divisés dans l'attente du remaniement gouvernemental, une relance de la guerre des droites par Dominique de Villepin, une affaire Bettencourt qui repart, un secrétaire général de l'Elysée qui porte plainte contre un site d'informattion, et des députés UMP troublés par un budget 2011 qui dévoile ses hypothèses... la Sarkofrance est-elle en crise ? Nicolas Sarkozy, lui, se rend ce mardi sur la tombe du Général de Gaulle, pour le quarantième anniversaire de sa mort. Un hommage-boomerang d'un Monarque contesté à l'homme du 18 juin.
Polémiques...
La semaine dernière, devant quelques députés UMP, Sarkozy avait ainsi commenté son impopularité : « J'ai un super job, une superbe femme, alors évidemment les Français me le font payer ! » Le chef de Sarkofrance n'a visiblement pas compris. Le 24 novembre prochain, il recevra les députés UMP. Cette réunion, prévue le 17, a été repoussée. On murmure donc qu'il doit enfin le nom de l'heureux élu, celui de son nouveau premier collaborateur dès cette date. Fillon ou Borloo ? Le premier a remonté la pente pour sa propre reconduction à la tête du gouvernement, le second semble disqualifié. Cette séquence de type radio-crochet pour remanier l'équipe d'exécutants du gouvernement n'intéresse plus grand monde. Mais la campagne de 2012 se prépare. A Montreux, en Suisse, lors d'un sommet de la Francophonie il y a 15 jours, Nicolas Sarkozy aurait démarré ses appels aux dons pour sa campagne en 2012. C'est du moins ce que soupçonnent certains journalistes africains. La Françafrique a toujours beaucoup donné, notamment dans les Hauts-de-Seine. Cette fois-ci, il s'agira de remotiver les troupes autour du chef.
Il y a de quoi faire. Crier à la persécution est une première tactique, déjà usitée, sans succès. Le weekend dernier, le secrétaire général de l'Elysée Claude Guéant a fustigé Mediapart, et annoncé le dépôt d'une plainte à propos des accusations du Canard Enchaîné (?) mais relayées par le site d'informations, de l'existence d'un cabinet noir traquant les journalistes trop curieux. Une plainte sans intérêt puisque les actes de la DCRI seront couverts - parions-le - par le secret défense. L'affaire Bettencourt, justement, suit son cours, grâce à la presse.
L'ancien chauffeur de Liliane Bettencourt, cité par Mediapart, a accusé Nicolas Sarkozy d'avoir reçu un financement politique illégal de son ancienne patronne pendant sa campagne de 2007. Le témoignage est indirect. L'ancien chauffeur rapporte les propos de l'ancienne gouvernante du couple Bettencourt, Nicole Berger, décédée au mois de septembre 2008, et dont il était très proche. Les deux s'appelaient chaque dimanche, de 2004 à 2008 : «Lors d'une conversation téléphonique, (...) elle m'a dit que M. Sarkozy était venu chercher de l'argent chez M. et Mme Bettencourt (...) C'était juste en pleine campagne électorale», a-t-il déclaré : «Pour qu'elle me dise que M. Sarkozy était venu certainement pour demander une aide, c'est que quelqu'un lui a dit, mais pas dans le personnel, plutôt Monsieur ou Madame.» Et il a précisé : «C'était fin 2006 ou début 2007, je ne sais pas (...) Vous savez, c'est difficile de se rappeler car on se téléphonait tous les dimanches, elle m'a dit ça un dimanche après-midi quand je l'ai appelée, mais je situerais plutôt ça plus début 2007. (...) Ça se situe pendant la campagne électorale.» A l'Elysée, on dément, évidemment.
Autre affaire, plus politique cette fois. La charge de Dominique de Villepin contre Nicolas Sarkozy n'en finit pas de semer le trouble. L'ancien premier ministre a sorti un livre, la semaine dernière, « l'esprit de cour ». Puis dimanche dernier, il a lâché cette phrase : « Je dis que Nicolas Sarkozy est aujourd'hui un des problèmes de la France, et parmi les principaux problèmes qu'il faut régler. Il est temps que cette parenthèse politique que nous vivons depuis 2007 soit refermée. » La réponse de Nicolas Sarkozy, par proches interposés, n'a pas tardé : Frédéric Lefebvre a dénoncé « des propos outranciers. » Copé s'est déclaré très choqué. Même Bruno Le Maire, ancien directeur de cabinet de Villepin en 2005-2007, actuel ministre de l'agriculture, et qui espère, nouveau livre de réflexions politico-personnelles à l'appui, se maintenir en poste après le prochain remaniement, a critiqué son ancien mentor : « Ce sont des propos qui sont outrageants à l'égard du président de la République. » George Tron, autre ex-villepiniste passé secrétaire d'Etat il y a 9 mois à la Fonction Publique a regretté: « Il coupe les ponts avec tout le monde, et avec les plus proches d'entre nous. »
Lundi soir, sur CANAL+, Villepin poursuit, malgré les critiques : « l'esprit de cour a pris une importance folle.» Il avait très certainement raison.
... et inquiétudes
Pendant ce temps, l'examen du budget de l'Etat pour 2011 se poursuit cette semaine à l'Assemblée. A lire les débats, on découvre tous les jours, à chaque séance, le trouble qui parcourt le camp UMP.Les députés critiquent
Ainsi le député Marc Laffineur, UMP, s'est-il interrogé vendredi 5 novembre sur l'une des conséquences de la réforme de la taxe professionnelle : la taxe d'habitation, hier gérée par les départements, a été transférée aux communes. Or les abattements fiscaux ne sont parfois pas les mêmes qu'au niveau départemental. En d'autres termes, comment gérer la péréquation fiscale qui existait auparavant entre communes riches et communes moins riches ? « La valeur locative moyenne du département ne correspond pas forcément à la valeur locative moyenne des communes ou des OPCI.» expliqua-t-il. Réponse d'Alain Marleix, le discret secrétaire d'Etat aux collectivités locales: il veillera à neutraliser d'éventuels écarts.
Jeudi 4 novembre, le budget de la Défense était évalué. Les échanges parlementaires semblent ubuesques : tour à tour, les intervenants UMP se sont succédés à la tribune pour louer le projet de budget, tout en délivrant ici ou là quelques piques désastreuses. Ainsi, Louis Giscard d'Estaing (UMP), a noté que la réintégration de la France au sein du commandement militaire intégré de l'OTAN coûterait 60 millions d'euros en 2011 puis 100 millions d'euros par an par la suite. L'exploitation de la nouvelle base français aux Emirats Arabes Unis représente un autre surcoût de 75 millions d'euros par an. Ces deux dépenses étaient imprévues. Voici donc deux dépenses, pour 175 millions d'euros, engagées par Nicolas Sarkozy sans budget alors qu'elles pouvaient parfaitement être anticipées. Mais Sarkozy en décida autrement, au grand dam des finances publiques.
Autre critique à peine voilée, le même Louis Giscard d'Estaing souligna l'ampleur des recettes exceptionnelles inscrites au budget de la Défense, 2,3 milliards d'euros sur la période 2011-2013, dont 850 millions d'euros l'an prochain (cession de fréquences hertziennes à des opérateurs de téléphonie mobile, cession d’usufruit de satellites militaires et cessions de biens immobiliers). Or, notait le député, le précédent programme de cession immobilières baptisé Vauban a été un fiasco complet  : la vente des immeubles parisiens de la Défense en prévision du regroupement des installations dans le quartier de Balard n'a généré de 100 millions d'euros de recettes, contre 700 attendues. En 2010, quelque 1,16 milliards d'euros de recettes exceptionnelles, sur un total prévu de 1,7 milliard, n'ont pas été réalisées. Et voici le gouvernement qui reconduit ses prévisions farfelues !
L'un de ses collègues releva ensuite le fiasco du nouveau système informatique de gestion comptable dénommé Chorus, dont les déboires coûtèrent à l'Etat quelques 30 millions d'euros d'intérêts de retard aux fournisseurs.
Un troisième, Guy Tessier, pourtant président de la commission de Défense à l'Assemblée, précisa, au détour d'une phrase, combien nos soldats étaient démoralisés : « Le taux de fidélisation est tombé très bas : 35 % seulement des engagés volontaires signent un deuxième contrat ; c’est un symptôme qu’il faut souligner. » Bernard Cazeneuve s'est interrogé sur le projet de Pentagone à la Française, à Balard dans le XVème arrondissement de Paris, prévu ... en zone inondable (sic !), ce qui génère un surcoût budgété à ... 300 millions d'euros ! « Les sujétions en termes de construction sont donc particulièrement contraignantes, à tel point que la somme de 600 millions d’euros initialement envisagée a été réévaluée à hauteur de 900 millions d’euros. Cet abondement de 300 millions d’euros – sur une enveloppe initiale de 600 millions d’euros, ce n’est pas l’épaisseur du trait – serait dicté par la prise en compte par l’investisseur des contraintes liées au caractère inondable du terrain et notamment à la nécessité d’installer des équipements informatiques dans de bonnes conditions. » Enfin, le même député a demandé au ministre Hervé Morin de chiffrer, ce qui n'était pas fait, le surcoût occasionné par la réforme des retraites à son ministère, « qui fera passer de quinze à dix-sept ans la durée de cotisations à partir de laquelle on a la possibilité d’accéder à la retraite. »
Pour parvenir à 3,5 milliards d'économies d'ici 2013, la Défense table sur sa refonte de la carte militaire, et le regroupement des unités en des « bases de défense » (une soixantaine prévues l'an prochain). En fait, le budget prévoit une réduction des effectifs et des dépenses de fonctionnement, au profit du réarmement, notamment nucléaire : 21% des crédits d'équipement seront l'an prochain consacrés à la dissuasion nucléaire.
Sur l'Afghanistan, il n'y avait pourtant que la gauche pour critiquer la poursuite de l'intervention française. cette dernière coûtera environ 300 millions d'euros l'an prochain, la moitié du budget consacrée aux opérations extérieures; 100 000 euros par soldat et par an.
Le 24 novembre, donc, Nicolas Sarkozy aura fort à faire pour rassurer ses députés-godillots. Mais cette semaine, il pense à autre chose : son actualité internationale est toujours « chargée ». Mercredi, il recevra le président du comité de soutien à Aung San Suu Kyi, la dissidente birmane emprisonnée depuis 11 ans. Et vendredi, il file à Séoul, en Corée du Sud, pour son G20 tant attendu.
Si Aung San Suu Kyi avait été chinoise, Nicolas Sarkozy n'aurait rien dit, rien fait.

Sarkofrance


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