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Il me faudrait inventer des mots. Des mots pour aller jusqu'au fond de mes pensées. Des mots légers, réservés et sages. Des mots timorés, un peu comme toi...
Il me faut les inventer parce que j'ai souvent l'impression qu'ils me manquent, le matin lorsque je te vois et que je reste coi, le soir lorsque je veux les écrire et que je ne les trouve pas.
Évidemment, il y a cette lacune que j'ai laissée grandir d'année en année, tous ces mots que je n'ai pu apprivoiser, comme des nuages impossibles à saisir. Comme l'amour, difficile à cerner...
Mais je crois que ce qui me manque le plus, ce sont ces mots qui n'existent pas, ces mots trop petits pour être inventés ou trop passionnés pour n'être qu'enchaînements indolents de lettres en minuscule.
Ce sont bien ces mots, ceux qui ne s'écrivent pas, ceux qui ne s'épèlent pas, ceux qui ne se disent pas qu'il me faudrait inventer.
Depuis quelques jours, la pluie semble ne plus vouloir nous quitter. Elle assombrit nos journées et nous oblige à sortir avec nos parapluies. D'en haut, nous ressemblons à des champignons vagabonds.
Tu n'es pas encore rentré et moi, je vais bientôt devoir partir travailler. Ce soir, je devrai me contenter du souvenir de ton sourire...
Je crois que je viens juste d'inventer un mot. Il m'est venu comme ça, en pensant à toi. Il est beau. Il est surtout doux. Mais il ne s'écrit pas. Encore trop délicat. Et si plus tard dans la nuit, tu m'appelles, j'essaierai de te le chuchoter. Peut-être qu'en chuchotant, il se laissera caresser...