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Les salles de shoot

Publié le 11 novembre 2010 par Yann Frat / Un Infirmier Dans La Ville

Pour ceux qui vivraient dans une grotte (spycho?) je rappelle les faits : Certains politiques ont pensé ouvrir des salles de shoot dans les villes c'est à dire des salles propres tenues par des soignants  où les toxicos (notamment les sdf, les autres le font chez eux...) pourraient venir se faire leur dose au calme et au propre pour éviter de faire ça dans la rue. (clic pour infos)

Évidemment le sujet de la drogue et de la dépendance est un sujet ultra complexe (et je suppose que vous ne m'aviez pas attendu pour le savoir...) cependant il y a dans ce débat un argument que je ne supporte plus (en tant que personne d'abord, en tant que soignant ensuite), c'est celui de "l'incitation" et par là celui de la "protection des mineurs".

En effet je trouve cet argument vraiment de plus en plus insupportable d'autant plus qu'il justifie tout et n'importe quoi des qu'il s'agit de faire un peu bouger les lignes en dehors du dogme "travail, famille, patrie / vaches, cochons et couvées" (le pacs était une "incitation" à l'homosexualité je vous le rappelle, l'éducation sexuelle dans les écoles une incitation à la débauche, tout débat sur les drogues mort dans l'oeuf pour ne pas "inciter", idem pour le suicide "ne pas en parler pour ne pas inciter" etc...).

En clair si on suit la logique de "l'incitation" : l'enfant de base (le wunder kinder?) vit dans un monde blanc bleu ou des lapinous roses se sourient et il va se mettre à se droguer, se suicider, forniquer et faire des tournantes juste parce qu'il en a entendu parler à l'ecole ou à la télé.... Et oui, il faut le savoir, l'enfant est idiot et se met à se nuire gravement juste parce qu'on lui suggere de le faire... Ou parce qu'il a vu un film, lu un livre bien sûr (qui se souvient qu'on a soupsonné "matrix" d'être à l'origine du massacre de colombine parce que ces garçon avaient des manteaux en cuir long (!!) ; Et Goethe (oui, oui LE Goethe!!) d'avoir déclenché des suicides avec son "werther"...)... Franchement je trouve ça un peu délirant... Toutes ces conduites d'autodestruction étant evidemment le signe d'un mal être profond (les personnes en bonne santé, biens dans leur vie, claires dans leur tête se suicident et se droguent assez peu il me semble); pire il fait je pense la plus grosse bétise qui soit : responsabiliser le produit et tout centrer sur lui alors que logiquement dans une conduite d'autodestruction le produit n'est qu'un indice et jamais un moteur... Cette logique facile a d'ailleur un double effet kiss cool terrible avec les addictifs parce qu'il leur donne aussi un bon argument pour se déresponsabiliser (c'est pas moi c'est la société; c'est pas moi c'ets le produit), là ou la reconnaissance de son mal être est le seul vrai premier pas vers la prise en charge.

Pour revenir plus précisément sur le sujet de départ  je ne pense donc sincèrement pas que quoique ce soit puisse "inciter" quelqu'un à se planter une aiguille dans le bras... Et surtout pas une salle (même propre) où les gens vont se shooter à la chaine encadré par des soignants.

D'autre part, en tant que soignant et en tant que citoyen, je suis un peu fatigué de la morale "des bons pères de famille" qui place les parents et les enfants au centre d'une morale incontournable... Penser la prévention santé à l'aune de ce chacun ferait en tant que père de famille me parait vaguement oiseux ; s'opposer ensuite à toute tentative de prévention au nom de la protection d'une "jeunesse idéale" (les scouts qui courrent dans les bois et les jeunes frauleïne qui font des bouquets de fleurs des champs) qui n'existe pas... encore plus! Surtout quand on a cerné la culpabilité énorme contre laquelle luttent nombre de parents ("faites ce que vous voulez mais ne me dites pas que c'est ma faute, ne me dites pas que moi j'ai pu rater quelque chose"), là justement où se dire qu'on est humain et qu'on fait tous des erreurs et que malgré sa bonne volonté on n'a pas vu certaines choses peut tout changer... en commençant d'abord par reconnaitre vraiment le problème.

En conclusion et puisque la rétorique "famille" semble désespérément la plus adaptée médiatiquement j'aimerais recentrer la question sur les salles de shoot. En effet ces salles ne sont pas faites pour découvrir la drogue mais elles s'adressent à ceux qui la consomme déjà et qui sont déjà pas mal cabossé... Alors, mesdames les "mères de famille" et messieur "les bons pères de famille" la question que pose ces salles n'est donc pas "souhaitez vous que vos enfants se droguent?" parce que ça la réponse est simple: non evidemment que non. Par contre "si votre enfant se drogue (parce que oui ça arrive partout malheureusement) préférez-vous qu'il le fasse dans une rue sombre entre deux poubelles (ou dans une pissotière...) ou bien que l'état organise des salles ou il bénéficiera d'un minimum de surveillance?"

Voila pour moi la seule vraie question que posent ces salles... Et je laisse à chacun le loisir d'y répondre...

Ps : Quand je parle des "pères et mères de famille" je ne généralise pas evidemment, je parle juste d'un état d'esprit et pas vraiment de personnes physiques, vous aurez compris evidemment...


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