En ce moment, c'est le festival des couilles à Dakar. On ne peut pas faire trois pas sans en voir une paire qui se balance, souveraine, majestueuse, entre les pattes de son propriétaire. Il y a une espèce de certitude, d'inéluctabilité dans la chute verticale de ces immenses balloches qui semblent peser le poids d'un cheval mort dans des bourses qui pourraient servir de parachute à Nils Holgersson. Elles sont là, s'imposant au premier plan du décor de la rue dakaroise, elles ont une présence scénique innée, elles attirent le regard comme un puits gravitationnel de masculinité débridée. Enfin, si ça veut dire quelque chose.
Quelque part, c'est un peu perturbant. A côté de ça, bon, ce ne sont que des couilles de mouton, quoi. Mais quand même, de sacrée grosses couilles.
Tout ça parce que la Tabaski approche. La Tabaski, c'est l'Aïd sénégalais, la célébration de l'unique geste approchant vaguement la bonté auquel s'est livré le dieu de l'ancien testament, quand il a dit à Abraham qu'en fait, c'était une blague, il voulait pas vraiment qu'il tue son môme, un mouton innocent suffirait, j'ai vu que t'étais un sacré couillon, maintenant arrête les conneries, et du coup, maintenant, des millions de personnes s'endettent pour longtemps pour pouvoir avoir un mouton à sacrifier, de préférence un beau bélier avec des belles grosses couilles qui tombent, comme ça, BLAM BLAM, de part et d'autre de l'axe de symétrie marqué par le trou de balle.
C'est un peu triste pour les moutons. D'autant qu'ils sont mangés de suite, et qu'en général, c'est pas super bon. Je suis sûr que le gamin a meilleur goût, même s'il a de plus petites couilles. Enfin, en règle générale. Je me base surtout sur mon cas, je n'ai pas observé beaucoup d'autres couilles que les miennes.
Je ne sais pas si dieu a choisi un bélier comme substitut à Isaac pour la taille impressionnante de ses couilles. Je ne sais pas si Isaac avait d'aussi grosses couilles qu'un bélier. J'espère pour lui que non. Avoir ses machins qui vous pendent jusqu'aux genoux, ça doit être handicapant, quand on est un môme un peu vif qui aime courir partout, à une époque où les slips devaient pas être très répandus, et dans des coins qui devaient être pleins de cactus et d'épineux. Peut-être dieu était-il jaloux de la dimension biblique des couilles des béliers ? Parce que bon, hein, il a fait l'homme à son image, avec des petites couilles, de la taille de grosses noisettes, et il a pas fait gaffe qu'il en avait donné au mouton des grosses comme des poires, et il s'est vengé comme il pouvait, de manière pas très classe.
Ou alors c'est Abraham qui a choisi la bestiole qu'allait remplacer son fils ? Je ne me souviens plus trop. Dans ce cas, la jalousie est une option tout à fait cohérente. Un dieu n'est sans doute pas mesquin sur le sujet des couilles. Puis franchement, il les a bien faites, hein, justement, pile de la bonne taille pour remplir un slip sans risquer de trop se les coincer sous l'élastique, ce qui n'est pas très agréable.
Enfin bon, tout ça pour dire qu'il y a plein de moutons en ce moment.
Plein partout, même là où on ne les attendrait pas forcément. Et où on peut pas voir leurs couilles, mais où elles doivent être un peu serrées.