Les énergies renouvelables connaissent un véritable boom en Europe et dans le reste du monde. La France reste à la traîne par rapport à de nombreux pays voisins. Le Grenelle de l'Environnement n'a, à cet égard, pas eu l'effet multiplicateur espéré. On peut s'interroger sur les causes de cette lenteur de notre pays à prendre des voies qui sont, de toute évidence, celles de l'avenir. Le pétrole et l'uranium sont des ressources en voie de disparition. Comment développer les énergies renouvelables en France? Quels obstacles faut-il dépasser?
Le premier frein s'appelle le nucléaire. Son poids dans la production électrique, l'importance stratégiques des entreprises de ce secteur, le faible coût auprès du consommateur donne à l'électricité nucléaire une importance qui occulte le développement d'autres énergies.
Mais l'obstacle principal se situe plutôt dans la mauvaise image des énergies renouvelables auprès des français. Faisons un tour de table des représentations négatives sur ces énergies.
Le principal argument des détracteurs de ces énergies est le suivant : ces énergies, soumises à la météorologie, sont intermittentes. Elles ont donc besoin, en complément, de centrales à gaz qui vont compenser les creux de production dû à l'absence de soleil ou de vent. Les coûts et les dégagements de gaz carbonique sont importants.
Cet argumentaire ne résiste pas à l'analyse pour deux raisons :
-d'abord l'interconnexion des réseaux électriques européens rend ce problème facilement surmontable car les creux éventuels pourront être compensés par des régions en excédent. Le mistral méditerranéen, les passages de dépression sur l'Irlande ou sur le golfe de Gascogne se compléteront pour constituer une offre stable.
-le développement de l'éolien et du solaire va se faire en parallèle au développement d'une offre de stockage électrique en plein essor. Deux exemples : la voiture électrique va constituer par l'intermédiaire de ses batteries un moyen de stockage; l'installation de système hydraulique de pompage-turbinage va permettre de gérer les à-coups de production.
Le système de production et de distribution électrique sera complètement différent de celui que nous connaissons: il était centralisé, nous allons vers des réseaux décentralisés disposant d'outils de régulation démultipliés autour des smart grid, les réseaux de distribution électrique "intelligents". Le problème de l'intermittence sera donc résolu.
A ce propos, un autre argument est utilisé : le pompage turbinage ne pourra pas se développer car le potentiel hydroélectrique a déjà été épuisé, tous les sites étant équipés. Cet argument provient d'une vision fausse du pompage-turbinage que l'on imagine comme un décalque de barrages qui utilise l'eau accumulé pendant une saison entière. Un bassin de stockage pour le pompage-turbinage n'a besoin que d'un potentiel de quelques jours. Ce qui autorise la mise en place de ce système dans de nombreux sites.
Une autre catégorie d'arguments provient du manque de puissance de ces outils censés ne pouvoir répondre à la demande. On insiste aussi sur le coût de les équipements éoliens ou solaires rendant le kilowatt bien plus élevé que pour le nucléaire. Prétendre que le renouvelable coûte cher et produit peu relève d'une vision à courte vue, qui oublie les formidables progrès technologiques en cours. Avec ce type de raisonnement, on a pu, à la fin du XIXéme siècle, condamner l'automobile chère, bruyante et lente face au train à vapeur beaucoup plus rapide et confortable à l'époque. De toute évidence pourtant, l'électricité produite avec du gaz et de l'uranium va coûter de plus en plus cher (sans compter le retraitement des déchets ou la pollution généralement sous-estimés) alors que le développement des renouvelables va faire baisser leurs coûts. Le développement prévisible des productions électriques par biomasse ou énergies marines va venir compléter l'offre. Le petit éolien et le solaire vont accroître le nombre de producteurs consommateurs, accélérant le phénomène.
Enfin, les arguments autour de la comparaison du coût de revient du kilowatt oublient un facteur crucial : les centrales nucléaires ou au gaz fonctionnent avec très peu de personnels, le kilowatt produit avec du renouvelable intègre, au contraire, une proportion de coûts salariaux plus important. La maintenance des éoliennes, l'installation de panneaux solaires, des systèmes électriques décentralisés demandent du personnel. Cela contribue à développer l'emploi bien davantage que de grandes centrales.
Enfin, une dernière catégorie d'arguments concernent la destruction des paysages et des biotopes. C'est autour de ceux-ci que se concentrent le mouvement anti-éolien particulièrement puissant en France. Si on peut entendre leurs explications, on peut n'être qu'étonné par leur virulence si on la compare à la faible résistance qu'on rencontré l'installation d'autres équipements ou aménagements bien plus destructeurs.
Le développement de zones commerciales ("la France moche") n'a pas entraîné de mobilisation. L'installation de plus de 100000 poteaux de lignes à hautes tensions, laids et destructreurs pour les oiseaux n'a pas rencontré d'opposition. Les dégâts qu'occasionneraient les éoliennes aux oiseaux et chauves-souris sont-ils de même ampleur que la destruction des bocages et haies? On aurait aimé que les résistants anti-éoliens se mobilisent avec autant de vigueur pour ces causes aussi honorables.
Une autre représentation courante concerne le "bruit" des éoliennes. Il faut relativiser cette nuisance, d'autant plus que celle-ci est surtout dûe aux mouvements de la nacelle dans les rafales et saut de vent. Elle est souvent à peine supérieur à celle du vent. Elle est plus faible pour les éoliennes à axe verticale.
En conclusion, on a oublié le scepticisme qu'ont rencontré, en leur temps, d'autres progrès technologiques : dans les années 1850, les premiers "chevaux de fer" étaient bruyants et sales, les gazettes raillaient sur cet instrument perçu comme bien inférieur aux bonnes vieilles diligences. Nos descendants percevront sans doute de la même façon les résistances inutiles de nos contemporains.
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