Magazine Poésie

Le raccord

Par Arielle

Je crie à la naissance, je hurle comme tous les bébés. Mais que m’ont-ils fait ? Ah oui, je me souviens, ils ont coupé le cordon que je serrais si fort. Je ne voulais pas affronter le monde sans filet, j’espérais qu’on me tiendrait la main pour faire mes premiers pas. D’ailleurs, ils auraient mieux fait de ne pas me lâcher : à chaque fois que j’allais à l’école, je tombais sur les genoux. J’ai su, adulte et lors d’un examen pour l’arthrose, que j’avais une malformation de naissance. Ah, la belle histoire ! On a toujours cru que je faisais du cinéma, que mes malaises, maux de ventre et chutes n’étaient que prétextes pour rester à la maison. C’est vrai que j’avais ma bande de copains et je m’amusais bien. Ah ! Pour faire des bêtises, j’étais très en forme, ah ça oui !

Les premiers sous que j’ai dépensé toute seule, pour me faire plaisir, c’était pour les parties de flipper au bistrot du coin. C’était un café bimbeloterie où bonbons et fantaisies auraient pu me tenter mais non, je préférais investir pour gagner des parties gratuites.

D’ordinaire, je passais mes vacances avec mes parents mais une année, maman m’avait inscrite en colonie pour « bonne famille » du côté de Megève en Savoie. Ce fut un cauchemar. Je pleurais sans cesse, je me sentais mal, je finis même par tomber malade et maman dut venir me chercher au bout de quelques jours. Je pourrissais la vie à la directrice ! Je ne supportais pas d’être loin de ma mère qui avait bien du courage de nous élever seule, mes sœurs et moi, depuis l’accident de papa.

Suite à ce drame, nous avons déménagé pour Paris et j’ai commencé à goûter aux joies du métropolitain et de l’autobus. Je n’ai jamais aimé les transports en commun. Il m’en reste une odeur qui m’indispose et cette sonnette sourde qui annonce l’entrée ou le départ sur le quai. Je préfère à la vie parisienne, ma bicyclette.

Que de bons souvenirs j’ai avec mes potes du val de marne ! Nous trainions tous les soirs jusqu’à plus d’heure. Je n’avais pas besoin d’autorisation de sortie : papa et maman avaient des horaires décalés et j’étais libre comme un oiseau. Par contre mes amis se faisaient disputer de rentrer tant à la nuit mais je n’en n’avais cure. On est cruel quand on a onze ans !

A seize ans, j’ai fugué. J’ai pris le ferry et j’ai débarqué à Londres, le nez en l’air et les mains dans les poches. Je suis partie à l’aventure pour l’aventure, sans argent, sans état d’âme, juste pour le plaisir de voir les hippies de près. Au bout de six mois, j’ai été rapatriée par la police car on m’avait volé ma montre et que j’étais allée porter plainte au commissariat ! Maman est décédée d’un accident de voiture peu de temps après mon retour au bercail. Je m’en suis toujours voulu de lui avoir fait tant de frayeurs. Je me suis subitement retrouvée orpheline, enceinte de mon fils et abandonnée par le père de mon enfant. Je n’avais plus aucun cordon auquel me raccrocher hormis celui auquel je venais de donner vie, celui qui me reliait à ma progéniture.


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Arielle 5596 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazines