La finance responsable, une réalité ?

Publié le 12 novembre 2010 par Edelit @TransacEDHEC

La crise des subprimes et les divers scandales financiers qui l’ont accompagnée ont fortement nuit à la réputation et à l’image des organismes financiers impliqués (banques d’affaires, hedge fund). Dans le même temps, elle a mis en avant le décalage qu’il y a entre le monde de la finance et l’économie réelle. Par ailleurs, les politiciens en ont profité pour se décharger de leur responsabilité en dénonçant les comportements des financiers.

Comment alors redorer le blason des banques et autres fonds de placement ? Comment pousser le consommateur éco-responsable du XXIe siècle à mettre son argent ailleurs que sur un livret A ? Une piste s’est récemment développée : Les Investissements Socialement Responsables (ISR). Selon Novethic « L’investissement socialement responsable rassemble toutes les démarches d’intégration de critères extra-financiers aux divers modes de gestion financière ». Plus question ici de s’intéresser à la seule rentabilité des entreprises, les gestionnaires prennent également en compte des critères environnementaux et sociaux. Concrètement cela se traduit par l’existence de fonds labellisés responsable.

Chaque année, Novethic décerne le label ISR aux fonds qui remplissent certaines conditions concernant le mode de sélection des investissements et le contenu des portefeuilles. On distingue quatre sortes de fonds ISR. Les fonds « best in class » sont les plus nombreux, ils sélectionnent les meilleures entreprises de chaque secteur, pour diversifier leurs portefeuilles. Les fonds « d’exclusion » refusent de gérer certains actifs pour des raisons éthiques et/ou religieuses (armements, tabacs, jeu). Les fonds « d’engagement », quant à eux, utilisent leurs pouvoirs d’actionnaire pour faire pression sur la gestion de l’entreprise de sorte à ce qu’elle ait une conduite responsable. Enfin, les fonds « thématiques » regroupent leurs investissements dans un secteur donné (énergie renouvelable..).

Toutefois, on est en droit de se demander si ces fonds « responsables » ne sont pas une simple tentative des organismes financiers pour se racheter une conduite après la crise. En effet, il n’y a aucun mécanisme officiel de régulation et de contrôle. N’oublions pas que ces placements sont extrêmement minoritaires : 1,9% des actifs gérés en France en 2009. Un rapport publié par Les amis de la terre montre que la majorité des 89 fonds ISR évalués ont dans leur portefeuille des entreprises aux pratiques « controversées »  en matière environnementale ou sociale. La présence de BP dans 16 de ces fonds en est un exemple. Cette entreprise à largement montré cet été qu’elle était coupable de négligence en matière de sécurité sur ses installations pétrolières. Il faut savoir que les enquêtes pour l’attribution du label ISR ne passent pas (ou très peu) par des visites de terrain mais essentiellement par l’étude de documents produits par les firmes elle-même. Difficile dès lors de ne pas mettre en cause leur honnêteté.

La crise a eu le mérite de modifier le comportement des gestionnaires d’actifs. Le développement de fonds responsable est en soi de bonne augure quant à l’évolution à venir de la finance, d’autant plus que leur croissance est exponentielle (+70% entre 2008 et 2009). Pourtant leur légitimité est loin d’être établie. Il faudrait pour cela que soient instaurés des critères reconnus et que les méthodes de contrôle soient objectives. Il reste encore beaucoup à faire pour que la finance responsable devienne une réalité. 

M.B