Lues ces quelques lignes, à la fin d’une chronique du Monde des livres présentant des contes écrits par une romancière italienne à partir de faits divers particulièrement atroces « Comme si, finalement, son travail donnait à voir et à comprendre. Tirer le signal d’alarme. Montrer de quelle manière, dans un pays développé, la haine de l’autre peut infiltrer les esprits jusqu’au meurtre, symbolique ou réel »
On sent bien que pour Monsieur, ou Madame R.R (le ou la signataire de l’article en question) commettre un crime « dans un pays développé » est une circonstance aggravante. J’avoue que j’ai du mal à adhérer à ce raisonnement. Je ne vois pas pourquoi massacrer ses voisins au motif que le mari appartient à une religion pendant que la femme en professe une autre, serait pire en Lombardie qu’en Irak ou qu’il y aurait, somme toute, moins d’abjection à poignarder sa mère et son jeune frère puis à camoufler ce forfait en agression par un étranger, de préférence sans papiers, à Bombay qu’à Novi Ligure. Un meurtre est un meurtre quel que soit le PIB, du pays où il est perpétré.
Unis, sans forcément en avoir conscience, en une foi ingénue dans les supposés progrès de la civilisation, les R.R. de tous les pays sont désespérés quand la réalité les oblige à constater que l’homme n’est sans doute pas aussi naturellement bon que le prétendait Jean-Jacques (lequel n’avait, il est vrai, que d’incertaines connaissances anthropologiques). Il leur est pénible d’admettre que, de même que l’électricité ajoutée au pouvoir des Soviets n’a pas créé « l’homme nouveau », le confort moderne, Internet et la démocratie ne suffisent pas à éradiquer le mal, pour la probable raison qu’il ne vient pas seulement d’ailleurs mais qu’il est présent en chaque homme, eux, les autres et moi sans que cela ait à voir avec le classement sur l’échelle du bien-être de la nation à laquelle il appartient.
Chambolle