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L'espace oceanindien.

Par Ananda

Il existe bel et bien un espace océanindien.

L’Île Maurice, La réunion, Madagascar, les Comores, les Seychelles sont des territoires îliens qui partagent tous des caractéristiques géographiques, ethniques et culturelles communes .

Je m’explique :

1.   ce sont des îles, ou des archipels, ce qui implique une vie profondément liée à la mer et, par voie de conséquence, aux activités de circulation maritime, lesquelles elles-mêmes favorisent hautement les échanges et les contacts, l’ouverture sur l’extérieur.

2.   depuis très longtemps, ils sont le théâtre d’échanges par voie maritime qui ont entraîné la confluence de continents et de cultures parfois géographiquement très éloignées (ainsi, du 6ème au 9ème siècle après Jésus-Christ, les intenses et abondantes migrations maritimes en provenance de l’archipel indonésien et la « colonisation » indonésienne d’une Madagascar encore à cette époque vraisemblablement vide d’hommes, ou encore, un peu plus tard, le commerce arabe très actif en provenance du Golfe Persique ou de Zanzibar, à bord des fameux boutres).

   L’espace océanindien, c’est d’abord l’étonnante rencontre de l’Asie du sud-est (Indonésie) et de l’Asie du sud (Inde, monde arabo-musulman du Golfe Persique) avec l’Afrique Noire. Madagascar en est le plus ancien témoignage, avec sa fusion, souvent étroite, entre populations « austronésiennes » et populations originaires de l’Afrique de l’est. La Réunion et Maurice, pour leur part, ont vu, sur leurs tout petits territoires à l’origine totalement vierges, s’entasser et se mélanger européens, malgaches, africains, indiens (du nord et du sud) et chinois. Les Comores, arabisées par l’Islam, sont un mélange d’africains et de malgaches.

3.   Tous ces territoires ont en commun une histoire moderne marquée par la colonisation européenne, française et anglaise.

Donc, l’espace océanindien n’appartient, en propre, à aucun continent, à aucune culture.

Tout au plus pourrait-on se risquer à dire qu’il « appartient à la mer » (à l’Océan Indien lui-même), ou qu’il « s’appartient à lui-même ».

C’est un espace unique en son genre, par essence poreux, ouvert sur le Grand Large, qu’on aurait tort de méconnaitre.

A présent que l’Asie ( Chine, Inde) s’éveille au plan économique et commercial, et que l’Afrique du Sud, voisine, tend de plus en plus à devenir une puissance émergente cependant que Maurice la dynamique commence à entretenir des « ambitions singapouriennes », il serait peut-être temps de se rendre compte que tout ne se passe plus dans l’hémisphère nord.

L’espace océanindien - qui fut extrêmement important aux XVIIème et XVIIIème siècles pour la « route des épices » des Européens – reprend lentement sa place « stratégique » dans le flux économique mondial.

Peu à peu, il réalise que ses caractéristiques propres d’ouverture sur le large, de complexité culturelle et ethnique extrême constituent des atouts. Par-delà les spécificités de chaque territoire et leurs disparités, qui restent fortes, une sorte de « conscience océanindienne » se réveille.

Il s’agit, bien sûr, d’une conscience pleine d’incertitudes, de questionnements.

Mais les questionnements, n’est-ce pas ce qui aide à avancer ?

En tout cas, les avions et l’internet (qui ont aujourd’hui remplacé les pirogues à balanciers des îles malaises et les boutres) ne rapprochent pas seulement les marchands et autres businessmen, ils mettent aussi en contact les intellectuels et les artistes, les acteurs de la vie culturelle.

Sur ce plan-là aussi, l’espace océanindien est en plein réveil.

Influencé sans doute par la démarche initiée aux Antilles françaises et en Afrique francophone, il est en train de prendre conscience de sa totale spécificité.

Il a produit des écrivains majeurs, tels le Prix Nobel J-M. G Le Clézio, ou Ananda Devi.

Il s’est livré – enfin ! – à un travail sur la créolité, et sur la mémoire de l'esclavage.

Il sait maintenant que sa parole ne peut être qu’originale, multiculturelle.

Il sort – là aussi, enfin ! – de la longue et ténébreuse période de manque de confiance en soi que lui avait imposé le joug colonial de l’Europe.

Il analyse son passé, le cherche, et travaille sur ses névroses.

N’est-ce pas là le meilleur moyen de se situer dans le monde pour mieux rebondir ?

P.Laranco.


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