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Le vrai bilan de Valérie Pécresse

Publié le 14 novembre 2010 par Monthubert

Le sinistre jeu du remaniement prend fin, et le suspense stupide dans lequel le pouvoir essaie de nous entraîner ne doit pas cacher l’essentiel : le bilan de la politique de Sarkozy et Fillon est déplorable. A l’heure qu’il est, on annonce parfois que Valérie Pécresse deviendrait ministre de la Justice, parfois qu’elle resterait à son poste. Quoiqu’il en soit, c’est l’heure du bilan de l’action de Valérie Pécresse et Nicolas Sarkozy.

Ces trois ans ont été avant tout marqués par une communication très offensive autour de deux axes : les moyens financiers pour la recherche et l’enseignement supérieur, et les réformes censées permettre aux universités de sortir du marasme dans le quel elles se trouvent. Pourtant les moyens ne sont pas au rendez-vous, et les réformes ont déstructuré les universités et laboratoires. La communauté scientifique, violemment attaquée par Nicolas Sarkozy en janvier 2009, est abattue. Surtout, notre pays est entré dans la décroissance étudiante, ce qui augure mal de son avenir. Revue de détail d’un bilan désastreux.

Côté moyens, le rideau de fumée cache une baisse des crédits budgétaires

Nicolas Sarkozy a pris un engagement fort pendant sa campagne : augmenter chaque année le budget de 1,8 milliards d’euros, et cela pour atteindre l’objectif de dépenser 3% du PIB pour la recherche. Le résultat est édifiant : si on regarde les crédits budgétaires de la Mission Interministérielle de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur (MIRES), et qu’on enlève ce qui relève de manipulations budgétaires, on trouve une baisse en euros constants. Je m’explique : régulièrement, le gouvernement ajoute à la MIRES des sommes qui auparavant étaient comptées à part, mais ne constituent pas de moyens nouveaux. Exemple : en 2008, près d’un milliard d’euros correspondant aux crédits de l’Agence Nationale de la Recherche ont été comptées au sein de la MIRES, alors qu’en 2007 ils ne l’étaient pas. Cela donne une augmentation artificielle : du point de vue des chercheurs cela ne change évidemment rien, mais pour le pouvoir cela permet d’afficher une forte hausse de la MIRES. Autre exemple de manipulation : la prise en compte de l’augmentation des retraites. Chaque année, l’augmentation du poids des retraites des fonctionnaires de l’enseignement supérieur et de la recherche représente plusieurs centaines de millions d’euros, qui sont comptées dans les crédits de la MIRES… mais n’apportent évidemment rien de plus aux laboratoires ou universités ! Résultat : la MIRES à laquelle on enlève ce qui résulte de ces manipulations budgétaires a augmenté moins vite que l’inflation ; en euros constants, elle a en fait baissé.

Naturellement, il y a des sommes qui ne relèvent pas de la MIRES, comme le Crédit d’Impôt-Recherche (CIR), le plan Campus et le « grand emprunt ». Le CIR a très fortement augmenté, à tel point que jusque dans la majorité présidentielle des parlementaires veulent la réduire, tant ce dispositif permet d’effets d’aubaine pour certaines entreprises. on reparlera plus loin de l’impact désastreux de la réforme du CIR de 2008. Pour ce qui concerne le Plan Campus et le Grand emprunt, la méfiance est de mise. Cela fait maintenant 3 ans que Valérie Pécresse annonce des sommes fabuleuses pour le plan campus. Pourtant, aucune construction n’a encore débuté. Le montant correspondant au plan campus en 2010 est de 70 millions d’euros seulement ! Quant au grand emprunt, il relève de la même logique : on fait miroiter des sommes conséquentes à tout le monde, mais qu’en sera-t-il des dépenses réelles ? Le calcul montre que la totalité du grand emprunt, ramené à une dotation annuelle, représente moins d’un milliard d’euros… Cela dit, pendant que les chercheurs attendent les fonds promis, les annulations de crédits ont bien lieu : 370 millions en 2008, 150 en 2009, déjà 125 en janvier 2010, en attendant celles de la fin de l’année.

Tout ceci peut sembler très abstrait. Mais cela a des effets concrets : les étudiants continuent à étudier dans des locaux dégradés, il n’y a aucune amélioration des conditions d’encadrement pour cause d’absence de création d’emplois scientifiques, les crédits de base des laboratoires baissent, des universités ont des déficits budgétaires de plusieurs millions d’euros, la précarité s’installe chez les personnels.

Côté réformes, c’est la déstructuration à tous les étages

Sur le front des réformes, on retiendra surtout la loi LRU et ses dérivés comme le décret sur les enseignants-chercheurs, la réforme de la formation des enseignants,  le plan « réussite en licence », la réforme des organismes de recherche, et celle du Crédit d’Impôt-Recherche.

  • La loi LRU, et plus encore le décret sur le temps de service des enseignants-chercheurs, ont créé une opposition massive, avec le mouvement le plus long de l’histoire des universités, en 2009. Depuis, les difficultés se sont fait jour, notamment au sein des IUT qui ont perdu de l’autonomie et se retrouvent pour nombre d’entre eux en conflit ouvert avec les présidences d’universités. A trop vouloir concentrer les pouvoirs entre les mains du président et du Conseil d’Administration, la réforme a tué la collégialité et augmenté les potentialités de conflits internes.
  • La réforme de la formation des maîtres, appelée « mastérisation », est la catastrophe qui avait été annoncée : cette formation s’est dégradée, de nombreux enseignants ont fait leur rentrée sans formation professionnelle préalable, les masters des universités sont déstabilisés. Les victimes en sont les élèves, et les enseignants eux-mêmes dont nombre d’entre eux se retrouvent en proie à des difficultés qu’ils n’ont pas les moyens de résoudre. Les gagnants sont le budget, qui a pu économiser des milliers de postes de fonctionnaires-stagiaires, sur le dos des futurs enseignants, et le secteur privé qui se place sur le créneau de la formation professionnelle devenue absente de la formation des enseignants.
  • Le plan « Réussite en Licence » était censé diviser par deux l’échec en premier cycle universitaire. Un rapport de l’Inspection Générale de l’Administration de l’Education Nationale et de la Recherche (IGAENR) en a dressé un tableau sombre, disant clairement que l’objectif ne serait pas atteint. Et pour cause : ce plan a été fait dans l’urgence, sans postes supplémentaires, avec des moyens trop limités. La décroissance étudiante n’est pas près de s’arrêter dans de telles conditions.
  • Du côté des organismes de recherche, les tentatives de détruire directement le CNRS ont échoué grâce à l’action déterminée des chercheurs et des directeurs de laboratoires. Mais la situation est critique : le morcellement du CNRS a été opéré, et plus personne ne comprend rien au rôle de chaque structure. Ce qui est sûr, c’est que le CNRS ne fait plus de prospective scientifique, que l’évaluation nationale s’est fortement dégradée, que la liberté d’initiative scientifique s’est réduite. Et que les jeunes se détournent de la recherche.
  • Enfin, la réforme du CIR en 2008 était destinée à renforcer l’activité de recherche des entreprises, qui en a bien besoin. Mais cette réforme coûte très cher, et n’a pas d’effet incitatif important en moyenne. Si le CIR est utile pour les PME indépendantes, il conduit à un vrai gaspillage d’argent public dans le cas de grosses entreprises qui font de forts bénéfices. Avec la réforme Sarkozy, la part des PME indépendantes dans l’attribution du CIR a baissé de 11,70%.

Ce bilan est loin d’être complet. Mais il montre que Valérie Pécresse a surtout exercé ses talents dans l’art de la communication, afin de masquer une réalité qui n’est pas à son avantage. S’il fallait ne retenir que deux éléments, ce seraient peut-être les suivants :

Le vrai bilan de Valérie Pécresse

Le vrai bilan de Valérie Pécresse

Vu comme ça, l’engagement d’atteindre 3% du PIB en dépenses de recherche, et celui d’augmenter le nombre de diplômés du supérieur à 50% d’une classe d’âge sont de belles utopies irréalistes pour les gouvernements Sarkozy-Fillon. Quoiqu’il arrive avec le remaniement, c’est surtout une réorientation de la politique qu’il faut conduire. Mais personne n’y croit avec le pouvoir actuel.

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