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Neige en décembre, Noël le 25

Par Uneblondedanslaville

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Cela fait quelques semaines que le petit jeu perdure, maintenant.

On a parlé de se séparer début décembre et puis, les vacances ont passé, l’occasion pour lui de prendre ses distances sans en avoir l’air, pour moi d’espérer que la séparation permettrait un renouveau de ne je sais quoi, la passion, le manque, l’envie, au moins, ne serait-ce que celle-là, de faire l’amour.

Mon œil.

La chose que je fais le mieux dans la vie c’est de me bercer d’illusion et de me mentir. Cette fois n’a pas dérogé à la règle.

Alors depuis on se voit régulièrement. On discute de tout, notre quotidien, nos anecdotes, les gens qu’on a vus, les livres qu’on a lus, aimés, détestés, de nos ambitions respectives, de nos projets littéraires fumeux. Mais de ce qui a été évoqué en décembre jamais.

Pourtant le sujet reste là, en suspend, entre nous, comme s’il créait une barrière physique qui empêchait de nous toucher.

Je pourrais lui en vouloir de ne pas avoir les couilles de lancer le débat mais en vérité, je ne les ai pas plus que lui. D’abord parce qu’au fond de moi j’ai peur de le blesser (quelle blague) ensuite (et surtout) parce que cela mettrait un terme officiel et définitif à notre histoire ou ce qui en reste. Et pourtant, n’allez pas croire que je n’en ai pas envie, c’est tout le contraire. Ça fait trop longtemps que notre relation ne me convient plus, qu’elle me frustre, et je suis assez lucide pour savoir qu’on est allé au bout des choses, que je n’obtiendrai jamais l’affection, l’attention en un mot, l’amour que j’attends de lui, que mon acharnement à l’obtenir est vain.

Alors autant trancher dans le vif, non ?

Je n’y arrive pas.

Parce que j’aimerais, à défaut de faire plier ce grand monstre d'indifférence, au moins, une dernière caresse, un baiser, un effleurement et pourquoi pas, une ultime nuit de sexe débridé, comme un adieu joyeux et insouciant à ce qui ne sera plus, ce qui n’a jamais vraiment été au fond, d’ailleurs.

Ce soir, c’est le même scénario que d’habitude : on est allé au ciné, voir un film que lui a choisi parce que c’est toujours lui qui choisit ce qu’on va voir, ce qu’on écoute, ce qu’on mange, ce qu’on boit. Mes goûts ne lui plaisent pas trop, je crois.

En sortant, on s’est rendu compte qu’il neigeait, ça nous a fait sourire comme des gamins la veille de Noël. Sauf que la féérie de noël ça ne l’émeut pas vraiment. Il est pragmatique, lui, il ne rêvasse pas comme moi. Il n’avait qu’une veste légère sur lui, il ne voulait pas attraper froid. Alors il m’a entraînée presque de force à travers les rues jusque chez lui. Oui, quand nous allons au cinéma, c’est souvent près de son appartement, c’est plus pratique pour lui.

Une fois arrivés à destination il a passé un pull et a jeté un œil réprobateur à mes bottes. Il n’a rien dit mais j’ai senti qu’il avait peur que la neige fondue flingue son beau parquet.

Alors docilement – parce que je suis devenue un peu conne et docile depuis que je suis avec lui – j’ai retiré mes bottes. Il avait froid, il a proposé de nous faire un thé.

« comme tu voudras » j’ai répondu en haussant les épaules tout en pensant « au moins, cela donnera un prétexte à s’asseoir tous les deux dans son canapé, partager un moment ensemble ».

Je sais, je suis pathétique.

Tandis qu’il s’affairait en cuisine, je me suis approchée de la fenêtre et j’ai regardé la neige tomber sur la ville. J’imaginais les sons assourdis, là, en bas, le chrak de chaque pas dans la neige, et les gens se promenant deux par deux en se souriant devant ce spectacle, profitant de cette blancheur immaculée avant que la voirie et tous les parisiens ne s’occupent de la transformer en une grosse gadoue noirâtre et sale.

Et puis la réalité a repris ses droits.

J’ai un peu frissonné et me suis demandé « est-ce qu’il me regarde, en ce moment ? Trouve-t-il mon air rêveur un peu charmant ? Est-il touché par cette abandon loin de mes pauses habituelles ? Se demande-t-il, lui, à quoi je pense ? »

J’ai frotté l’un de mes pieds contre l’autre pour me réchauffer avant de sourire un peu « et ce geste-là, ce tic que j’ai de me frotter les pieds et qu’il trouve si mignon habituellement, l’a-t-il vu ? »

J’ai essayé de visualiser le spectacle que je pouvais offrir et tenté de mesurer son effet sur lui : « et si, en me voyant là, accoudée devant sa fenêtre à regarder la neige tomber, lorsqu’il amènera son thé, il le posait sur la table et venait me rejoindre pour m’enlacer gentiment ? »

L’idée était séduisante mais que ferai-je, en pareil cas ?

« je le repousserai ! » me suis-je dit résolument, presque avec rage. « Cela lui fera les pieds, puisqu'on en parle, à ce grand con »

Alors qu’en fait, je sais très bien, au fond de moi, que non seulement il ne le fera pas, mais qu’en plus, si cette brusque idée de tendresse gratuite devait lui traverser l’esprit dieu seul sait pourquoi, je serai assez cruche pour le laisser faire.

Demain, c’est promis, je le quitte. En attendant, je vais encore rester là à regarder la neige, qui sait, pour une fois, il agira peut-être enfin comme j'aimerais qu'il le fasse.

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Ceci est ma participation au jeu d'écriture n#5 du blog à 1000 mains de Madame Kevin et Lizly. Merci à Marlène pour l'illustration.

Si toi aussi tu veux participer, feel free, c'est jusqu'au 24 novembre !


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