Annoncé au mois de juin et attendu depuis avec un fol espoir, le remaniement gouvernemental a enfin eu lieu. Nicolas Sarkozy l’a mené de main de maître, et il a su surprendre en appliquant les méthodes dans lesquelles ce fin politique excelle.
Le remaniement avait pour objectif de préparer le lancement de la campagne présidentielle de 2012. Pour remporter une second mandat, Nicolas Sarkozy se doit en effet de reconquérir la confiance des Français, qui ont peut-être mal compris les réformes qu’il était nécessaire d’appliquer pour préserver le standing de la France dans les manuels d’économie.
Après le temps du bruit et de la fureur vient enfin celui de la sérénité programmée, une caractéristique dont la plupart des analyses à chaud ne tiennent pas compte.
Car faut-il s’étonner de marcher en canard après avoir entendu le président de la République chantonner Tu verras, tu verras pendant cinq mois ? C’est bien mal connaître son talent de persuasion, un véritable atout auprès des Français qui n’aiment rien tant que les petits filous au grand cœur et au sourire enjôleur.
Avec ce mini-remaniement, Nicolas Sarkozy a conformément à son habitude surpris en ne faisant rien. Pour résumer dans un langage que comprendra l’électeur potentiel de l’UMP : « Oh oh ! Charlie Babbitt a fait une blague ! »
- Juste avant de lui éclater la gueule sur la table, Nicolas Sarkozy raconte une blague à la France.">
Juste avant de lui éclater la gueule sur la table, Nicolas Sarkozy raconte une blague à la France.
"> Juste avant de lui éclater la gueule sur la table, Nicolas Sarkozy raconte une blague à la France.
Charlie Babbitt, c’est ce personnage dans Rain Man qui a lancé la carrière "sérieuse" de Tom Cruise au cinéma. Jeune, beau et performant, Charlie Babbitt roule en Ferrari et se tape une top model en parlant très fort au téléphone. Puis il se découvre un frère autiste au contact duquel il révèle son humanité et devient un peu moins tête-à-claques.
Après sa séquence Top Gun — un aller-retour Paris-Séoul dans un A330 bolidé de fond en comble — c’est donc en toute logique que le président de la République s’inspire à nouveau de l’acteur américain, pour lequel il n’a jamais caché son admiration, afin d’atténuer l’image tout feu tout flamme de ses premières années de mandat.
Comme Charlie Babbitt qui provoque les rires de son frère et gagne son affection, Nicolas Sarkozy a donc fait une blague.
Une blague au microcosme politico-médiatique, d’abord, sur-représenté dans les media mais qui ne représente en définitive qu’un infime fraction de l’électorat et vit bien loin de la réalité des citoyens normaux qui eux n’auront pas été perturbés par cette opération de maintenance.
En planifiant pendant cinq mois mais en attaquant telle la mangouste ocelée en un blitz de 24 heures, M. Sarkozy a mobilisé toutes les rédactions entre la première du nouveau Champs-Elysées et le film du dimanche soir, une période stratégique qui comprend aussi Télé Foot et Disney Parade, durant laquelle les Français sont connus pour regarder Champs-Elysées, Télé Foot, Disney Parade et le film du dimanche soir plutôt que de la politique fiction sur les chaînes d’info en continu.
Une grosse blague aussi aux traîtres potentiels de son gouvernement [1], ceux qui pourraient être tentés de le faire vaciller en 2012.
Rusé tel Sun Tzu, il a su les observer discrètement durant des mois, provoquant habilement des faux pas ravageurs au moyens de paroles innocentes, comme un « Ksss... ksss... » susurré en leur touchant délicatement les côtes avec un bâton pointu. Aveuglés par le fiel de la sédition, ils sont nombreux à s’être trahis, les représentants de la soit-disant diversité, alors qu’ils sont exactement comme les autres, perfides !
- Jean-François Copé, probable futur Secrétaire Général de l’UMP, vient de sentir passer la blague de Nicolas Sarkozy.">
Jean-François Copé, probable futur Secrétaire Général de l’UMP, vient de sentir passer la blague de Nicolas Sarkozy.
"> Jean-François Copé, probable futur Secrétaire Général de l’UMP, vient de sentir passer la blague de Nicolas Sarkozy.
Une blague raffinée enfin à Jean-François Copé, qui croyait avoir remporté l’UMP en faisant un perfect. Avant de se rendre compte qu’entre le président, deux ministres d’Etat et un Monsieur joufflu c’étaient les quatre derniers Secrétaires Généraux du parti qui pouvaient mobiliser leurs réseaux pour modérer ses ardeurs suspectes. Un coup de maître qui fait sourire un proche de M. Sarkozy : « Et il l’a où maintenant, le fils du proctologue ? »
De bonnes blagues qui mettront les rieurs du côté de M. Sarkozy et signalent le début de son offensive sur le cœur des Français.
Pour ceux qui auraient raté le film, le frère autiste de Charlie Babbitt, incarné par Dustin Hoffmann, rit beaucoup de cette blague. Puis il retourne dans son institution où il comptera des allumettes jusqu’à la fin de ses jours. Mais on aura entretemps été très ému et ça s’appelle l’effet feel good.
Notes
[1] Non, pas M. Besson. Lui c’est différent.