Apple a-t-elle vraiment besoin des subventions corréziennes ?

Publié le 16 novembre 2010 par Copeau @Contrepoints

En ces temps de crise, on sent que les gens sont tout tristes et tout recroquevillés sur de bêtes réflexes d’épargne. La mélancolie et le rabougrissement guettent ! Il est plus que temps de claquer des thunes ! Voyons grand, soyons fort, et, dans un grand élan vigoureux, cramons vite fait 1.5 millions d’euros dans des gadgets hitech superflus !

Pour cela, on aura besoin d’argent gratuit.

L’argent gratuit, c’est facile à trouver : il pousse au bout des feuilles d’impôt. L’avantage de l’argent gratuit, c’est qu’il permet de transformer, pendant un laps de temps plus ou moins long, la réalité, et de la plier à ses desiderata capricieux. Evidemment, comme tout pliage en force, il y a un retour assez violent. Mais baste.

Et quand on n’a pas assez d’argent gratuit disponible de suite, on utilise de l’argent gratuit de dans plus tard. Il s’agit d’argent gratuit qu’on ira chercher sur le bout des feuilles d’impôts dans quelques années. En plus de l’argent gratuit qu’on récolte tous les ans, bien sûr.

Avec cet argent gratuit, on peut acheter des balles de golf. Ou des voiturettes électriques, ne soyons pas sectaires. Notez qu’avec l’argent gratuit, on peut aussi :
- payer des armées de clowns,
- rémunérer des psycho-sociologues experts en mobilité nocturne,
- indemniser un ministre au casier judiciaire chargé, pour une République Irréprochable.

Ça aurait pu tomber sur des jantes alliages ou des cons de mimes anti-personnel. Cette fois-ci, l’argent gratuit est tombé sur des iPads. Apple se frotte les mains : à partir du 19 novembre et jusqu’au mois de décembre, 2 500 élèves et 800 enseignants de Corrèze vont recevoir la tablette tactile de la firme de Cuppertino. C’est Winnie Hollande qui régale, les enfants !

Franchement, ça tombe à pic pour Apple : cette aide inespérée du département hollandais corrézien va permettre à la petite entreprise française de passer le cap difficile des fêtes alors qu’on sentait l’approche d’un plan social….

Pour le moment, on apprend que cette opération est considérée comme expérimentale, valable pour l’année scolaire en cours. Après s’être remué un doigt ou l’autre dans une narine, le Conseil Général choisira, à la rentrée prochaine, de rééquiper les sixième d’iPad, et envisagera aussi d’attribuer des iPad aussi aux autres classes. Youpi : l’argent gratuit pousse très bien en Corrèze, dirait-on. Cela vaut peut-être le coup de s’y installer, et demander sa part d’argent gratuit. Vous ne trouvez pas ?

Evidemment, on imagine sans peine que les professeurs concernés, qui sont tous, il faut bien le rappeler, des geeks dans l’âme, vont passer de folles nuits à décortiquer les bêtes histoire d’utiliser les iPads à leur potentiel maximum, pour donner une nouvelle dimension à leurs cours de physique ou de Français ; enfin, les profs vont pouvoir exprimer leur côté l33t h4x0r lorsqu’il y aura les inévitables bugs de connexion, ou que deviendront nécessaires des petits tweekings de folie en cours de math le lundi matin, histoire d’empêcher les loustics du fond de se lancer dans un petit Call Of Duty Black OpsTétris en réseau. Un régal permanent…

Au passage, j’ai une pensée émue pour tous les zhumanistes zengagés qui, dès qu’on évoque les parachutes dorés monumentaux, s’empressent de convertir en SMIC. Eh bien pour ce sympathique coup de pouce à la firmette de Cupertino, le calcul donne 1421 smics. Eh oui : avec ce million et demi, on aurait pu payer un smicard pendant 118 ans. Ou un maire-ministre au passé chargé pendant un quinquennat, en comptant quelques putes et un peu de champagne.

Mais bon : aider Apple, c’est noble, aussi.

Si si.

Puisqu’on vous le dit et que c’est avec votre argent, c’est forcément noble.

Et puis ça donne un point de chute aisé pour les racailles qui sauront où trouver les goodies hitech sans trop cogner. Avec la crise, il faut savoir ménager les efforts de tous, à commencer par ceux de Björn qui n’a pas une vie facile facile.

Dernier point : ce crâmage citoyen d’argent gratuit et cette distribution s’incrivent dans l’opération Ordicollège dont le nom ridicule permet d’affirmer avec une absence totale de doute qu’on continue à s’en payer une tranche volumineuse sur le dos du contribuable qui continue pourtant de voter.

Si ça tient jusqu’en 2012, c’est un miracle.
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