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Comment l’exégèse coranique justifie le meurtre des moines

Publié le 16 novembre 2010 par Lomig

Comment l’exégèse coranique justifie le meurtre des moinesEn marge du film Des dieux et des hommes, Etienne Harvey publie sur l’excellent site Point de Bascule un article en 2 parties, qu’il a souhaité republier ici. Comme je trouve l’article très clair, détaillé et documenté, j’ai accepté. Voici donc le premier volet, qui explique comment l’exégèse coranique justifie le meurtre des moines.

Comment l’exégèse coranique justifie le meurtre des moines

La récente sortie en France du film Des hommes et des dieux (bande-annonce ICI) ramena dans l’actualité l’enlèvement survenu en 1996 et l’assassinat subséquent par des fanatiques musulmans de sept moines cisterciens (trappistes) qui vivaient dans un monastère à Tibhirine en Algérie.

Christian Rioux a présenté sa critique du film dans Le Devoir du 17 septembre 2010. Son article est archivé sur le site Cciel.ca.

Après avoir revendiqué les enlèvements puis les assassinats des moines, le Groupe islamique armé (GIA) justifia ses actions en citant une fatwa vieille de plusieurs siècles écrite par l’exégète musulman Ibn Taymiyya (1263 – 1328) (Wikipedia ICI – Bibliographie ICI).

En 1997, un dénommé Nasreddin Lebatelier fit paraître une traduction française inédite de la fatwa d’Ibn Taymiyya sous le titre Le statut des moines. Dans son texte, Ibn Taymiyya déclarait légitime de tuer les moines chrétiens qui ne vivent pas reclus et qui maintiennent des contacts avec les populations habitant à proximité de leur monastère. L’auteur de la fatwa faisait également état de divergences entre les exégètes quant au sort à réserver aux moines qui vivent dans des ermitages.

Dans sa présentation de la fatwa, le traducteur cite les versets du Coran ainsi que des extraits de textes produits par d’autres exégètes musulmans qui cautionnent la position d’Ibn Taymiyya. Le traducteur démontre que la position d’Ibn Taymiyya reflète le consensus qui prévaut parmi les exégètes de l’islam sur la question. La traduction française de la fatwa et une version écourtée de la présentation du traducteur sont disponibles ICI.

Au moment de sa parution en 1997, la traduction du texte d’Ibn Taymiyya a connu un certain retentissement mais elle a été plus ou moins oubliée depuis. Il m’a semblé que la sortie d’un film consacré au drame de 1996 constituait une bonne occasion pour rappeler l’existence de cette justification coranique du meurtre des moines. Le statut des moines mérite d’autant plus qu’on s’y attarde que son auteur Ibn Taymiyya est l’un des exégètes de l’islam les plus respectés par les islamistes contemporains de Tariq Ramadan à Oussama Ben Laden.

La seconde partie de cet article aborde les antécédents du traducteur.

La véritable identité du traducteur révélée

Comment l’exégèse coranique justifie le meurtre des moines
Peu de temps après que la traduction d’Ibn Taymiyyah ait été publiée, Marie-Cécile Royen révéla dans un article intitulé Cet étrange Lebatelier publié par le magazine Le Vif / L’Express du 5 septembre 1997 que Lebatelier était un pseudonyme. En réalité c’est Jean Michot, un converti belge à l’islam, qui traduisit le texte d’Ibn Taymiyya. Depuis sa conversion, Michot s’identifie sous le prénom de Yahya (Yahia).

En plus d’avoir eu recours à un pseudonyme, Michot identifia les Éditions El-Safina de Beyrouth comme l’éditeur de son livre alors que cette maison d’édition n’a jamais existé. La journaliste danoise Helle Merete Brix mentionne l’information dans son livre Mod Mørket : Det Muslimske Broderskab i Europa (Vers l’obscurité : les Frères Musulmans en Europe). L’extrait du livre de Brix discutant du cas Michot et de l’amitié qui le lie à Tariq Ramadan est disponible sur le site Sappho.dk. Le texte est en danois mais la traduction offerte par Google est fort adéquate.

Le curriculum vitae de Yahya Michot révèle qu’au moment où il fut identifié comme traducteur de l’apologie du meurtre des moines, il était chef de travaux et chargé d’enseignement à l’Institut supérieur de philosophie de l’Université de Louvain (Belgique). À l’époque de la controverse, l’Université décida de mettre fin à sa relation professionnelle avec Michot.

Le site internet de l’Université de Louvain affiche le texte d’un des chercheurs de sa Chaire d’éthique qui discute des implications morales associées au cas Michot :

« Dans quelle mesure le chercheur universitaire doit-il bénéficier dans le cadre de sa profession d’une liberté de recherche et d’expression plus grande que dans d’autres professions (ex : devoir de réserve des magistrats). Et si oui, jusqu’où une institution universitaire est-elle tenue d’accepter les propos que ses membres émettent qualitate qua, voire dans leur vie extra-professionnelle. (…) Le souci herméneutique d’établir le contenu exact d’un livre sacré sur la question du meurtre des infidèles ne saurai(t) certainement à (lui) seul être censuré, pour autant du moins qu’il se traduise avec tout le sérieux requis. Il est cependant du devoir du chercheur de préciser avec toute la clarté nécessaire le statut et les implications de son discours. Sur des sujets aussi graves, le recours délibéré à l’ambiguïté, à l’amalgame ou au pseudonyme ne saurai(t) être tolér(é). »

Au moment de la divulgation de son identité comme traducteur et commentateur de l’apologie du meurtre des moines d’Ibn Taymiyya, Michot était également président du Conseil supérieur des musulmans de Belgique (CSMB). Un rapport sur la menace de l’islam radical produit en 2002 pour le bénéfice du Sénat et de la Chambre des représentants de Belgique identifie le CSMB comme une partie intégrante du réseau international des Frères Musulmans.

Un autre rapport, plus récent, produit en 2008 par la NEFA Foundation analyse également la pénétration des Frères Musulmans en Belgique.

Algérie : l’offensive islamiste des années ’90

L’assassinat des moines fut l’un des nombreux épisodes de la campagne de terreur menée par les islamistes en Algérie durant les années ’90. Selon les sources consultées, le nombre de victimes de cette période s’établit entre 100 000 à 200 000. L’offensive islamiste connut une forte intensification après que le gouvernement algérien ait décidé d’annuler la tenue du second tour des élections de 1991-92. Un rapport de l’Institut d’études de sécurité (IES) soutient qu’il serait « simpliste » cependant de présenter l’offensive islamiste uniquement comme une réponse à l’interruption des élections puisque, bien avant qu’elles n’aient lieu, plusieurs vétérans de la guerre d’Afghanistan contre les Soviétiques avaient constitué des groupes paramilitaires en Algérie qui étaient passé à l’action. Le rapport fait état d’affrontements violents entre les islamistes et le gouvernement algérien dès juin 1991, soit plusieurs mois avant le premier tour de scrutin.

Le rapport de l’IES mentionne que la violence des années ’90 a été précédée d’une promotion de l’islam radical auprès des jeunes dans les mosquées par des vétérans de l’Afghanistan et par des théologiens islamistes radicaux.

Le rapport récapitule ainsi la campagne des années ’90 menée en Algérie par les islamistes :

« Les mouvements islamistes étaient prêts à imposer leur autorité après avoir mis sur pied leurs propres groupes paramilitaires. Ils organisèrent une campagne de terreur tous azimuts. (…) Avec le recul, on peut identifier ainsi les quatre étapes de leur offensive :

- Attaques contre les forces de sécurité et les employés du gouvernement;

- Attaques contre les intellectuels, les journalistes, les avocats, les artistes et les étrangers, particulièrement les ressortissants français, en Algérie et en France;

- Attaques contre l’infrastructure du pays (ponts, écoles, chemins de fer et réseaux d’électricité);

- Attaques contre la population en général. »

L’islam interdit aux musulmans de tuer leurs coreligionnaires. Les islamistes devaient donc trouver un argument tiré de l’exégèse coranique pour justifier leurs attentats contre les dirigeants algériens et d’autres musulmans. Le Groupe islamique armé (GIA) invoqua une fatwa d’bn Taymiyya qui autorise de tuer des musulmans lorsque ceux-ci dérogent à la charia. Si des musulmans qui se conforment aux cinq piliers de l’islam (profession de foi, prière, charité, jeûne et pèlerinage) dérogent, par ailleurs, à d’autres règles de la charia, ils doivent être considérés apostats et traités en conséquence, avait statué Ibn Taymiyya.

Le maître à penser des islamistes a produit sa fatwa au XIIIe siècle pour justifier le jihad contre les envahisseurs mongols après que ceux-ci se soient convertis à l’islam durant leur occupation de territoires musulmans.

Dix ans avant que le GIA n’invoque la fatwa d’Ibn Taymiyya, l’organisation égyptienne Jihad islamique avait fait de même pour justifier l’assassinat du président Anouar Sadate survenu le 6 octobre 1981. Dans ce cas-ci, les islamistes avaient considéré l’accord de paix signé par Sadate avec Israël comme une manifestation d’apostasie qui devait être punie.

Les islamistes égyptiens laissèrent derrière eux un manifeste intitulé Al-Faridah al-Gha’ibah (Le devoir négligé) dans lequel on retrouve plusieurs extraits de textes d’Ibn Taymiyya et d’autres exégètes musulmans qui justifient le jihad contre les musulmans qui dérogent à la charia. Leur manifeste a été traduit en anglais et présenté en 1986 par Johannes J. G. Jansen sous le titre The Neglected Duty (Collier Macmillan Publishers, London).

Les islamistes justifient le meurtre de musulmans qu’ils accusent d’apostasie en recourant notamment aux extraits suivants :

Coran 2:85 : « Croyez-vous donc en une partie du Livre et rejetez-vous le reste? Ceux d’entre vous qui agissent de la sorte ne méritent que l’ignominie dans cette vie, et au Jour de la Résurrection ils seront refoulés au plus dur châtiment, et Allah n’est pas inattentif à ce que vous faites. »

« Quiconque (…) croit que quelqu’un peut se passer d’obéir à l’Envoyé de Dieu (Muhammad) (…) sera appelé à se repentir. S’il se repent … Sinon, on le décapitera. »
Ibn Taymiyya (Textes spirituels, p.422)

« Selon les autorités de l’islam, quiconque se rebelle contre un seul précepte de l’islam doit être combattu même s’il a prononcé la profession de foi des musulmans. (…) La punition de l’apostat doit être plus lourde que celle imposée à celui qui a toujours été un infidèle. L’apostat doit être tué en toutes circonstances. »
Ibn Taymiyya (Al-Fatawa al-Kubra cité dans The Neglected Duty, pp. 169 et 170)

L’islam condamne le monachisme

Après avoir attaqué les représentants du gouvernement algérien, les islamistes s’en prirent aux intellectuels et aux étrangers. Avant que les moines de Tibhirine ne soient attaqués pour une seconde fois en mars 1996, de façon fatale cette fois-là, onze religieux du même diocèse avaient été assassinés durant les deux années précédentes lors de cinq attaques différentes. Deux semaines avant d’enlever les moines, le GIA avait décapité 12 Croates qui travaillaient à proximité du monastère.

Comme il l’avait fait avec les représentants du gouvernement et les intellectuels algériens, le GIA invoqua une fatwa d’Ibn Taymiyya pour justifier l’assassinat de ses nouvelles cibles.

Dans son introduction au Statut des moines, Yahya Michot rappelle les versets du Coran qui condamnent le monachisme, la vie d’ascèse et de privations que mènent les moines chrétiens. Ce sont les versets 9:31, 9:34 et 57:27.

Le verset 57:27 condamne la « perversité » des moines car ils pratiquent une forme de dévotion étrangère au Coran.

Michot cite un extrait d’Ibn Hanbal (780 – 855), le fondateur d’une des quatre écoles d’interprétation de l’islam sunnite, contre le célibat des moines (p. 3) : « Notre sunna (notre pratique) c’est coïter. Les pires d’entre vous, ce sont les célibataires parmi vous. Les plus vils de vos morts, ce sont les célibataires parmi vous. »

Yahya Michot ajoute le commentaire qui suit (p. 4) : « La véritable (dévotion) (…) n’a donc rien à voir avec la continence et les autres formes d’ascèse extrêmes du monachisme chrétien. (La véritable dévotion) correspond à la voie du Prophète, à sa sunna, et il n’est pas de plus haute spiritualité, en Islam, que l’imitatio Muhammadi, (que d’imiter Muhammad), en toutes les dimensions exemplaire de son vécu d’homme parfait. »

Un peu plus loin dans son texte, Michot cite de nouveau Ibn Hanbal qui affirme que de mener le jihad constitue le genre de dévotion encouragée par l’islam.

Il convient de noter que plusieurs des exégètes de l’islam, à commencer par Ibn Taymiyya lui-même, étaient célibataires. Yahya Michot a d’ailleurs consacré un texte au célibat de ce dernier. Dans ce texte, Michot mentionne d’autres célèbres exégètes musulmans célibataires, dont Tabari (839 – 923) et Nawawi (1233 – 1277).

Plus récemment, Muhammad Hamidullah (1908-2002) et Sayyid Qutb (1906 – 1966) s’illustrèrent comme des leaders et des exégètes islamistes célibataires. En plus d’avoir été un auteur prolifique, Hamidullah contribua à l’établissement de la première base d’opération des Frères Musulmans en Europe (à Genève) en 1961 en compagnie de Saïd Ramadan (le père de Tariq). Quant à Qutb, l’influence de ses écrits est considérable. Elle a inspiré et continue d’inspirer tous les islamistes contemporains des Frères Musulmans à al-Qaida en passant par l’ayatollah Khomeini.

Les moines en situation de dhimmis

Dans sa fatwa, Ibn Taymiyya rappelle qu’en dehors des périodes de conflit, les moines doivent payer la capitation (jizya), une taxe spéciale imposée aux chrétiens et aux juifs qui vivent là où la charia est appliquée conformément au verset 9:29 du Coran :

Coran 9:29 « Combattez ceux qui ne croient ni en Allah ni au Jour dernier, qui n’interdisent pas ce qu’Allah et Son messager ont interdit et qui ne professent pas la religion de la vérité, parmi ceux qui ont reçu le Livre (les chrétiens et les juifs), jusqu’à ce qu’ils versent la capitation (jizya) par leurs propres mains, après s’être humiliés.»

Les manuels de charia qualifient de « dhimmis » les non-musulmans qui vivent ainsi comme citoyens de deuxième classe dans les pays musulmans. Ibn Taymiyya insiste sur l’humiliation dictée par le verset 9:29 en précisant que les dhimmis doivent « se faire petits ». Yahya Michot rapporte cette remarque dans une autre étude (p. 208) qu’il consacra à son maître à penser publiée en 2003 par la revue iranienne Farhang.

Outre le paiement de cette taxe spéciale, les dhimmis sont soumis à plusieurs autres restrictions. Chacune d’entre elles atteste de leur statut d’infériorité. L’auteure Bat Ye’or a consacré de nombreux ouvrages à approfondir le concept de dhimmitude.

Pour Ibn Taymiyya, les périodes sans conflit ne sont jamais plus que des interludes entre deux jihads. Il soutient que les musulmans devront faire la guerre aux infidèles jusqu’à ce qu’ils aient réussi à faire triompher leurs principes universellement. Cette position reflète le consensus (ijma) en vigueur chez les promoteurs de la charia :

« Quiconque a reçu l’appel du Messager d’Allah (…) et n’y a pas répondu doit être combattu « jusqu’à ce qu’il n’y ait plus d’association et que la religion soit entièrement à Allah ». (…) Voilà ce qu’est le jihad contre les kafirs (mécréants), les ennemis d’Allah et de son Messager. »
Ibn Taymiyya, The Religious and Moral Doctrine of Jihad. Texte reproduit par Rudolph Peters, Jihad in Classical and Modern Islam, Princeton, Marcus Wiener, 1995, p. 44.

Le passage entre guillemets cité par Ibn Taymiyya dans la première phrase est reproduit des versets 2:193 et 8:39 du Coran.

Dans un texte précédent, j’ai eu l’occasion de citer des écrits de cinq autres exégètes, endossés par les Frères Musulmans, ayant vécu entre le Xe siècle et le XXe siècle qui défendent une conception du jihad offensif identique à celle exposée par Ibn Taymiyya.

Convient-il de tuer les moines?

Après avoir exposé les raisons qui amènent les théologiens musulmans à condamner la « perversité » du monachisme, Yahya Michot pose carrément la question suivante avant de se tourner vers Ibn Taymiyya pour la réponse :

« (p. 5) Convient-il, dans la foulée de la condamnation musulmane du monachisme, de combattre les moines par les armes et de les tuer? »

Ibn Taymiyya répond à la question en distinguant deux situations : celle des moines qui sont en contact avec les populations locales et celle de ceux qui sont reclus et qui vivent dans des ermitages.

Dans le cas des premiers, la position d’Ibn Taymiyya est directe et sans préambule : ils doivent être tués.

« (p. 14) Ceux-là, les ulémas (exégètes musulmans) ne controversent pas sur le fait qu’ils sont ceux des Nazaréens (Chrétiens) qui méritent le plus d’être tués en cas de guerre et de se voir prélever la capitation (jizya) en cas de paix. Ils sont du genre des imams de la mécréance au sujet desquels (Abou Bakr) (…) a dit (…) :  » Combattez les imams de la mécréance « . »

Note : Abou Bakr (573 – 634) fut le premier calife à succéder à Muhammad.

Les moines de Tibhirine appartenaient à la première catégorie, à celle des moines qui vivent en contact avec leurs voisins. Les échanges qu’ils entretenaient avec leurs voisins prenaient différentes formes. Dans un portrait des moines assassinés, le magazine catholique America (22 juin 1996) rapportait que chaque année, leurs voisins transportaient leurs récoltes d’olives au monastère pour qu’elles y soient pressées pour en extraire l’huile. La confiance régnait au point où les résidents des environs confiaient aux moines l’entreposage de l’huile qui leur appartenait. Quand leurs propres réserves s’épuisaient, les voisins revenaient au monastère pour se réapprovisionner.

Un des moines de Tibhirine, le frère Luc Dochier (Documentaire ICI), médecin diplômé en France, prodigua des soins aux malades qui vivaient dans les environs du monastère durant cinquante ans. Quand les islamistes l’assassinèrent, il avait 82 ans.

Plusieurs des voisins participaient avec les moines à la culture des cinq hectares de jardin potager sur des terrains adjacents au monastère.

Jamais les moines n’ont cherché à prendre partie entre ceux qu’ils appelaient leurs « frères de la montagne » (les islamistes) et leurs « frères de la plaine » (les militaires). Comment des hommes aussi inoffensifs et en aussi bons termes avec leurs voisins pouvaient être perçus comme une menace par qui que ce soit?

Yahya Michot n’essaya pas de convaincre ses lecteurs d’un manque de jugement d’Ibn Taymiyya ou d’une erreur d’interprétation du Coran de sa part qu’il aurait démontrée en présentant des explications d’autres exégètes de l’islam qui allaient dans le sens contraire. Non, Yahya Michot prit la défense d’Ibn Taymiyya et critiqua ceux qui lui « distribu(aient) des étiquettes (…) d’intégriste ». Dans son texte, Michot déclare que la position d’Ibn Taymiyya ne peut pas être « intégriste » puisqu’elle est conforme à l’exégèse de l’islam.

Voici quelques-unes des opinions d’exégètes musulmans qu’aligna Yahya Michot dans son introduction au Statut des moines pour démontrer la conformité de la position d’Ibn Taymiyya à la doctrine islamique :

« Les prêtres, les diacres et les moines errants qui fréquentent les gens, pas de grief à ce qu’on les tue. »
Al-Shaybani (749 – 805), p. 8.

« (En) abandonn(a)nt tout pour s’occuper d’une espèce de mécréance, (les moines) sont cause de tentation pour les gens; ils tombent sous le coup de cette parole de Dieu : « … alors combattez les meneurs de la mécréance. » (Coran 9:12) »
Abou Hanifa
(699 – 767), fondateur de l’école d’interprétation hanafite de l’islam sunnite, p. 8.

« Tu trouveras des gens soutenant s’être reclus pour Dieu. Laisse-les, ainsi que ce pour quoi ils soutiennent s’être (ainsi) reclus. Tu trouveras aussi des gens qui se sont fait comme un nid de cheveux (au) milieu de la tête. Frappe de l’épée le nid qu’ils ont fait. »
Malik Ibn Anas
(711 – 795), fondateur de l’école d’interprétation malékite de l’islam sunnite, p. 5.

Note : Le « nid de cheveux (au) milieu de la tête » réfère à la tonsure que les moines portaient traditionnellement avant qu’elle ne devienne facultative.

« Vous passerez auprès de gens qui ont fait le vide en eux-mêmes (pour Dieu) dans des ermitages. Laissez-les, ainsi que ce pourquoi ils ont ainsi fait le vide en eux-mêmes. (…) Vous trouverez aussi des gens qui se sont fait comme un nid (au) milieu de la tête et ont laissé autour comme un turban. Donnez-leur un coup d’épée. »
Tabari (838-923), p. 5.

« La mécréance de l’ensemble (des moines) est identique et (…) leur sang est licite (halal) en vertu de leur seule mécréance. »
Al-Shafi
(767 – 820), fondateur de l’école d’interprétation chaféite de l’islam sunnite, p. 7

Il y a donc consensus parmi les exégètes de l’islam pour légitimer le meurtre des moines qui ne sont pas reclus. Une divergence persiste sur le sort à réserver aux ermites. Certains comme Abou Hanifa et al-Shafi commandent de les tuer pour la seule raison qu’ils ne sont pas musulmans alors que d’autres se disent prêts à les épargner. Ceux qui, comme Al- Shaybani (p. 5) et Ibn Malik (p. 6) optent pour la seconde solution, précisent cependant que pour être laissés en vie les ermites doivent avoir « fermé leur porte sur eux-mêmes avec de la boue ». Rien de moins.

Partie 2/2 ICI (à venir)

Article paru sur Expression Libre, membre du Reseau LHC.


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