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Une inaction omniprésente

Publié le 17 novembre 2010 par Copeau @Contrepoints

Bousculade dans les niouzes : l’Irlande hurle qu’elle n’a besoin de personne et tout le monde se bouscule, le Portugal barbote confortablement dans la dette, la BNP Paribas se retrouve à la première place des banques mondiales plaçant la France dans la même situation que l’Irlande il y a un an, et la SNCF et la RATP sont étrillées dans différents rapports. Bref, il y a fort à dire sur ce qui se passe en France. Ah, aussi, Nicolas 1er a émis des sons à la télé.

Comme on peut le voir, il y a du pain sur la planche pour analyser tout ce fatras d’éléments qui paraissent disparates. Je dis « qui paraissent » parce qu’en réalité, il y a, comme on va le voir, une constance assez navrante dans l’ensemble de ces nouvelles.

Ainsi, on pourrait longuement épiloguer sur les raisons de la crise financière et sur les rouages compliqués qui ont amené les pays à se retrouver en fâcheuses postures, les uns derrière les autres. L’ensemble de l’Europe, et notamment la zone euro, baignant dans la sociale-démocratie, on accusera par exemple le turbolibéralisme, le capitalisme triomphant et forcément débridé, pour expliquer dans la logique altercomprenante des socialistes la déroute monétaire.

Pourtant, ce qui caractérise les difficultés de la Grèce, c’est surtout l’inaction compacte qui fut la règle lorsqu’elle frappa à la porte de l’Euro : trop content de l’accueillir, il ne fut jamais mention de sa méthode « différente » pour établir ses comptes publics. Il ne fut jamais question de l’obliger à rentrer dans les clous, effectivement.

Pourtant, ce qui caractérise les difficultés de l’Irlande, c’est l’inaction continue pendant des années à juguler les problèmes bancaires. Tout comme Lehman ne fit absolument rien pour éviter sa faillite tant que la Fed sauvait les petites banques locales les unes après les autres, l’Irlande aura propulsé le ménagement de la chèvre et du chou au rang d’art.

Pourtant, ce que montrent les problèmes du Portugal, c’est la volonté beaucoup trop tardive et beaucoup trop molle de réduire les déficits et la dette du pays. Malgré les récentes agitations frénétiques pour faire comprendre aux souscripteurs de leurs bons d’état que finalement, si si, ils allaient faire de sérieux efforts, l’inaction qui a été de mise pendant les mois et les années précédentes coûte à présent fort cher.

Pour BNP Paribas, on pourrait s’étonner du peu de retentissement de l’absence totale de retentissement dans la presse de la nouvelle place de n°1 de l’établissement français (cocorico et tout ça) : en réalité, cette place doit tout, là encore, à l’inaction furieuse et frénétique du gouvernement : les obligations de Bâle, de capitalisation et tout le reste, c’est bon pour les autres, mais pour les banques française, on s’en fiche.

Et on comprend le peu de pub : en réalité, cette première place montre surtout que la banque a atteint cette hauteur en se levant, ergots dressés, sur une pile de fumier financier conséquente. Là encore, il sera urgent de ne surtout rien faire. Tout mouvement pourrait conduire à l’effondrement du bazar. Ne bougez plus. Ne respirez pas trop fort. Ne pétez pas.

Si l’on se recentre sur la France, on découvre, « totalement stupéfaits » que … ah mais non, c’est « pas du tout surpris » qu’on se rend compte que la SNCF et la RATP ont joué de finesse pour procrastiner, et modérer dans des proportions pathologiques toute action qui aurait pu conduire à la conclusion que quelque chose se passait quelque part.

Chut, rendormez-vous ! Chantiers insuffisants pour gérer l’accroissement du trafic en région parisienne, quasiment aucun investissement dans les Transiliens, immobilisme de RFF, bref le rapport que consacre la Cour des Comptes aux transports en commun en Ile-de-France peut se résumer en une phrase : ça branlouille sec dans ces services publics.

Mais en matière de branlisme olympique, s’arrêter ici constituerait une faute. On a oublié le vainqueur toutes catégories, le multimédaillé d’or, le polygagnant de l’inertie explosive et gesticulante.

Et ça tombe bien, il nous a fait une petite démonstration de trampoline républicain, de barres parallèles démocratiques, d’anneaux citoyens et de poutre gouvernementale qui donne une excellente idée de ce qu’on peut faire avec un peu de néant politique et de lécithine de soja législative (pour faire mousser), à condition de s’agiter vigoureusement.

Sarkozy, un président à 75Hz

Sarkozy, un président à 75Hz

Le tout, (belle performance !) en jouant du flutiau : on pourra par exemple pondérer longuement le « gouvernement resserré mais pas partisan« , dans lequel l’ouverture au centre et à la gauche ont disparu, et tellement resserré puisque, s’il comporte à peu près le même nombre de clowns et de mimes que le Fillon 2, il compte tout de même 7 ministres et 4 secrétaires de plus que le Fillon 1. On a vu resserrage plus violent.

Pour le reste, on roule dans les banalités d’usage ; la démonstration en salle est parfaitement rodée, les numéros d’équilibriste s’enchaînent, mais il n’y a finalement aucune découverte : l’environnement ne l’intéresse plus (renouvellement des agréments de fonctionnement des centrales nucléaire en 2011 oblige), l’immigration sera jouée pianissimo, on va continuer à faire gentiment grossir la sécurité sociale (trop petite et trop malingre, sans doute), le chômage sera diminué de gnagna pourcents d’ici mfmfmf années (parce que les autres dirigeants étaient des gros nuls) et pour la régulation financière on va pas se laisser faire non mais dites donc.

Et il y aura suppression de l’ISF. Si c’est comme pour la taxe professionnelle, on peut s’attendre à une hausse générale des prélèvements fiscaux. Préparez les burettes de vaseline.

Bref : tout semble montrer que ce remaniement, dont on cherche encore la raison officielle, et qui se traduit par des changements à la marge, n’ouvrira la voie à aucune action essentielle. Le Français lambda se retrouvera confronté aux mêmes problèmes, aux mêmes taxes, aux mêmes injustices, et continuera de s’enfoncer dans la pauvreté. Le président, suivant en cela la tendance lourde et générale à la gesticulation tardive et inopérante, nous propose donc une gesticulation tardive, inopérante et répétitive.

Toute cette inaction explosive, ça finit par fatiguer.


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